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Présidentielles 2022 : les consultants qui veulent peser

Impôt, dette, retraite, énergie… Le Syntec Conseil, l’organisation représentante du secteur du conseil en France à laquelle adhèrent 250 cabinets de tout type – dont 80 cabinets en management et stratégie, notamment Bain, Mars & Co et Roland Berger –, présentait mardi 2 novembre la 11e édition de son étude annuelle Accélérer.

Benjamin Polle
11 Nov. 2021 à 06:00
Présidentielles 2022 : les consultants qui veulent peser

Le plaidoyer en 35 propositions pour « redresser la compétitivité » française est assis sur un sondage de 500 dirigeants et le pilotage d’une dizaine de patronnes et patrons de cabinets de conseil. Dont Olivier Marchal, le président de Bain à Paris, et Jean-Marie Hennes, executive vice-président de Mars & Co, que nous avons interrogés. Objectif à présent : faire la promotion active de ces mesures de compétitivité, et ce auprès du plus grand nombre de candidats susceptibles de l’emporter en avril 2022.


« Nous faisons notre part à la façon du colibri. » Pour Olivier Marchal, le président de Bain en France, telle est la démarche de la filière conseil qui vient de présenter la 11e édition de son étude annuelle sur les leviers d’amélioration de la compétitivité économique française. Un rôle – ne dites pas politique, tous réfutent le terme ! – pas nécessairement intuitif de la part de consultants en stratégie en théorie au seul service de leurs clients.

« Nous faisons une distinction stricte, simple et claire entre la confidentialité que nous devons à nos clients et l’intérêt public, l’un n’empêche pas qu’on s’intéresse à l’autre », défend Jean-Marie Hennes, chez Mars &Co, qui participe à la rédaction de cette étude annuelle depuis sept ans.

Et pourquoi les consultants devraient-ils spécifiquement prendre la parole dans un débat économique plus large quand déjà tant de branches, de mouvements, de syndicats, d’économistes multiplient les propositions ? Est-ce bien leur rôle ?

Un grand oui, selon Olivier Marchal. « Le plus souvent, ceux qui poussent des idées le font avec des intérêts catégoriels. C’est une différence avec l’étude du Syntec qui vise à défendre l’économie française au sens large : les PME, les grands groupes, les start-up… Les consultants en stratégie sont les meilleurs experts de la compétitivité des entreprises qu’ils connaissent mieux que quiconque. À ce titre-là, leur parole dans le débat public a de la valeur », affirme-t-il.

La filière conseil a fait son trou dans le débat économique national

En tout cas, à les entendre, leurs analyses sont attendues et entendues de manière croissante.

D’abord sur le fond, sur la prise en compte des recommandations que le Syntec formalise dans son étude Accélérer : selon les calculs d’Olivier Marchal, 60 % des recommandations formalisées avant la précédente campagne présidentielle ont été appliquées d’une manière ou d’une autre au cours du quinquennat d’Emmanuel Macron. « Ce n’est évidemment pas que grâce à nous, mais nous y contribuons », appuie Olivier Marchal.

Le colibri, donc. Sur le poids des impôts de production (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, cotisation foncière des entreprises) sur l’activité des entreprises françaises comparativement à plusieurs pays européens : « C’est un combat que nous menons depuis cinq ans qui a commencé à trouver un début de matérialisation avec les baisses annoncées par le gouvernement. Une première baisse de 10 milliards d’euros sur un total de l’ordre de 70 milliards d’euros versés par an qu’il faudrait encore abaisser de 40 milliards si nous voulons être compétitifs vis-à-vis de nos voisins européens », détaille à ce sujet Jean-Marie Hennes.

Autre avancée, chère aux consultants en stratégie parmi les métiers du secteur privé les mieux rémunérés en sortie de grandes écoles de commerce et d’ingénieur (relire notre article), le coût du travail qualifié et très qualifié. Le Syntec avance dans son étude que « les taux de cotisations patronales sur les rémunérations des salariés les plus qualifiés sont deux fois supérieurs à ceux de l’Allemagne pour un cadre avec un salaire de 50 000 euros, plus de trois fois supérieurs pour un salaire de 100 000 euros ». Là encore, effet colibri, juge Olivier Marchal : « Au début, tous nos interlocuteurs bottaient en touche sur ce sujet. Désormais, on passe du déni à des gens qui nous disent que, oui, c’est un sujet sur lequel il faudrait agir. La discussion est plus ouverte. »

Amélioration de la compétitivité, reconquête industrielle, flexibilisation du droit du travail, sur ces autres sujets, les recommandations du Syntec ne resteraient donc pas lettre morte sur le fond.

La visibilité des consultants en stratégie et du Syntec serait également meilleure sur la forme auprès de certains responsables politiques – ce dont atteste par exemple le dada consulting du ministre au Commerce extérieur (relire notre article).

