Roland Berger : les coulisses d’une élection à distance

 

Vendredi 27 mars, depuis une salle de votes vide à laquelle était connectée l’ensemble du partnership mondial, les 250 partners se sont dotés d’une nouvelle gouvernance pour quatre ans.

Trois associés arrivent au conseil d’administration et quatre au conseil de surveillance. La francophonie recule, et une femme se fait une place – dans un cabinet sinon extrêmement masculin. Deux urgences dans l’immédiat : répondre à la crise du coronavirus dont les premiers effets se font sentir puis réorganiser les zones géographiques et les practices. Une série de nominations qui est conditionnée à la sortie de crise.

 

02 Avr. 2020 à 15:50
Roland Berger : les coulisses d’une élection à distance

 

295 jours. C’est le temps qu’aura duré le trou d’air laissé par le départ surprise de Charles-Édouard Bouée, vendredi 7 juin 2019 à Berlin.

Lors du précédent partner meeting de décembre, aucune décision n’avait encore été prise. Vendredi 27 mars 2020, c’était la bonne. Les 250 partners étaient invités à se connecter à une conf call géante au terme d’une campagne interne chamboulée dans le contexte de la crise sanitaire.

Et à contexte exceptionnel, campagne interne exceptionnelle. Le partnership avait préalablement – en janvier – choisi les formes que prendrait sa future gouvernance : certes voulait-il conserver une forme de collégialité à l’instar du conseil d’administration de cinq associés établi au pied levé voilà dix-huit mois. Mais cinq membres ont été jugés peu manœuvrables : le nouvel attelage serait composé de trois managing director dont un global managing partner.

Quatre candidats

Un triumvirat auquel quatre associés s’étaient portés candidats. Stefan Schaible, le CEO délégué du temps de Bouée dont la presse allemande faisait un successeur désigné. Marcus Berret, un Allemand également, et le patron monde de la practice auto du cabinet, qui était président du conseil de surveillance depuis 2015. Puis deux Français : Denis Depoux, qui est managing partner du cabinet en Chine, et Olivier de Panafieu, qui a pris l’été dernier la direction de la zone France et Europe du Sud-Ouest.

Une double candidature française surprenante dans un cabinet dont une majorité d'associés est allemande. « Surtout quand les Allemands votent comme un seul homme », glisse un ancien associé.

Double candidature d’autant plus étonnante que, comme le racontait l’hebdomadaire Challenges le 1er mars, dans les jours qui ont suivi le départ de Charles-Édouard Bouée, les clans se sont formés à Munich et à Paris, Allemands d’un côté, Français de l’autre, pour reprendre ou conserver le pouvoir. Des camps qui n’ont donc a priori pas tenu.

À Munich, vendredi, une salle vide centralise les votes. Robert Henske, partner de Roland Berger aux États-Unis, joue le rôle de chef d’orchestre. Seul, lui, d’ailleurs, prend la parole au cours de ce partner meeting inédit.

C’est aussi que chacune et chacun a eu le temps de mûrir son choix. Deux semaines durant, ces quatre-là ont fait campagne auprès de leurs pairs. À raison de quatre créneaux de 20 minutes auxquels une cinquantaine de partners assistaient en moyenne. Charge à Schaible – Berret – Depoux – Panafieu de pitcher chacun à leur tour leurs priorités pour le cabinet à distance et de répondre aux questions des associés.

La surprise Panafieu

Le vote intervient en deux fois : un premier tour pour sélectionner les trois managing directors du cabinet, puis un second tour pour élire le global managing partner. Olivier de Panafieu est éliminé dès le premier tour. Contrairement à ce qu’il avait laissé entendre à Challenges début mars assurant qu’il s’apprêtait à figurer dans ce collège dirigeant, s'adjoignant les services de l’agence Elan-Edelman pour sa communication personnelle.

