Une étude cartographie l’influence des entreprises dans 35 écoles et universités
McKinsey et le BCG sont les cabinets de conseil en stratégie les plus actifs dans l’enseignement supérieur, selon un rapport du collectif EIES.
- Contraction des effectifs, influence… : la patronne de McKinsey France fait le point
- Les consultants, maîtres du monde dans un nouveau roman
- Trump et la nouvelle ère du protectionnisme : analyses et réactions des cabinets
- Philippe Peters, le partner passé par Bain, le BCG et McKinsey
- Fusion PGA/LIV : le BCG et McKinsey dans le viseur du Sénat américain
- Petit manuel pour devenir CEO. Étape 1 : faites du conseil en stratégie
- Guerre des talents : aux US, les MBB sortent le chéquier
- USA : Les cabinets de conseil empêchés d’embaucher des « cerveaux » étrangers
Un rapport d’un collectif d’étudiants et d’alumnis (EIES, pour « Entreprises illégitimes dans l’enseignement supérieur »), soutenu par l’Observatoire des Multinationales et Data for Good, entend cartographier la présence des grandes entreprises dans les principaux établissements d’enseignement supérieur en France. Si les cabinets de conseil en stratégie ne sont pas les principaux acteurs cités, McKinsey et BCG sont ceux qui apparaissent le plus fréquemment.
Le collectif « Entreprises Illégitimes dans l’enseignement supérieur » a examiné les liens entre 35 écoles et universités – parmi lesquelles on retrouve les principales grandes écoles et écoles de commerce – et les grandes entreprises privées. 4 catégories de relations sont passées au crible : participation à la gouvernance, enseignement, vie étudiante et orientation professionnelle. L’analyse se concentre sur les entreprises qui « jouissent d’une position dominante dans les établissements alors même qu’elles sont régulièrement mises en cause pour leurs pratiques problématiques, voire illégales, en matière de droits humains, d’exploitation des travailleur·euses et d’environnement. »
Bilan : « Globalement, sur les 20 entreprises les plus présentes dans l’ESR, 5 produisent des armes, 2 du pétrole, 3 sont des banques françaises extrêmement polluantes, 7 sont dans l’industrie lourde, et seulement 4 n’ont pas été condamnées par la justice ou impliquées dans des scandales sociaux ou environnementaux. » Aucun cabinet de conseil en stratégie ne figure dans ce top 20.
McKinsey : les inconvénients de la notoriété
En revanche, le rapport mentionne bien à plusieurs reprises un cabinet : McKinsey, que les auteurs accusent de n’avoir « pas payé d’impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020, alors même que son chiffre d’affaires atteignait 329 millions d’euros en 2020. [Le cabinet] revient 16 fois dans notre base de données et dans 8 établissements différents, jusqu’à, parfois, assurer des cours dans des écoles d’ingénieurs, ou dépenser pour gagner en visibilité sur les campus. Ces comportements interrogent fortement sur la légitimité de leur présence dans un cadre éducatif, censé promouvoir l’intérêt général et l’exemplarité ». Le rapport regrette également que le cours « économie de l’entreprise » de l’École polytechnique soit délivré par « un ancien de Thalès et de McKinsey », cabinet que les auteurs accusent de « conseiller des gouvernements autoritaires », de « tirer profit de l’économie de l’addiction », ou encore d’avoir une « influence nocive… dans les négociations climatiques internationales ».
Curieusement, le rapport ne mentionne pas d’autres cabinets de conseil en stratégie, alors que, selon les données mises à disposition par l’EIES, McKinsey n’est pas le premier en nombre de liens identifiés avec l’enseignement supérieur. Le Boston Consulting Group (BCG) arrive ainsi 23e du classement, avec 27 mentions, bien devant son puissant concurrent, qui doit se contenter de la 41e place avec 16 mentions. La notoriété médiatique du géant new-yorkais lui aura donc valu d’être davantage ciblé par les rapporteurs, malgré une moindre exposition.
Au-delà, Bain n’apparaît qu’une fois, pour une participation au forum des métiers de Polytechnique. Hors MBB, Advancy tient la corde avec 9 mentions, devant Kearney (7), Eleven, Eight Advisory et Accuracy (6), Oliver Wyman et Alvarez & Marsal (4), Arthur D. Little, Vertone, Estin&Co et Avencore (2). Les autres cabinets mentionnés (Roland Berger, Kea, Simon Kucher, LEK, PMP, Ares & Co, OC&C, Circle) ne sont cités que pour une seule relation.
Hors McKinsey et BCG, dans la grande majorité des cas, il s’agit de participations à des forums des métiers. On est donc en présence d’une influence « aval », par les débouchés. Selon « Antoine », un ancien étudiant de Polytechnique cité dans le rapport, la recherche des stages est aussi l’occasion d’un lobbying intense de la part des cabinets : « À la période du choix des stages, on recevait des invitations à des événements de présentation de cabinet de conseil plusieurs fois par semaine, avec des affiches de publicité sur le chemin des cours, ils étaient sponsors de nos événements étudiants et les collaborateurs venaient nous recruter avec une pizza offerte ou une invitation au restaurant. En 3 mois de scolarité, je connaissais par cœur les noms des 10 plus grands cabinets de conseil américains ».
