Anah : nouveau (gros) marché de conseil en vue pour rénover sa stratégie
Dans un contexte où le gouvernement communique largement sur une baisse des dépenses de conseil, des besoins subsistent, comme en témoigne le marché lancé par l’Agence nationale de l’habitat, pour une facture totale maximum de 12,5 millions d’euros.
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L’Anah a publié, il y a quelques jours, un appel d’offres de conseil sur des prestations d’assistance à maitrise d’ouvrage pour « l’appui au pilotage, à la conception et au déploiement des projets inscrits dans la feuille de route stratégique de l’Anah ». Un accord-cadre multi-attributaires à bons de commande d’une durée initiale d’un an (reconductible trois fois un an) divisé en trois lots : l’appui au pilotage et à la feuille de route stratégique (lot 1 : 1,5 M€), cadrage, appui de projets et efficacité opérationnelle (lot 2 : 9 M€), outils de la relation usagers et design de parcours (lot 3 : 3 M€).
L’Anah et la DITP, un accompagnement qui a fait long feu
Cet établissement public était pourtant officiellement annoncé début 2023 comme un bénéficiaire, parmi 18 établissements publics, du marché DITP 2024-2027 à 150-200 M€ (attribué au BCG, à Roland Berger et à Oliver Wyman). Pour mémo, l’une des nouvelles règles annoncées par le gouvernement en 2022, par la voie du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, et applicables depuis le début de l’année 2023 : le plafonnement à 2 M€ par mission (avec au maximum deux contrats consécutifs par prestataire pour un montant cumulé max de 2 M€).
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On peut dire que ce copieux marché (de 150 à 200 millions d’euros) de la DITP s’est fait attendre… Officiellement clos depuis le 22 septembre dernier, on connaît (enfin) les attributaires (dix mandataires et dix co-traitants) de cet accord-cadre quadriannuel de trois lots relatif « à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle » auprès de la sphère publique.
L’Anah, qui lance son propre marché, hors du cadre DITP… Ce n’est au final pas une surprise, et ce à double titre, pour Vincent Feuillette, secrétaire général en charge du pilotage stratégique de l’Anah, interrogé par Consultor. « Nous ne sommes pas signataires de ce marché. Et quand bien même nous le serions, nous sommes sur un volume de marché et des spécificités de besoins qui justifient de porter le marché en propre. » Depuis l’annonce officielle, l’Anah s’est en effet retirée du cadre DITP. Une volonté d’autonomisation pour le secrétaire général. « Pour le précédent marché, nous travaillions avec l’UGAP. Mais nous avions le souhait d’être davantage pilotes de ces prestations », poursuit Vincent Feuillette.
Un établissement public au cœur de la stratégie gouvernementale
L’Anah, créée en 1971, est placée sous la tutelle des ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, de la Transition énergétique et de l’Économie, du Logement, des Finances et de la Souveraineté numérique. Sa vocation : « promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements privés » sur des enjeux « de transitions écologique et démographique et de lutte contre les fractures sociales et territoriales ». Depuis 2020, cet établissement déploie notamment MaPrimeRévov’, et depuis 2022, France Rénov', le service public de la rénovation de l’habitat, 550 espaces conseil et 2 400 conseillers répartis sur l’ensemble du territoire. À partir de janvier 2024, l’Anah a aussi été désignée par le gouvernement pour déployer le nouveau dispositif MaPrimeAdapt’, une aide à l’adaptation des logements en cas de perte d’autonomie.
Le gouvernement augmente, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, le budget de l’Anah de 1,6 milliard d’euros supplémentaires par rapport à 2023 afin de financer la rénovation énergétique des logements, portant à 5 milliards d’euros le budget total en 2024. Et porter les rénovations d’ampleur à 200 000 dès 2024 afin de pouvoir atteindre les objectifs climatiques d’ici 2030.
