Info Consultor : Orphoz, la filiale de McKinsey qui paie l'IS

La filiale lyonnaise de McKinsey mise en avant par le cabinet pour justifier de son paiement d’impôt sur les sociétés en France et de l’absence de parjure de son partner au Sénat a été identifiée par Consultor : il s’agit d’Orphoz. Elle a réglé 2,4 millions d’euros d’impôts sur les bénéfices sur les cinq exercices fiscaux allant de 2015 à 2019. McKinsey multiplie par ailleurs les initiatives pour répondre au « scandale d’État » dont toute la classe politique l’accuse.

Benjamin Polle
31 Mar. 2022 à 11:12
Info Consultor : Orphoz, la filiale de McKinsey qui paie l'IS
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Devant le maelstrom déclenché par la publication du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, qui indiquait que McKinsey n’avait réglé aucun impôt sur les sociétés en France depuis 2011 (voir notre article), McKinsey a avancé un premier élément de réponse le samedi 26 mars.

Dans un communiqué, le cabinet indiquait qu’« entre 2011 et 2020, McKinsey a payé plus de 422 millions d’euros d’impôts et de charges sociales, soit près de 20 % de son chiffre d’affaires cumulé sur la même période. Toutes les entités de McKinsey en France sont assujetties à l’impôt sur les sociétés. Ainsi, sur la même période, sa filiale de mise en œuvre a payé 6 ans l’impôt sur les sociétés ».

Sans dire de laquelle il s’agit ni combien elle a réglé en impôts.

Orphoz : 2,4 millions d’impôts sur les bénéfices en cinq ans, 51,3 millions d’euros de chiffre d’affaires

La seule filiale de mise en œuvre dont dispose McKinsey en France est sa filiale lyonnaise, Orphoz. Elle a été établie par McKinsey en 2011. Elle regroupait en 2015 (ainsi que l’indiquait alors à Consultor le patron du cabinet en France, Jean-Christophe Mieszala) une trentaine de personnes qui accompagnent dans la durée les entreprises en aidant les équipes dans la mise en œuvre et la préparation au changement. Elle opère également en Allemagne.

Objectif pour McKinsey via cette filiale : vendre du conseil plus opérationnel sans affecter l’image de marque de McKinsey. Elle est par exemple intervenue aux Hospices civils de Lyon (voir notre article) ou à la Caisse des dépôts aux côtés de McKinsey (ici).

Cette filiale, uniquement présente en Europe et qui ne pouvait pas activer le mécanisme des prix de transfert, a réalisé 51,3 millions d’euros de chiffre d’affaires sur les cinq exercices fiscaux 2015 (7 millions d’euros), 2016 (7,1 millions d’euros), 2017 (10,3 millions d’euros), 2018 (12,4 millions d’euros) et 2019 (14,5 millions d’euros). 

Sur la même période, cette filiale a payé 2,4 millions d’euros d’impôts sur les bénéfices, soit 0,5 M€ par an en moyenne, ce qui correspond à 4,7 % de son chiffre d’affaires réalisé sur la période.

Cela conforte l’estimation de Consultor selon laquelle McKinsey & Company Inc. France, la société mère domiciliée au Delaware, aurait dû payer un impôt de l’ordre de 9 millions d’euros en 2020. Chiffre obtenu en appliquant les 3 % d’impôts sur les sociétés payés par son grand rival le BCG sur 2018-2020.

à lire aussi

Réseautage chez les anciens

Ce n’est pas le seul levier actionné par McKinsey. Comme l’apprenait La Lettre A, Clarisse Magnin-Mallez, la managing partner de McKinsey en France (voir notre article) a adressé aux anciens du cabinet en France un mail de réassurance.

Elle y réaffirme que l’antenne tricolore du géant américain respecte « l’ensemble des règles fiscales et sociales françaises applicables ». Elle y appelle également à leur soutien : « Comme vous pouvez l’imaginer, ce sont des moments où votre confiance, votre soutien et votre amitié sont particulièrement appréciés. »

En parallèle, toujours selon La Lettre A, de manière plus informelle, les partners du cabinet ont été incités à se rapprocher de leurs clients privés. Enfin, McKinsey a repris contact avec certains élus. L’entourage de Valérie Pécresse a ainsi été approché. 

