Quand le consultant devient indispensable
En prenant la charge de projets au long cours et de missions techniques, un cabinet de consulting devient rapidement indispensable comme le rappelle un récent rapport public.
Le malheur de l'État fait le bonheur des consultants. Faute de mobiliser suffisamment de ressources internes, déplore la Cour des comptes dans un rapport publié mi-mars, les administrations publiques font de plus en plus appel à des cabinets extérieurs.
- Achats de conseil de l'État : des bonnes pratiques à portée de main
- « Quand c’est complexe, 23 114 euros » : le prix du conseil à l'UGAP
- Secteur public : l’UGAP double la mise sur le conseil en stratégie
- TNP Consultants vs l’État : l’audience en référé du 16 février
- Réduction de coûts : l’État au tribunal mardi 16 février pour avoir retenu McKinsey
- Pourquoi GRDF lance son premier marché-cadre de conseil
- Enquête – Caisse des Dépôts : qui va gagner des millions
- L’offensive des stratèges dans les mairies

Et même lorsque ces prestations sont limitées, leur concentration sur des thématiques stratégiques – telles que l'aide à la décision, le pilotage ou encore l'accompagnement de projet – entraîne presque mécaniquement un déficit d'expertise en interne, ce type d'intervention se déroulant nécessairement sur le moyen/long terme. En effet, elle induit comme une « perte de mémoire » au sein de la structure cliente, et accroît ainsi une quasi-dépendance.
La prise en charge de missions plus techniques et spécifiques n'est pas non plus en reste, et le rapport égrène de nombreux exemples de compétences supposées constituer le cœur de métier de la fonction publique – comme la rédaction de textes réglementaires, de contrats de concession ou encore des missions d'évaluation économique –, qui ont massivement été déléguées à quelques cabinets réguliers. « Il est regrettable que l'Administration soit contrainte de se placer dans une relation de dépendance avec certains prestataires au motif que ceux-ci ont acquis une meilleure connaissance qu'elle de ses propres procédures », dénonce la Cour des comptes.
Le maître et l'esclave
Regrettable... mais peut-être bien fatal en l'occurrence. Comme le rappelle une étude menée sous l'égide de la Copenhagen Business School, cette situation est à certains égards inhérente aux relations de conseil : un client est en effet toujours pris en étau entre deux impératifs : faire preuve d'autonomie vis-à-vis du prestataire d'un côté, obtenir les meilleurs résultats pour son département de l'autre. Et lorsqu'un cabinet fait particulièrement bien son travail, le second tend à prendre le dessus... C'est un modèle théorique bien sûr, et d'autres facteurs sont à prendre en compte dans la pratique – disponibilité ou non des compétences en interne, efficacité de la formation et du recrutement, variété des prestataires sollicités... Mais, toutes choses étant égales par ailleurs, ce renversement a presque naturellement tendance à se produire.
Ce processus a d'ailleurs été analysé par Hegel. Le philosophe allemand décrit dans Phénoménologie de l'esprit une dialectique du maître et de l'esclave qui peut s'appliquer au conseil. Lorsqu'un client délègue son travail, il a tendance à perdre de vue la réalité de son activité et à devenir comme étranger à celle-ci. Pour cause, le prestataire ne se contente pas de poursuivre ce qui s'est fait jusqu'à présent ; il transforme – littéralement – cette activité en autre chose et renouvelle l'ensemble des process. Ainsi, la dépendance passe du côté du client, qui a toujours besoin d'obtenir de bons résultats, mais ne sait absolument plus comment procéder. « Le maître, qui a interposé l'esclave entre la chose et lui, se relie ainsi à la dépendance de la chose, et purement en jouit », résume Hegel à sa manière. Pour le prestataire, concrètement, c'est le moment de faire monter les enchères.
Fabien Trécourt pour Consultor
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
France
- 15/06/22
Le senior partner d’Advancy accompagne une start-up suisse qui a imaginé un bateau à propulsion hydrogène.
- 10/06/22
C’est une première. Le consultant en stratégie est le sujet-cœur d’un roman qui vient d’être publié. Deviendrait-il une nouvelle figure littéraire emblématique ?
- 09/06/22
Le Syntec Conseil, dans son rapport publié mercredi 8 juin 2022, confirme la forte reprise postcovid enregistrée par le secteur du conseil en stratégie et management en 2021.
- 09/06/22
Samuel Galbois, depuis six ans chez Monitor Deloitte, vient d’être promu associé au sein des practices PE et TMT.
- 03/06/22
Sept ans après son départ de Roland Berger, l’associé Bruno Colmant réintègrera le bureau de Bruxelles le 7 juin prochain.
- 02/06/22
Philippe Rozental, director au Boston Consulting Group depuis 2019 (ex-McKinsey/Kearney), rejoint en tant que managing director l’équipe mondiale de Publicis Sapient au sein du jeune bureau (créé en 2020) de Paris.
- 30/05/22
Le cabinet Singulier a décidément la bougeotte. Depuis sa création en 2017, ce cabinet spécialisé en transformation digitale aura déménagé pas moins de trois fois.
- 24/05/22
Mardi 24 mai, une perquisition judiciaire était en cours au siège du cabinet à Paris.
- 23/05/22
Safia Limousin, 49 ans, vient d’arriver chez Bain & Company en tant qu’associée rattachée à la practice énergie et ressources naturelles. Auparavant chez Kearney depuis 2018, la senior partner était aussi leader monde power & utilities du cabinet et était la 2e femme, après Delphine Bourrilly, à intégrer le partnership en France.