Consulting ou lobbying ? Le gendarme de la transparence met la pression.

C’est une information de Politico : Didier Migaud, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, s’est rapproché des principaux cabinets de conseil en stratégie pour leur demander d’expliciter leurs missions, voire de s’inscrire au registre des représentants d’intérêts.

Consultor
03 Avr. 2023 à 18:00
Consulting ou lobbying ? Le gendarme de la transparence met la pression.
© Adobe Stock/Nuthawut

Dans des mails consultés par Politico, la HATVP s’intéresse aux missions des consultants depuis le printemps 2022 et a demandé à des cabinets tels que McKinsey ou Roland Berger de faire suivre les détails de leurs rencontres avec les décideurs publics, et de s’inscrire au registre pour certains qui affirment toujours d’en être exclus.

« À la faveur des polémiques autour des cabinets de conseil, [la HATVP] a lancé une série de contrôles sur les plus gros acteurs du secteur, notamment Roland Berger et McKinsey, et donc mené des échanges avec eux », a confirmé l’autorité interrogée par Politico.

Ces contrôles interviennent alors que la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, adoptée au Sénat à la suite de la commission d’enquête sur le même sujet et toujours en attente d’un examen à l’Assemblée nationale, consacre le rôle de la HATVP dans l’encadrement des missions de cabinets de conseil dans le secteur public.

Ce n’est pas la première fois que la frontière très poreuse entre consulting et lobbying est ainsi mise en exergue.

Mai 2014 : en symbiose avec le MEDEF, McKinsey avance des propositions pour créer un million d’emplois en France. Quelques semaines plus tard, c’est le BCG qui s’affiche en ardent promoteur de l’exploration des gaz de schiste, avec l’Institut Montaigne. À la rentrée de la même année, c’est au tour de Roland Berger de vanter les mérites de la transformation numérique de l’économie française, pour le compte cette fois de Google.

Les entreprises cherchent ainsi à renforcer leur position dans les discussions avec le régulateur ou le décideur public. Or, cette technique n’est jamais aussi puissante que lorsqu’une partie tierce, perçue comme indépendante, en réalise la démonstration à votre place. Dans ce cadre, les cabinets de conseil en stratégie jouissent d’une forte crédibilité en matière d’analyse quantitative. Dès lors, leurs chiffrages et leurs scénarios peuvent apparaître plus convaincants, plus « objectifs » aux décisionnaires, que ceux d’agences spécialisées en affaires publiques.

Côté cabinets de conseil en stratégie, le bénéfice est double : des honoraires supplémentaires et un bénéfice relationnel avec de potentiels nouveaux clients.

Le cabinet de conseil en stratégie Ylios (depuis racheté par Kea), fait assez atypique sur le marché, avait même formalisé un département influence en lien avec ses missions de conseil plus classiques. Objectif alors, par exemple : proposer des stratégies d’influence cohérentes avec les orientations stratégiques retenues par leurs clients.

En théorie, le décret du 9 mai 2017 d’application de la loi Sapin II relatif au registre des représentants d’intérêt recensés par la HATVP est clair. Ce décret fixe un critère quantitatif unique pour l’inscription ou non au registre. Doit être inscrite toute personne morale qui « entre en communication » (selon le texte du décret) plus de dix fois par an avec un membre du gouvernement, un membre d’un cabinet ministériel, un parlementaire ou collaborateur parlementaire, un collaborateur du président de la République, certains membres d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, le président d’un conseil régional ou un conseiller régional, et ce « en vue d’influer sur une ou plusieurs décisions publiques, notamment une ou plusieurs mesures législatives ou réglementaires ».

Les cabinets de conseil en stratégie rentrent-ils dans ce cadre ? Du moins, certains y sont ou y ont déjà été indirectement. On trouve par exemple dans ce registre l’ancien ministre Dominique Bussereau et sa société de conseil Charbus Conseil. Or, Dominique Bussereau avait rejoint Roland Berger en 2018 en tant que senior advisor. D’ailleurs, parmi les clients pour lesquels il indique exercer des activités de représentant d’intérêt figure un certain… Roland Berger.

Idem d’Oliver Wyman, récemment retenu comme mandataire du principal marché de conseil en stratégie de l’État entre 2023 et 2027 : le cabinet figure parmi les anciens clients de l’entreprise spécialiste d’affaires publiques, Boury Tallon & Associés.

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Kéa McKinsey Roland Berger
Consultor
03 Avr. 2023 à 18:00
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commentaires (1)

Daniel
04 Avr 2023 à 16:33
"Les entreprises cherchent ainsi à renforcer leur position dans les discussions avec le régulateur ou le décideur public. Or, cette technique n’est jamais aussi puissante que lorsqu’une partie tierce, perçue comme indépendante, en réalise la démonstration à votre place"

Bref, du pur enfumage.

C'est courant aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, McKinsey a publié plusieurs études favorables aux laboratoires pharmaceutiques.

La haute autorité pour la transparence a totalement raison.

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Adeline
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12427
Kéa McKinsey Roland Berger
2023-04-03 15:44:20
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secteur public: Consulting ou lobbying ? Le gendarme de la transpare