Pas de révélations fracassantes
À noter que, par construction, l’étude accentue la présence du monde du privé dans l’enseignement supérieur, puisqu’elle se concentre délibérément sur les écoles qui ont le plus de liens avec les entreprises (au moins 40 relations détectées). Par ailleurs, la nature des « liens » peut aller de la présence d’une entreprise au forum des métiers de l’école jusqu’à la participation au conseil d’administration en passant par le financement de recherches et l’intervention en tant qu’enseignant d’un salarié (voire ex-salarié) d’une entreprise. Le recensement des relations a été confié à des étudiants de chaque école, inégalement impliqués.
Les résultats doivent donc être relativisés. McKinsey, par exemple, serait représenté au conseil d’administration de 5 grandes écoles. En pratique, McKinsey n’est présent officiellement qu’au CA de CentraleSupélec, via Hugues Lavandier. Polytechnique a connu le précédent très remarqué de la présidence d’Éric Labaye, partner pendant 33 ans avant de prendre la tête de la grande école, mais il n’y représentait pas techniquement McKinsey, et il a quitté ses fonctions depuis 2023. En dehors de ces deux cas, l’école des Mines de Paris compte dans son CA le président d’Atos Philippe Salle, partner de McKinsey pendant 4 ans à la fin du siècle précédent ; et pour les 2 autres écoles citées – Sciences Po Paris et Chimie ParisTech – nous n’avons pas trouvé de lien évident entre les personnalités présentes au CA et le grand cabinet américain. BCG ne compte qu’une seule présence signalée à un CA (Institut Mines-Télécom), une participation qui n’est pas confirmée par le site de l’école.
à lire aussi
Éric Labaye, l’ancien patron de McKinsey dont il a été un partner des décennies durant, s’apprête à quitter ses fonctions de président de Polytechnique auxquelles, à 61 ans, il a choisi de ne pas se représenter. Il a quitté ses fonctions mi-septembre et est remplacé par un binôme par intérim (Laura Chaubard et Thierry Coulhon).
Au-delà de ces mentions, on trouve des anciens de cabinets à des postes de gouvernance, des participations à des organes consultatifs, des partenariats avec des associations étudiantes ou des fondations d’écoles, quelques financements d’enseignements (comme Accuracy dans la chaire Entreprises familiales et investissement de long terme à Dauphine), quelques participations de consultants ou ex-consultants à l’enseignement proprement dit.
À l’arrivée, la réalité qui ressort du rapport ne ressemble guère à une « mainmise » du conseil en stratégie sur l’enseignement supérieur. L’enquête confirme surtout les relations qui existent entre les cabinets et les grandes écoles qui représentent leur principal vivier de compétences.
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaires (1)
citer
signaler
France
03/11/25Pur « produit » Wavestone où il a passé 18 ans, Chadi Hantouche rejoint eleven. Depuis avril 2024, le cabinet a enrichi son partnership de 5 nouveaux associés.
30/10/25L'un, Tony Tanios, est positionné sur les enjeux de transition énergétique et de décarbonation, l'autre, Paul-Antoine Cristofari, sur l'assurance. Tous deux ont commencé leur carrière dans l’audit ou le conseil avant de s’orienter vers le corporate, puis de rejoindre Strategy&.
20/10/25Arnaud Lesschaeve apporte 30 ans d’expérience dans l’industrie et le conseil en stratégie, en France et à l’international, à la branche « électronique » du groupe Lacroix.
14/10/25Le cabinet Advention vient de promouvoir deux consultants « maison », Steven Ries et Marco Ricetti.
07/10/25Après 7 ans au sein du cabinet, Philippe Removille vient d’annoncer son départ. L’expert de l’assurance et des services financiers n’a pas encore révélé sa prochaine destination.
07/10/25Le métier d’operating partner apparaît de plus en plus souvent sur le radar des consultants en stratégie. Sur les missions de private equity, les deux « espèces » se croisent, échangent, travaillent ensemble. Inévitablement, la question se pose : quelle parenté entre les deux rôles ? Et dans quelle mesure « operating partner » est-il une destination ou une étape pertinente dans un parcours de consultant ? Nous avons posé ces questions côté fonds (Aldebaran, Mutares, Verdoso, Equinox) et côté conseil (Eight Advisory, EY-Parthenon).
06/10/25Alors que McKinsey France vient de se doter d’un nouveau patron, son partnership continue d’enregistrer des départs. Xavier Bosquet quitte ainsi le cabinet, tandis que Peter Crispeels rejoint le bureau de Bruxelles.
03/10/25Depuis 2024, l’instabilité politique est une constante. Quel est son impact sur les demandes de conseil de direction générale ?
02/10/25EY-Parthenon rentre au bercail ! En effet, d’ici un peu plus d’un an, toutes les équipes d’EY se retrouveront dans les mêmes locaux dans le 8e arrondissement.