US : de mars à juillet 100 millions de dollars de missions covid pour McKinsey
Entre le déclenchement de la crise sanitaire globale liée à l'épidémie de coronavirus en mars et mi-juillet, McKinsey, aux États-Unis, a signé pour 100 millions de dollars de missions d'accompagnement d'agences fédérales, de gouvernements d'États régionaux ou de villes, ressort-il d'informations révélées et compilées par le site d'enquête en ligne ProPublica. Une pluie de missions dans le secteur public qui arrive au bon moment alors que l'administration des services généraux américaine (GSA), agence qui formalise et audite l’ensemble des contrats fournisseurs passés par les agences publiques fédérales américaines, vient de mettre un terme au méga-contrat à échéances multiples qui la liait à la référence mondiale en stratégie (relire notre article).
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L'effort philanthropique et commercial entrepris par McKinsey au déclenchement de la crise sanitaire débute en mars, raconte ProPublica. Pour faire passer des notes parfois salées dans un contexte récessionniste, le cabinet met en avant des rabais de 22 à 36 % des honoraires hebdomadaires d'équipes composées d'un engagement manager et d'un ou plusieurs consultants (de 125 000 à 178 000 dollars contre 160 000 à 225 000 dollars aux tarifs en vigueur en 2020).
À cette date, Scott Blackburn, partner de McKinsey à Washington, ancien cadre du département fédéral aux vétérans, prend contact avec une ancienne collègue au sein de ce département, Deb Kramer, secrétaire exécutive des services de santé aux vétérans dont bénéficient neuf millions de vétérans américains.
Du temps de Blackburn au département des vétérans, Scott Blackburn et Deb Kramer avaient travaillé ensemble à un projet de réorganisation du département, auquel McKinsey avait déjà été associé.
Rapidement, et sans mise en concurrence, les contacts Blackburn-Kramer donnent lieu à la signature d'un contrat de 12 millions de dollars le 20 mars, avec mandat pour passer en revue les services de santé du département des vétérans et la manière de les faire évoluer dans le contexte de la crise sanitaire.
Dix jours plus tard, la Defense Health Agency, l'agence fédérale de santé des armées, signe à son tour et rejoint le contrat du département des vétérans avec McKinsey, qui totalise alors 22,5 millions de dollars, toujours sans mise en concurrence. Puis c'est au tour de l'Air Force, les forces aériennes de l'armée américaine.
Il y eut aussi plusieurs missions pro bono : une équipe dédiée mise sur pied par Jared Kushner, le mari d'Ivanka Trump, la fille de Donald Trump, constituée d'un nombre important de personnes issues du secteur privé, notamment des consultants en stratégie du Boston Consulting Group et de McKinsey and Company pour pallier d'importantes pénuries de matériel médical devant l'afflux extraordinaire de patients atteints par le coronavirus : masques, gants, gel hydroalcoolique, thermomètres... (relire notre article).
Début avril, Andrew Cuomo, le gouverneur de l'État de New York, partageait des prévisions de la date à laquelle la population new-yorkaise pourrait atteindre un pic de contaminations par le coronavirus. Ces prévisions avaient alors été fournies par McKinsey.
D'autres gouvernements d'États régionaux ont eu aussi fait appel à McKinsey : Californie, Illinois, Massachusetts, New Jersey, Tennessee et la Virginie (relire notre article). Des mairies aussi : Atlanta, Chicago, Los Angeles, New Orleans et St. Louis.
Des contrats qui n'ont pas suscité que des louanges. L'équipe créée par Jared Kushner a été très critiquée outre-Atlantique pour le court-circuit qu'elle établit avec d'autres agences fédérales en charge de la réponse sanitaire à apporter à la crise ou pour sa faible capacité à sécuriser des sources d'approvisionnement en matériel médical, sa faible connaissance des circuits de production et des contraintes réglementaires.
Idem en Floride ou au département des vétérans où selon des sources internes citées par McKinsey les résultats des missions étaient critiqués.
Une prédominance de McKinsey dans le secteur public américain qui ne vient pas de nulle part. Dans une interview récente à Consultor, Kito de Boer, le co-instigateur de la practice mondiale secteur public du cabinet, expliquait qu'« en ce qui concerne le secteur public, McKinsey était réticent parce que ce secteur était réputé polémique et moins rémunérateur. Pour certains en interne, c’était le signe que nous n’arrivions pas à développer le secteur privé ».
Mais plusieurs séquences ont convaincu du contraire. Comme ce travail conduit par McKinsey sur plusieurs années, de 2008 à 2016 environ, au Pakistan sur le système éducatif de la province du Punjab (100 000 écoles, 5 millions de professeurs) avec son gouverneur Shehbaz Sharif, aujourd’hui figure nationale d’opposition. Au Royaume-Uni aussi, l’ouverture dans les années 1990 du système de santé public anglais, le NHS, à McKinsey et ses confrères, est passée par là.
« Lorsque je suis parti (en 2014, NDLR), le secteur public comptait pour 8 % du chiffre d’affaires de McKinsey. C’est de l’ordre de 20 % aujourd’hui », disait-il encore (relire notre article).
En France, McKinsey est également très introduit dans le secteur public : comme récemment au ministère de la Santé pour pallier certains dysfonctionnements dans la gestion de la crise (relire notre article), ou auprès de la Présidence de la République française dans l’organisation du sommet Tech For Good (relire notre article).
Crédit photo : Martin Sanchez Unsplash
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