Les cabinets de conseil sont-ils « gay friendly » ?

 

Se déclarer gay au travail n’est pas toujours bien vu ou est difficile à vivre. En France, les cabinets de conseil se saisissent du problème depuis quelques années.

« Lorsqu’on travaille avec de grandes sociétés du CAC40 et leurs directions générales, mieux vaut fréquenter les mêmes personnes, partager leurs opinions politiques et avoir la bonne orientation sexuelle », indiquait un partner au cours d’une discussion sans rapport avec le sujet LGBT (lesbiennes, gay, bi, trans).

 

20 Sep. 2016 à 18:55
Les cabinets de conseil sont-ils « gay friendly » ?

 

En tant que consultant, assumer son homosexualité au grand jour ne semble pas franchement cadrer avec la culture plutôt virile des grandes entreprises clientes du conseil, mais aussi avec le monde du conseil lui-même.

« Les sources de discriminations éventuellement ressenties dans le conseil sont surtout liées au caractère très sélectif du secteur. Il s’exprime non seulement sur les dimensions de formation et de qualifications (diplômes, expérience professionnelle préalable), mais aussi sur la dimension socioculturelle (codes, conventions sociales, réseaux) », estime Gregory Kochersperger, senior partner chez Oliver Wyman.

Faire son coming out dans le conseil en France reste une décision personnelle difficile à prendre. « J’ai dû pendant longtemps dissimuler mon orientation sexuelle en cachant mon alliance, en inventant une vie à raconter au bureau, à la machine à café pour ne pas avoir à subir les on-dit ou être défavorisé dans ma progression de carrière », raconte franchement Manel Oliva-Trastoy, principal, au BCG à Paris.

Ce dernier est devenu le responsable du réseau parisien LGBT de BCG, mais aussi de la zone Europe, Amérique latine, Afrique et Moyen-Orient.

Des réseaux LGBT au sein des cabinets de conseil

Mais depuis quelques années aux États-Unis, dans les grandes entreprises du conseil, le sujet LGBT est pris très au sérieux. Tout comme pour les politiques en faveur de la mixité homme-femme ou ethnique, les cabinets défendent une culture de l’inclusion pour les personnes LGBT. Dans le sillage américain, les bureaux français favorisent aussi désormais cette politique.

Ainsi chez Oliver Wyman, le groupe GLOW (Gay, Lesbian, bisexual, trans and allies at Oliver Wyman), créé en 2010 à New York à l’initiative de consultants, a été lancé en 2012 à Paris avec dix à vingt membres actifs (selon les années).

« Le GLOW Paris est historiquement l’un des bureaux pionniers sur la question LGBT avec New York, Londres et San Francisco. Il a depuis été suivi par les autres bureaux européens. Aujourd’hui, les bureaux les plus actifs sont américains, à Londres et Varsovie », expliquent Germain Terreaux et Marin Desprez, respectivement principal et consultant chez Oliver Wyman et responsables de GLOW à Paris.

Chez Bain, le réseau BGLAD (GLBT Association for Diversity) a été aussi implanté aux États-Unis il y a une dizaine d’années. « Le réseau parisien est actif et reconnu. Toutes les personnes qui arrivent chez Bain se déclarent sympathisantes, c’est une information qui est publique », indique-t-on au bureau de Paris.

Chez BCG, le réseau parisien a, quant à lui, vu le jour en 2006-2007, mais a réellement commencé à devenir important à partir de 2013. Il compte treize membres actuellement (pour vingt-deux membres à Londres et dix à Berlin).

Point commun de ces réseaux en France ou à l’étranger : ils ont été créés à l’initiative des consultants.

« Tous nos membres du réseau GLOW, qui travaillent sans relâche à des actions tangibles, le font en plus de leurs heures de travail. Ils investissent leur temps personnel pour préparer des événements, apporter les ressources matérielles, assister aux conférences et aux réunions de réseau, participer au mentorat et aux initiatives de la communauté... GLOW est particulièrement fier que tout ce travail soit préparé et réalisé par ses propres membres qui doivent assumer en plus leurs responsabilités quotidiennes », se félicite Andrew Jakubowski, consultant chez Oliver Wyman et membre actif du réseau GLOW aux États-Unis.

