Bain and Company : après les années fastes, un recentrage?

 

Bain & Company se félicitait récemment d’avoir doublé ses effectifs parisiens depuis cinq ans.

Une telle croissance devrait être le reflet d’une situation très positive, qu’illustre en outre la position du cabinet dans les classements en termes d’attractivité et de renommée, à l’échelle de la France, de l’Europe et du monde.

 

Jérémy André
27 Nov. 2013 à 20:07
Bain and Company : après les années fastes, un recentrage?

 

Pourtant, la vie du cabinet émet des signaux contradictoires. Olivier Marchal, ancien managing director France, devenu managing director EMEA en 2007, apparaît à nouveau dans l’organigramme du bureau de Paris comme chairman. La practice services financiers semble souffrir de l’absence des pièces maîtresses qui l’ont quittée. Et des rumeurs courent sur des différends internes et sur de futurs départs. Y a-t-il donc un problème à Bain & Co ou est-ce le signe d’une reconfiguration décidée et réfléchie ?

Une croissance autrefois accélérée, désormais ralentie

Comment les effectifs de Bain évoluent-ils en réalité ? En 2007, le cabinet comprenait 160 consultants sur un total de 200 collaborateurs. En 2009, le nombre de consultants s’élevait à 200, en 2010 à 230 et début 2013 à 250. La croissance est indéniable, mais elle s’est en fait concentrée sur les deux premières années. Ce que reconnaît tout à fait Jean-Marc Le Roux, managing director du bureau parisien : « On a surtout connu une belle croissance quand nos concurrents ont le plus souffert, au démarrage de la crise de 2008. » Le cabinet assure qu’avec 70 recrutements pour 2014, il poursuivra sa croissance.

Mais d’après le détail donné par Catherine Pain-Morgado, responsable du recrutement, le chiffre annoncé (70 recrutements par an pour 2012, 2013 et 2014) inclut une trentaine de stagiaires, ce qui laisse seulement 40 véritables recrutements. Les départs des grands cabinets représentant en moyenne de 15 % des effectifs par an (hors éléments conjoncturels), les 40 recrutements pourraient juste couvrir le renouvellement d’un effectif de 250 consultants. Et même s’il restait encore une croissance très ralentie, elle n’aurait rien à voir avec l’épisode très particulier de 2008-2010.

En France, à cette époque, le cabinet opérait, avec succès, un rattrapage de ses principaux rivaux. Alors que Bain était très spécialisé, il a très rapidement complété ses équipes, comme l’explique Jean-Marc Le Roux : « Traditionnellement, la practice private equity de Bain est leader mondial, et est encore quatre à cinq fois plus grande que celle de nos concurrents les plus proches. Nous étions les premiers sur le marché, mais par la suite cette activité est devenue courante. Et aujourd’hui, Cette practice, qui représente de l’ordre de 20% de notre activité, n’est pas la plus importante en taille chez Bain. » À Paris, des secteurs autrefois secondaires ont connu une expansion rapide (les services financiers) et d’autres ont fait leur apparition (santé, auparavant pilotée depuis le bureau allemand).

Une practice services financiers en berne

« Ils avaient réussi à mettre Bain sur les services financiers alors que le cabinet n’y était pas en France, commente un concurrent qui connaît la maison. Maintenant, ils sont à la croisée des chemins. » En effet, pièce maîtresse de cette diversification sectorielle, la practice services financiers a vu un certain nombre de ses partners la quitter depuis un an : en 2012, Nicolas Lioliakis, parti chez AlixPartners, et Christophe Tadié, parti chez Oddo ; et en septembre 2013, Pierre-Étienne Durand. Des départs qui n’inquiètent pas Jean-Marc Le Roux, pour qui il ne s’agit que du roulement naturel du secteur, Pierre-Étienne Durand s’étant vu par exemple proposer une « offre qui ne se refuse pas », pour déployer le nouveau plan stratégique de la compagnie financière Edmond de Rothschild.

D’après un ancien de la place, ces départs ont tout de même affaibli Bain. « La practice services financiers en France ne va pas très bien.Nicolas Lioliakis, qui est parti il y a plus d’un an déjà, avait une approche de couverture du marché français. Ceux qui restent n’ont pas tant une approche du marché français, qu’une compétence reconnue au niveau global. » Pourquoi la practice se serait-elle dégradée ? « Des conflits d’ego », « des comportements aberrants », rapportent des alumni. Il pourrait aussi s’agir d’une stratégie et d’un changement de cap. 

Un plan de recentrage ?

Au sommet du secteur du conseil en stratégie, on a toujours isolé le trio de tête « MBB » : McKinsey, BCG et Bain & Company. Une catégorie unie davantage par un prestige particulier que par un véritable critère de taille : « Bain est beaucoup plus gros que Roland Berger, probablement deux fois plus, mais aussi petit par rapport aux grands acteurs du conseil », estime cet ancien du secteur.

Bain & Co n’est pas comme McKinsey et BCG, uniques par leur masse. Ce qui distingue Bain, c’est sa spécialisation.« Devenir généraliste, juge l’ex-consultant, c’est compliqué, même pour Bain. Le cabinet cherche à retrouver son positionnement historique, dans le conseil aux actionnaires et les due diligences. » Il ne s’agit pas de se replier des secteurs où le bureau parisien a récemment mis un pied, mais de se recentrer sur la culture de la maison. « Il y a en effet une logique culturelle. Certains de ceux qui avaient été recrutés n’avaient pas la même culture que les partners historiques de Bain. Jean-Marc Le Roux est très business. Il travaille sur la stratégie de création de valeur. Parmi ceux qui sont partis ou sur le départ, il y a des hommes des opérations, qui font des programmes achat, de réduction du coût des fonctions centrales… »

Une stratégie de recentrage culturel qui met fin à la diversification que semblait avoir entamée Bain à la fin des années deux-mille. Jean-Marc Le Roux nous le rappelait dès ses premiers mots : « Nous n’avons pas l’ambition de dépasser McKinsey et BCG, car ils recherchent des relais de croissance au-delà desmétiers traditionnels de management consulting. Notre cœur de métier, c’est le conseil en management et aux directions générale, en nous focalisant sur la création de résultats concrets pour nos clients. » Mais un cabinet peut-il vraiment connaître une croissance continue dans une période de recentrage ?

Jérémy André pour Consultor, portail du conseil en stratégie- 27/11/2013

 

Jean-Marc Le Roux Olivier Marchal
Jérémy André
27 Nov. 2013 à 20:07
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