« Je ne suis pas étonné qu’il y ait des coachs et des communicants. L’élection de senior partner est déjà en soi une opération séduction de vaste ampleur. Il faut aller faire la cour aux seniors partners aux quatre coins du globe, commente un ancien senior partner qui est lui-même passé par cette campagne interne. Alors pour devenir CEO, c'est encore un autre braquet »

L'offensive publique d'Olivier de Panafieu aurait-elle pu agacer outre-Rhin au point de lui coûter une place sinon acquise ? Le premier intéressé, interrogé à plusieurs reprises, ne nous en dira pas davantage. « No comment », souffle un autre partner du cabinet. Quand un autre à l’international explique aussi que « l’article l’a fait sourire », mais ne croit pas qu’il a été beaucoup commenté ou a eu de l'impact en interne.

Retour en force des Allemands

Au second tour, Marcus Berret avait indiqué ne pas souhaiter occuper des fonctions de CEO. Stefan Schaible est finalement largement plébiscité (80 % des votes). « Stefan et Marcus, c’est une élection logique et positive de deux représentants longtemps pressentis. Denis, de son côté, apporte son expérience du groupe, en Asie et en France », analyse un autre associé présent lors du télévote. Un autre associé analyse la carte Stefan Schaible comme un choix quasi évident étant donné l’ancienneté de l’Allemand dans les instances dirigeantes.

« Le retour des Allemands à la tête du cabinet est archi logique. Charles-Édouard Bouée avait réussi un coup de maître en ralliant à lui le bloc de ce qu'on appelait alors les NGO, les non germans, en Chine, au Japon, en France, et une petite partie des associés allemands. Sinon, Roland Berger reste un cabinet allemand avec quelques antennes internationales », explique un ancien senior partner.

« Ce n’est pas complètement illégitime dans un cabinet qui compte une majorité de partners allemands. Dans cette perspective, l’anomalie était plutôt le CEO français », explique aussi un partner actuel du cabinet.

Renouvellement du conseil de surveillance

Moins de francophones aussi dans le conseil de surveillance qui a également été renouvelé à cette occasion. Certes un Français, Laurent Benarousse, l’un des partners secteur public à Paris et patron du bureau de Casablanca, remplace Denis Depoux. Mais exit Didier Tshidimba, le managing partner de Roland Berger en Belgique, qui avait été nommé au conseil de surveillance fin 2016.

Moins de francophones, mais une femme : Yvonne Ruf, partner au bureau de Düsseldorf, rentre au sein du conseil de surveillance. Suffisamment rare à ce niveau chez Roland Berger pour être noté. Le cabinet est moins paritaire que ses concurrents (voir le dernier classement de Consultor sur le nombre de femmes parmi les associés ou par exemple les fonctions de présidente d’Orit Gadiesh chez Bain et de Vivian Hunt, managing partner pour le Royaume-Uni et l'Irlande, présente au global operating comitee, le comex mondial de McKinsey).

Sascha Haghani, le CEO Allemagne, Autriche et Suisse, seul autre rescapé du collège intérimaire avec Stefan Schaible, siège également au conseil de surveillance de Roland Berger nouvellement élu. À ses côtés figurent enfin Robert Henske, le partner aux États-Unis qui animait la réunion du 27 mars, et Rene Seyger, le managing partner du cabinet au Moyen-Orient.

Mettre en œuvre le plan stratégique

Ce renouvellement opéré, le leitmotiv de Stefan Schaible est clair : mettre en œuvre le plan stratégique développé par une équipe dédiée en interne et présenté en janvier. Avant, dans l’immédiat, il va s’atteler à un chantier évident : gérer la crise du coronavirus dont les premiers effets commencent à se faire sentir. Puis préparer le futur alors qu’en Chine le cabinet constate un redémarrage.

D’ailleurs, Denis Depoux était très difficilement joignable ces derniers jours en Chine où il indique à Consultor que « les entités chinoises et asiatiques sont en très forte reprise ».

Dans un second temps, Stefan Schaible aura notamment dans ses objectifs de mener une réorganisation des practices et des géographies. Avec à la clé plusieurs nominations.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

Crédit photo : Roland Berger

 

Bain & Company McKinsey Roland Berger Laurent Benarousse
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