Mais ces groupes bénéficient aussi du soutien du top management. Des moyens financiers et techniques leur sont désormais apportés dans les cabinets français.

Surtout, ils profitent d’un discours assumé du management. Pour Manel Oliva-Trastoy, le simple fait que le patron du bureau parisien du BCG prenne régulièrement la parole sur ce sujet permet « d’établir une ligne de conduite pour tous les salariés, y compris pour les moins tolérants d’entre eux qui se retrouvent du coup marginalisés s’ils tiennent des propos ou ont un comportement négatifs envers les LGBT ».

Des réseaux LGBT bons pour les salariés et... le business

L’existence (récente) de ces réseaux participe d’abord au bien-être des salariés au travail. Ils visent à « créer un environnement sain et accueillant », expliquent Germain Terreaux et Marin Desprez chez Oliver Wyman. « La marge de progrès reste importante, notamment face au constat du faible nombre de coming out dans certains bureaux européens comme Paris », ajoutent-ils.

Cependant, les groupes LGBT ne cherchent pas à créer un espace cloisonné, mais plutôt une caisse de résonance. « Nous ne voulons pas nous retrouver ensemble pour seulement discuter de nos petits problèmes. L’objectif n’est pas de dire qu’on est homosexuel, mais de ne plus avoir à le cacher. C’est pourquoi nous mettons sur le devant de la scène le sujet pour favoriser le changement de mentalité », défend Manel Oliva-Trastoy chez BCG.

Une cause encore plus difficile à défendre dans des bureaux de zones à tendance homophobe (Russie, Mexique, Moyen-Orient, Afrique) où faire son coming-out est quasiment impossible. Concrètement, les réseaux organisent des événements internes (sensibilisation, débats, reverse mentoring) et externes pour communiquer sur les problèmes des personnes LGBT.

Au-delà de ce combat culturel, le sujet LGBT soulève aussi des questions très pratiques qui ont été d’ailleurs à l’origine de la création des groupes aux États-Unis. Ainsi, chez Bain et BCG, c’est la question de la mutuelle santé d’entreprise et des ayants droit (en tant que conjoint(e) du salarié gay) qui a poussé les personnes LGBT a réclamé un traitement égal avec les personnes hétérosexuelles. Les questions sont parfois triviales mais inévitables : quelles toilettes doivent utiliser les personnes transsexuelles sur le lieu de travail ?

Enfin et surtout, l’inclusion des personnes LGBT n’est pas qu’une affaire de bonne conduite et d’image des entreprises. « Nous sommes convaincus que le bien-être des employés a un impact sur le business », affirment Germain Terreaux et Marin Desprez chez Oliver Wyman. « Il y a certainement plus de personnes qui viennent et qui restent chez nous en étant dans un environnement accueillant », renchérit Manel Oliva-Trastoy.

En plus d’attirer les meilleurs talents, quelle que soit leur sexualité, le réseau GLOW d’Oliver Wyman permet « à ses collaborateurs de se concentrer sur leur travail sans être agités ou anxieux vis-à-vis de leur identité », ajoute Andrew Jakubowski, membre du réseau GLOW d’Oliver Wyman aux États-Unis. Ce qui est bon pour les salariés est bon pour l’entreprise.

Thibaud Vadjoux pour Consultor.fr

 

Germain Terreaux Manel Oliva-Trastoy
20 Sep. 2016 à 18:55
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recrutement, diversité, rh, Oliver Wyman, BCG, Bain, CAC40, LGBT, Gregory Kochersperger, Manel Oliva-Trastoy, Germain Terreaux, Marin Desprez, Andrew Jakubowski, discrimination, mixité
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Germain Terreaux Manel Oliva-Trastoy
2021-10-31 21:39:42
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France: Les cabinets de conseil sont-ils « gay friendly » ?