Clarisse Magnin-Mallez : « Trois raisons pour lesquelles McKinsey ne paie pas d’impôts »
Trois mois après que les pratiques fiscales de McKinsey ont été mises publiquement en cause en France, la patronne du bureau français est sortie de son silence.

Dans une interview à BFM Business le 11 juillet (qui a ressurgi sur les réseaux sociaux ces derniers jours), Clarisse Magnin-Mallez, la dirigeante de McKinsey en France, est revenue sur les présomptions d’optimisation fiscale qui visent le cabinet (relire notre article).
Des présomptions dont la justice (relire notre article) et l’administration (relire notre article) se sont saisies et qui ont valu au bureau de Paris une perquisition (relire notre article).
Interview dans laquelle on apprend au préalable que le bureau en France ne représente que 3 % de l’activité de McKinsey dans le monde, de l’ordre de 450 millions d’euros (le chiffre rendu public par le Sénat pour l’exercice 2020 était de 329 millions d’euros) ; le secteur public représente 5 % du chiffre d’affaires du bureau et 3 % de la marge.
« Il y a trois raisons pour lesquelles on ne paie pas d’impôt et ce n’est pas du tout ce qui a été dit. La première raison est que le marché du conseil en France est très compétitif : nos honoraires sont 15 % à 20 % plus faibles en France que dans le reste de l’Europe ; l’effet numéro deux est que nous avons un marché très onéreux, car le coût du travail en France est 15 points supérieur à la moyenne européenne ; la troisième chose est que McKinsey est dans une logique d’investissement en France. L’impôt sur les sociétés, nous l’avons payé en 2021, nous l’avons payé par le passé, nous le payons via notre filiale de mise en œuvre opérationnelle (Orphoz à Lyon – voir notre article). La contribution à l’impôt d’une entreprise, ce n’est pas que l’impôt sur les sociétés. Et nous, nous avons payé quasi un demi-milliard d’euros de cotisations sociales, taxes et impôts ces dix dernières années », a-t-elle défendu.
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La féminisation des gouvernances des cabinets de conseil en stratégie avance à pas comptés. Après Bain (Ada Di Marzo en 2019), et Kearney (Delphine Bourilly depuis le 1er juillet dernier), c’est au tour de McKinsey de faire le choix d’une femme pour diriger le cabinet en France : Clarisse Magnin-Mallez en devient ainsi la cheffe d’orchestre.
Alors qu’elle n’était pas intervenue directement devant la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil privé sur les politiques publiques – les deux partners en charge du secteur public et de la santé avaient représenté le cabinet (relire notre article) – Clarisse Magnin-Mallez indique vouloir corriger « des contre-vérités ou des inexactitudes qu’on a vécues pendant un certain nombre de mois ».
« Je veux quand même le dire : McKinsey n’a pas coûté un milliard à l’État (chiffre global pour l’ensemble des cabinets de conseil mis en avant dans le rapport du Sénat – relire notre article) », a-t-elle par exemple appuyé. « McKinsey a été retenu sur des projets qui représentent 1 % du milliard. Ce n’est pas que nous n’étions pas le plus gros, c’est que nous étions le 20e cabinet. 1 % d’un milliard, c’est 10 millions. Ce montant n’a pas évolué sur les 15 dernières années. […] Donc on n’est pas un acteur du tout partenaire du secteur public même si nous sommes leader mondial dans notre métier de conseil en stratégie. »
Sur les missions gratuites sujettes à beaucoup d’attention pour les risques de conflits d’intérêt qu’elles représenteraient, Clarisse Magnin-Mallet indique que McKinsey se conformera aux règles qui seraient édictées par le gouvernement sur le sujet – le Sénat appelait à les interdire dans une proposition de loi présentée à l’été (relire notre article).
Interrogée sur la publication éventuelle de la liste des clients de McKinsey pour éviter tout conflit d’intérêts lors de missions que lui confierait l’État français, Clarisse Magnin-Mallet indique que le cabinet tranchera sur ce point une fois l’ensemble des règles clarifiées dans divers cadres : la proposition de loi du Sénat, les préconisations du ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini (ce qu’il a commencé à faire depuis – relire ici) ou encore la mission d’information envisagée par l’Assemblée nationale (relire notre article).
« On verra, une fois que tout sera décanté, les conditions que l’on peut appliquer à notre travail », a-t-elle fait savoir.
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commentaires (3)
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secteur public
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