Frédéric Lemoine, l’ancien secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac, qui a été senior advisor du cabinet (voir notre enquête), est le coordinateur du projet présidentiel de Valérie Pécresse.

De même qu’Alexandra Dublanche, la vice-présidente de la région Île-de-France, en charge des questions économiques, qui organise pour l’élection présidentielle de 2022 les comités de soutien et coordonne la cellule riposte, a été consultante chez McKinsey de 2006 à 2008 (relire notre article), ou que Maël de Calan, le vice-président du microparti Libres !, a été associate partner chez McKinsey d’octobre 2018 à juin 2021 ().

Sur le plan de son implication dans le secteur public, le cabinet pourrait amorcer une forme de retrait. Il comptait par exemple parmi les cabinets sélectionnés en décembre 2017 par le ministère de la Défense (voir notre article). Il n’est plus dans le renouvellement de ce marché annoncé par le ministère le 18 mars.

Enfin, sur le plan judiciaire, le Sénat annonçait le 25 mars avoir saisi la justice pour une suspicion de faux témoignage devant la commission d’enquête. Le 18 janvier 2022, Karim Tadjeddine, le partner de McKinsey en charge du secteur public en France, avait déclaré sous serment devant la commission d’enquête sénatoriale : « Je le dis très nettement : nous payons l’impôt sur les sociétés en France et l’ensemble des salaires sont dans une société de droit français qui paie ses impôts en France. »

Une déclaration que le Sénat soupçonne d’être un faux témoignage sous serment, ce qui est répréhensible pénalement. « Il appartient désormais à la justice de statuer sur ce signalement du Sénat », indiquait la chambre haute du parlement dans son communiqué du 25 mars. À la date de cet article, Karim Tadjeddine, comme l’a appris Consultor dans l’entourage du cabinet, préparait sa défense, mais n’avait reçu aucune assignation de la justice.

McKinsey Clarisse Magnin-Mallez
Benjamin Polle
31 Mar. 2022 à 11:12
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commentaires (5)

Pignouf du conseil
24 Aoû 2022 à 10:21
Citation en provenance du commentaire précédent de obrunot
" sans prix de transfert, l'IS se monterait plutôt à 20% du CA



2M de revenus par partner

staff de 10p par partner (7 consultants + 3 supports) -> ms chargée de 1,1M (250 + 100x7 + 50x3) auquel j'ajoute 20% de bonus soit 220 - total staff = 1,35M

dépenses immobilières = 220k (20m2/p a 1000€/an)

dépenses marketing = 100k


Total = 1,57


donc le résultat net par partner se monte à 400k (20% des 2M) "


Si peu le CA par associé ? Ce sont des hypothèses pour Orphoz ?

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obrunot
03 Avr 2022 à 12:12
En me relisant je réalise que j'ai confondu IS et résultat.

Sorry.

Après correction, l'IS serait de 1/3 des 20% soit environ 7% du revenu. En gros, le double du chiffre obtenu par benchmark.

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obrunot
03 Avr 2022 à 09:38
sans prix de transfert, l'IS se monterait plutôt à 20% du CA

2M de revenus par partner
staff de 10p par partner (7 consultants + 3 supports) -> ms chargée de 1,1M (250 + 100x7 + 50x3) auquel j'ajoute 20% de bonus soit 220 - total staff = 1,35M
dépenses immobilières = 220k (20m2/p a 1000€/an)
dépenses marketing = 100k

Total = 1,57

donc le résultat net par partner se monte à 400k (20% des 2M)

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quillien
01 Avr 2022 à 08:56
Ainsi qu'on l'article le démontre l'enjeu pour Mc Kinsey est son futur sur le secteur public.

A court terme, on ne voit pas un DG ou un SG d'administration centrale ou un cabinet (c'est à ces niveaux que se décident ces études) se lancer dans une étude X, Y ou Z en faisant appel à McK au travers du marché DITP.
Voire lors du renouvellement à venir, il y a même un doute qu'il candidate voire que la DITP en toute transparence les retienne.

Même si ce n'est pas de la fraude, l'optimisation fiscale à ce niveau n'est pas toujours bénéfique.

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Paul
31 Mar 2022 à 14:51
C'est très bien mais ça reste une somme marginale vs. ce qui est dû.

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Benjamin Solano
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