Croissance en panne pour le conseil en stratégie et management
Selon l’étude annuelle de Syntec Conseil, en 2025 le secteur du conseil en stratégie et management devrait connaître une croissance comprise entre -2 et + 1 %, après une année 2024 de stagnation. L’analyse de son président, David Mahé.

Le secteur encaisse le choc, après une année 2023 où la croissance avait atteint 12 %, profitant encore de l’effet galvanisant post-Covid. Sachant que les professionnels avaient misé pour 2024 sur une hausse de 8 %.
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Une croissance de 12 % en 2023 et des prévisions 2024 à + 8 % : le conseil en stratégie résiste, mais ralentit selon l’étude de marché annuelle de Syntec Conseil.
Pour David Mahé, il ne s’agit toutefois pas d’une surprise, dans un contexte « de baisse des investissements des entreprises et d’attentisme des clients du conseil quant à la mise en œuvre de grands projets de transformation. Les dirigeants d’entreprises ont privilégié la productivité et l’optimisation à court terme ».
Une croissance « flat » qui ne présente pas « de fortes disparités » selon les cabinets, contrairement aux annonces de certains, tient à préciser le président de l’organisation professionnelle.
Un tiers de l’activité de conseil en strat & management pour des clients de l’industrie
C’est le cas depuis 2022, année où l’industrie a supplanté les services financiers, leaders durant près d’une décennie. En 2024, la première a représenté 31 % des demandes de conseil en strat & management et les FS, 23 %. L’énergie et l’environnement (« utilities ») montent sur la troisième marche du podium à 12 %, en progression en tendance depuis 2019 sans atteindre leur pic de 2012.
Les demandes de conseil dans le secteur de la santé sont également à la hausse, après avoir freiné en 2022 et 2023. Elles ne représentent toutefois que 4,5 % de l’ensemble. « Le monde du transport se maintient, à 4 %. Outre les services financiers, c’est plus compliqué dans les services publics [10 %], et pour tout ce qui touche le retail [3 %], lequel connaît une vraie tendance baissière. » Ce depuis 2019, bien qu’en 2021 le secteur ait repris quelques couleurs avant de voir les demandes faiblir.
© Syntec Conseil
Un relais de croissance du côté des ETI
Réalisée auprès de 130 sociétés, membres et non membres de l’organisation pro, l’étude annuelle de Syntec Conseil se fonde également sur les interviews de 4 grands clients du secteur, de 16 patrons de cabinets et de 6 jeunes consultants.
Côté clients, l’impossibilité de travailler sur du long terme est reconnue, tout comme des mouvements de « stop & go en interne ». Dans la prise de décisions, les délais de réflexion s’allongent, exigeant ensuite « des activations/lancements de projets quasi immédiats » – pour profiter du « go » en vigueur sur le budget.
En contrepoint des hésitations des grands groupes, clients traditionnels du conseil en strat & management, les ETI font preuve d’une « vraie appétence » pour le secteur, dans une perspective un peu similaire au repositionnement du curseur, dans les services publics, de l’État vers les collectivités territoriales. Une hausse du recours aux cabinets de conseil externes de leur part toutefois pointée du doigt récemment par la Cour des comptes.
Ce relais de croissance paraît plus adapté au conseil en management qu'au conseil en strat.
Qui dit nouvelles priorités pour les entreprises, dit repositionnement/s pour leurs conseils
Dans ce contexte de « permacrise », le rôle des cabinets est, selon David Mahé, « d’aider leurs clients à travailler le court terme en contribuant à des arbitrages de nature budgétaire ou dans un portefeuille de projets, et en cherchant des initiatives économiques et techniques qui vont sécuriser le court terme, précisément ».
Si l’on pense aux ETI, nouveau vivier de projets, « il faut reconnaître que les cabinets de conseil n’avaient pas fait beaucoup d’efforts de développement auprès de ce type de structures jusqu’à présent. Ils sont en train de s’ajuster à des portefeuilles de projets de plus petite taille ». Cela induit, pour les équipes qui interviennent sur ces projets, d’être en mesure « de bien les lancer, de savoir gérer plusieurs missions en parallèle et d’être capables de passer d’un sujet à l’autre avec beaucoup de dextérité et de flexibilité ». Cela requiert, aussi, des efforts significatifs de la part des cabinets.
La conséquence logique est un volume de recrutement « de 20 % des effectifs en 2025, contre 27 % en 2024 et 33 % en 2023 [pour le conseil en strat et management cumulés, ndlr]. Avec de tels niveaux, les cabinets seront capables d’absorber un éventuel rebond du marché ».
Moins de projets prospectifs ou d’innovation
Les missions se recentrent en effet sur le « core business », la conformité légale ou la productivité. Les clients du conseil sont à la recherche d’un ROI clair, manifeste rapidement.
Du côté des consultants, si le conseil reste perçu comme une sorte « de 3e ou 4e cycle dans la vraie vie », l’évolution des typologies de missions provoque chez eux une certaine désillusion – sur les choix qu'ils peuvent effectuer ou l’intérêt des sujets. D’où la nécessité pour les cabinets, selon David Mahé, de faire preuve « de davantage de pédagogie ».
Quant aux deux thématiques ayant beaucoup alimenté les débats depuis plusieurs années dans le monde du conseil, à savoir la RSE et l’IA/GenAI, la première, contrairement « à une « “petite musique” annonçant une désaffection », resterait au cœur « des priorités clients. En 2024, on a même assisté à une montée en puissance des offres dédiées », 55 % des cabinets (vs 42 % en 2023) en proposant une.
Par ailleurs, en interne, 82 % des cabinets ont mis en place des actions pour réduire leur empreinte carbone. Le « petit retour en arrière sur la CSRD », qui avait capté la plupart des budgets RSE des clients, pourrait par ailleurs « permettre de nouveaux investissements et, donc, ouvrir de nouveaux champs de conseil ».
L’impact de l’IA/GenAI en matière de missions vendues et/ou au sein des cabinets, reste en revanche – selon l’étude – contrasté.
Chez les clients, le constat est celui « d’un déploiement assez lent » dans les entreprises, sans transformation profonde des business models à l’heure actuelle. Le rôle des cabinets reste donc d’aider les clients à concevoir des offres, à démontrer le ROI de l’IA, et à enrichir les métiers.
En interne, si la nécessité d’une « nouvelle organisation du travail » est globalement partagée, les cabinets n’ont pas, à ce stade, « de vision univoque de son impact sur leur modèle pyramidal », conclut David Mahé.
Work in progress…
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