Une stratégie d’accélération qui nécessite du conseil
Dans le cadre de sa feuille de route stratégique 2024-2027, cette agence publique a défini deux axes prioritaires : « stabiliser l’infrastructure technique et humaine des processus de gestion » et « engager la refonte du modèle de distribution des aides à la rénovation de l’habitat privé ». En clair, garantir le financement du service public France Rénov’ (co-financé par les collectivités territoriales et l’État (via le programme SARE – Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique), améliorer le maillage territorial de ce service de proximité (et la présence d’un guichet dans chaque intercommunalité annoncée d’ici 2025) et le préfinancement des aides. Pour cela, elle doit poursuivre la transformation de ses pratiques et de ses process : les changements associés aux nouvelles activités, les processus métiers dans le cadre notamment de sa transfo digitale, faire évoluer le cadre des politiques publiques mises en œuvre. « L’agence continue sa montée en puissance dans le cadre de la politique de planification de rénovation des logements privés placée comme une priorité du gouvernement. Cela nous impose de continuer notre transformation sur le plan digital et organisationnel afin d’améliorer les process et la mise en œuvre de cette politique. Si nous voulons tenir les objectifs, il nous fallait faire appel à des cabinets extérieurs pour de l’assistance à de la maitrise d’ouvrage et des experts pointus sur certains sujets », explicite Vincent Feuillette, secrétaire général en charge du pilotage stratégique qui dispose d’une équipe dédiée d’une dizaine de collaborateurs.
Un effort sur le transfert de compétences
Depuis la commission sénatoriale de 2022 sur l’influence des cabinets de conseil dans le secteur public, le gouvernement a établi des règles de conduite, un cadre de travail et des process d’évaluation sur les prestations. L’Anah, dans son avis, a notifié un certain nombre de garde-fous du travail des consultants, entre autres, en exigeant des profils de consultants expérimentés, en précisant leur rôle, les catégories de prestations, en privilégiant la constitution d’équipes mixtes « selon les projets », et en pointant les attendus en matière de transfert de compétences. « Notre souhait, dans la logique de montée en compétences de nos équipes et pour accompagner les nombreux recrutements qui vont se faire, nous mettons en place des équipes intégrées. Et nous serons vigilants à l’appropriation du travail par nos agents et leur autonomie sur les sujets lorsque la mission sera terminée », appuie Vincent Feuillette. Les cabinets de conseil attributaires du lot 1 auront ainsi pour mission d’accompagner la direction générale et les directions et pôles de l’Anah « dans le pilotage de la conception opérationnelle de dispositifs stratégiques ». Plus précisément, de participer à élaborer les éléments nécessaires pour la mise en œuvre, de constituer des dossiers d’arbitrage en réponse aux tutelles, de mobiliser les techniques d’analyse stratégique, de proposer des scénarios de déploiement en y associant les analyses d’impact… Pour cela, il leur est explicitement demandé dans l’avis de « mettre en œuvre les méthodologies spécifiques au conseil en stratégie, de concevoir des outils de pilotage macro et strat’ auprès des différentes cibles, de proposer une stratégie et des scénarios opérationnels, de traiter et analyser l’info, et de développer une compréhension stratégique globale des attentes et des enjeux des cibles ». L’Anah a également mis en place des « process d’évaluation qui seront effectués par les agents eux-mêmes », comme le souligne Vincent Feuillette.
Le rendu des copies pour les cabinets candidats a été fixé au 15 décembre prochain. L’attribution du marché est attendue pour le premier trimestre 2024 et les premières missions dans le courant du deuxième trimestre. Ce futur marché à plus de 12 M€ s’ajoute ainsi aux dépenses annoncées de 150 M€ de la DITP, mais aussi aux autres établissements publics qui, comme l’Anah, ont lancé leurs propres et conséquents marchés : Pôle Emploi (40,5 M€), la SNCF (30 M€), le réseau des hôpitaux publics (a minima 60 M€)…
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