Cabinets de conseil vend anciens hauts fonctionnaires, parfait état de marche
C’est un des petits biscuits du rapport du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil : la manière avec laquelle les cabinets peuvent faire de la présence d’anciens hauts fonctionnaires un argument de vente de missions dans le secteur public.
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Quand fin 2017, le binôme BCG-EY candidate à l’un des plus gros marchés de transformation de l’action publique, qui leur sera attribué en juin 2018 ainsi qu’à deux autres tandems (McKinsey-Accenture, puis Roland Berger-Wavestone), le duo met en avant son savoir-faire dans le public. Et surtout ses gens. Notamment les transfuges de la fonction publique venus ensuite au conseil au sein de leur entreprise.
« Au sein de chacun des deux membres du consortium, de nombreux anciens fonctionnaires […] connaissent bien les contraintes spécifiques du secteur public pour avoir été eux-mêmes agents de l’État ou des collectivités », écrivent les deux candidats.
Avant d’indiquer que parmi les 22 profils qu’ils mettent en avant pour conduire les missions qui leur seraient attribuées, six sont d’anciens responsables publics de haut niveau : un premier énarque avec dix ans d’expérience au ministère de l’Industrie et ancien conseiller du secrétaire d’État à l’Industrie ; un second énarque, ancien directeur adjoint du cabinet du ministre de l’Économie et des Finances ; un ingénieur des Mines, ancien conseiller économique à l’Élysée ; un polytechnicien, ancien agent de la Direction générale de la modernisation de l’État (DGME) et ancien directeur du transport de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; et deux anciens hauts fonctionnaires de la direction du budget et de la direction générale du Trésor.
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1 % : c’est la part des 7 000 anciens de l’École nationale d’administration qui à un moment ou un autre de leur carrière sont passés dans le privé, et très précisément dans des cabinets de conseil en stratégie, selon les données agrégées par Consultor.
Avec respectivement dix-huit et dix-sept actuels et anciens consultants, McKinsey et le BCG concentrent le plus grand nombre d’énarques. La promotion Léopold Sédar Senghor (2002-2004) concentre le plus grand nombre de diplômés à être passés par le conseil en stratégie (quatre diplômés). Enquête sur les raisons, les réussites et les échecs d’un « pantouflage » méconnu.
Autre sujet, autre cabinet, même méthode. Appelé à intervenir en 2021 sur la notification à l’Union européenne d’une aide publique pour une entreprise industrielle, Roland Berger propose à Bercy de mobiliser une ancienne secrétaire d’État « pour apporter son regard expert, car elle a porté à titre personnel des demandes équivalentes à la Commission européenne par le passé ». Une ancienne secrétaire d’État qui n’est nulle autre qu’Axelle Lemaire qui a quitté Roland Berger en janvier 2022 pour rejoindre la Croix-Rouge.
Des informations qui confirment l’intérêt pour les cabinets de conseil d’avoir des liens avec les fonctionnaires (ce que le BCG reconnaît publiquement) et parfois de les recruter, même si cela reste marginal.
Par ailleurs, ces informations montrent les possibles conflits d’intérêts que ces liens ou ces recrutements peuvent constituer. Car si depuis le 1er février 2020, la Haute Autorité à la transparence de la vie publique (HATVP) a examiné la situation de 264 agents publics passés dans le privé – pour moitié, des collaborateurs du président de la République et des conseillers ministériels –, seuls sept cas de reconversion de hauts fonctionnaires dans des cabinets de conseil en stratégie ont eu lieu. En théorie, si la HATVP émet des réserves à ces mouvements, les personnes en question doivent s’abstenir de tout lien commercial avec l’État.
Les informations mises en avant montrent que l’ensemble des mouvements ne sont pas couverts par la HATVP (qui se concentre sur les conseillers ministériels, les collaborateurs du président de la République, les directeurs d’administration centrale ou les directeurs généraux de services), et que des prospections commerciales indirectes postpantouflage peuvent avoir lieu.
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commentaires (1)
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secteur public
- 25/05/23
Dans un rapport récent, la Cour des comptes juge timorés les efforts du principal guichet des achats de conseil pour réinternaliser des prestations de conseil sinon confiées à des cabinets de conseil privés.
- 04/05/23
Un rapport sera remis sous 2 mois, avec l’objectif d’élargir aux collectivités territoriales la proposition de loi « anti-consultocratie » votée au Sénat, et d’atterrir sur une nouvelle proposition de loi à l’automne, a appris Consultor.
- 14/04/23
C’est un appel d’offres de conseil pour le moins juteux de la part du Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah) qui a été lancé le 3 avril. Le jackpot – 60 à 80 millions d’euros – pour 1 ou 2 consultants.
- 05/04/23
Une ancienne du cabinet de conseil interrogée par la cellule d’investigation de Radio France estime que le soutien apporté à la campagne d’Emmanuel Macron en 2016 et 2017 par une dizaine de consultants du cabinet – à titre personnel martèlent-ils depuis des années – aurait dû être facturé. La managing partner du cabinet en France, Clarisse Magnin, s’ajoute aux nombreuses personnes perquisitionnées par la justice dans ce dossier.
- 03/04/23
C’est une information de Politico : Didier Migaud, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, s’est rapproché des principaux cabinets de conseil en stratégie pour leur demander d’expliciter leurs missions, voire de s’inscrire au registre des représentants d’intérêts.
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Le cabinet devait être interdit de tout contrat public pendant 3 ans : sur la foi d’engagements à la mise en œuvre de plusieurs mesures, le gouvernement vient de l’autoriser de nouveau à répondre à des appels d’offres.
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L’établissement public chargé de l’emploi en France vient de lancer un appel d’offres de prestations intellectuelles. Le dernier, en 2019, s’élevait à quelque 23 millions d’euros. Pôle Emploi ayant déjà décidé de ne pas faire partie de l’accord-cadre de la DITP.
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Après deux ans et demi de polémique sur le recours par l’État à des cabinets de conseil privés, l’Inspection générale des finances (IGF), mandatée en ce sens par la Première ministre Élisabeth Borne, a fait le tour des ministères pour vérifier la mise en œuvre des garde-fous qui leur avait été demandés par l’ancien locataire de Matignon, Jean Castex. Certes, le document publié début mars 2023 confirme la forte croissance des dépenses de conseil en stratégie. Il révèle aussi un certain nombre de missions inconnues à ce jour.
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Le cabinet Roland Berger vient d’être officialisé comme l’un des attributaires du marché du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans l’accompagnement des opérations de participation citoyenne.