« Auprès de députés, de cabinets ministériels, de responsables politiques, nous sommes très agréablement surpris par les nombreuses attentes de nos interlocuteurs, leurs questions, avec un langage beaucoup plus ouvert que ce qu’on imagine », avance Jean-Marie Hennes.

Le Syntec repart en campagne

Une tournée annuelle des décideurs avec ses propositions sous le bras que le Syntec Conseil s’apprête à reprendre dans les prochaines semaines. Avec une particularité de poids cette année : l’échéance présidentielle d’avril. Dans le viseur donc les principaux candidats à l’élection présidentielle et un certain débat interne au Syntec sur les profils à inclure ou exclure.

Les sujets à leur souffler, avec l’espoir que dans le lot un futur président en fasse des priorités, ne manqueront pas. Car si des progrès ont été faits, d’autres restent brûlants à entendre l’organisation. Et pour Jean-Marie Hennes, « dans le débat de précampagne présidentielle les sujets économiques sont extrêmement peu traités ».

Tout en haut de la liste, le désendettement de la France dont les dirigeants sondés pour le Syntec par BVA font une priorité essentielle. « Nous proposons des solutions pour ramener la dette à 50 % du PIB en dix ans », annonce Olivier Marchal. « Il est possible de réduire significativement la dépense publique sans toucher à un seul poste de policier ou de professeur. Une bureaucratie s’est installée avec le temps qui fait que pour obtenir une décision ou une instruction de dossier, plusieurs niveaux administratifs se penchent à répétition sur le même sujet. Ce qui génère délais et surcoûts, et une inefficacité de la dépense publique. Le temps passé par des fonctionnaires à des tâches administratives peut atteindre la moitié de leur temps de travail total, quand il est plutôt de 20 % chez plusieurs voisins européens. Nous proposons des leviers pour remettre les fonctionnaires à leur tâche première », détaille Jean-Marie Hennes.

Autre proposition sur le plan énergétique cette fois. « Nous sommes à un tournant environnemental et de responsabilité sociale des entreprises qui n’est pas incompatible avec la réindustrialisation de la France. Car toutes les nouvelles technologies qui doivent nous permettre de prendre ce tournant sont toutes très électro-intensives et doivent être alimentées en électricité non carbonée. Or pour fournir cette électricité, il y a la piste des énergies renouvelables, qui est limitée, et la filière nucléaire dont nous sommes les grands défenseurs. La France produit 95 % d’électricité non carbonée, ce qui est exceptionnel par rapport à la quasi-totalité du monde. Nous avons la possibilité de rebâtir une filière nucléaire de premier plan et un avantage concurrentiel dans toutes les filières industrielles qui en tireront profit, les véhicules électriques, l’hydrogène, le chauffage… »

Cachez cette politique qu’on ne saurait voir

Attention ! Aux yeux d’Olivier Marchal, de Jean-Marie Hennes et du Syntec Conseil dans son ensemble, tout ceci reste purement économique, au service indirect de la branche du consulting, de leurs clients et de l’intérêt général. La politique, très peu pour eux. Olivier Marchal rappelle encore aujourd’hui comment sa prise de position sur des chaînes de TV anglo-saxonnes en faveur d’Emmanuel Macron à l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2017 (relire notre article) n’était qu’un avis personnel en tant que personnalité des affaires en France et non la position de Bain ou du Syntec Conseil.

D’ailleurs, les mandats politiques leur apparaissent comme plutôt rédhibitoires avec la pratique du métier de consultants en stratégie. Hors mandats locaux et de petite échelle : à l’instar de ce poste de conseiller municipal que Jean-Marie Hennes a déjà occupé.

Au-delà, il est bon de laisser la place. « Je ne pense pas qu’on puisse faire les deux », glisse Jean-Marie Hennes. Comme l’avait fait Guillaume Kasbarian, un ancien de PMP et de Monitor devenu député (relire notre article). Ou comme l’a fait Maël de La Lande de Calan, dont le grand public a découvert le nom en début d’année en tant qu’un des consultants de McKinsey chargés d’accompagner le gouvernement sur la vaccination contre la covid, après qu’il a été élu président du conseil départemental du Finistère, le 1er juillet dernier (relire notre article) : il a depuis quitté ses fonctions d’associate partner au sein de ce cabinet.

Cela dit, les engagements peuvent être moins formels ainsi que l’a montré le soutien politique apporté par plusieurs consultants à la candidature d’Emmanuel Macron (relire notre article).

En attendant, aucun cabinet n’anticipe pour l’heure l’attentisme économique assez caractéristique des campagnes présidentielles. Pour l’heure, le rush post-covid se poursuit.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

Bain & Company Mars & Co Jean-Marie Hennes Olivier Marchal
Benjamin Polle
11 Nov. 2021 à 06:00
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