150 M€ pour 10 cabinets de conseil en stratégie : l’État lance sa consultation
Le 29 juillet dernier, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guérini, annonçait un plafonnement des prestations de conseil. Dès le lendemain, la DITP lançait un appel d’offres attendu depuis le printemps dernier.
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Un accord-cadre de trois lots relatif « à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle ».
Et ce, pour une multitude de bénéficiaires : l’ensemble des organisations de l’État hors ministère de la Défense, soit onze ministères (dont celui de l’Économie, de la Transition écologique, de la Justice…), les services du Premier ministre, la DITP, et quelque dix-huit établissements publics dont l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie, deux Agences régionales de santé, la BNF ou encore l’université de Pau. Toutefois, aucun des établissements publics ajoutés ne figure parmi les principaux pourvoyeurs de conseil en stratégie sur les dernières années, à l'exemple de la Caisse des Dépôts.
Un marché d’un montant total estimé à 150 millions d’euros (et un maximum de 200 M€) comme annoncé par Stanislas Guérini (relire ici), dont 30 à 40 M€ d’euros seront destinés aux trois titulaires du lot 1 de conseil en stratégie. Pour les deux autres lots, 70 à 100 millions d'euros iront aux quatre titulaires du cadrage et à la conduite de projets et 50 à 60 millions d'euros distribués aux trois titulaires du lot dédié à l’efficacité opérationnelle.
Quid de l’annonce-phare du ministre Guérini sur le plafonnement à 2M€ par mission (avec un maximum deux contrats consécutifs par prestataires pour un montant cumulé max de 2M€) ? L’avis indique que « toute prestation dont le montant est supérieur à 2 000 000 €HT est exclue du périmètre des lots 1 et 2… sauf en cas d’urgence avérée sur instruction écrite et formalisée conjointe du ministre compétent et du ministre chargé de la réforme de l’Etat, adressée au Secrétariat Général du ministère commanditaire et à la DITP… ». Reste à définir la notion d’urgence avérée… En revanche, il est notifié que, « aucune exclusion en raison du montant des prestations n’est applicable au lot 3 », à savoir les missions d’efficacité opérationnelle.
Pour mémoire, le précédent marché de conseil en stratégie quadriannuelle de la DITP s’élevait à 208 millions d'euros, mais il s’ajoutait à d’autres marchés tels que l’accord-cadre passé par les services du Premier ministre (100 M€).
Ont été également annoncées quelques restrictions et obligations de taille. Si les cabinets peuvent candidater sur plusieurs lots, ils ne peuvent en revanche n’être attributaires que d’un seul lot (en mentionnant un ordre de préférence), sans prévoir par ailleurs de prestation supplémentaire éventuelle. L’entreprise attributaire devra également réaliser une action d’insertion pour l’accès ou le retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières, une disposition encadrée par l’association Ensemble Paris Emploi Compétences. Des critères environnementaux sont aussi introduits comme critères de sélection : ils entrent dans 10 % de la notation des critères techniques, 60 % de la notation globale. En outre, le traitement des données sera largement encadré.
Afin d’évaluer au mieux les critères techniques, il est demandé aux candidats de réaliser des études de cas. Pour le lot 1 de conseil en stratégie, cela passe par une « démarche de réflexion et la proposition de scénarios d’accès aux services publics qualifiés – incluant organisation et modalités – en prenant en compte l’ensemble des domaines de services publics aux usagers, des opérateurs et les différents canaux de contact », dans le cadre d’une réflexion stratégique sur l’évolution des modalités d’accès aux services publics à horizon 2030.
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Si les cabinets sont majoritairement bien notés par les administrations acheteuses pour leurs missions dans le service public, les modalités mêmes de cette évaluation sont remises en cause par l’exécutif qui appelle à les muscler. Les consultants, eux, plaident pour une juste prise en compte du caractère volatil de prestations intellectuelles nécessairement évolutives.
Et, nouveauté, une fiche d’évaluation des missions est instaurée pour les établissements et ministères bénéficiaires. Il y sera notamment question de jauger les moyens mis en œuvre par le prestataire au regard du bon de commande, la qualité technique de l’apport des consultants, mais aussi plus surprenant, leur savoir-être, et le respect des clauses administratives. Une note générale sur dix accompagnée par un bilan quali des capacités de transferts de compétences au bénéfice de l’administration, et un bilan global de la prestation.
Si le prix entre pour 40 % dans le système de notation des offres, il est encore stipulé que « l’accord-cadre est attribué au soumissionnaire dont l’offre est économiquement la plus avantageuse, au regard des critères d’attribution énoncés dans le présent règlement de la consultation. »
Date limite de réponse : le 22 septembre prochain.
Dossier de consultation accessible en suivant ce lien.
Mise à jour le 29/08 sur l'exclusion des prestations supérieures à 2 M€ du périmètre de la consultation.
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commentaires (1)
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secteur public
- 25/05/23
Dans un rapport récent, la Cour des comptes juge timorés les efforts du principal guichet des achats de conseil pour réinternaliser des prestations de conseil sinon confiées à des cabinets de conseil privés.
- 04/05/23
Un rapport sera remis sous 2 mois, avec l’objectif d’élargir aux collectivités territoriales la proposition de loi « anti-consultocratie » votée au Sénat, et d’atterrir sur une nouvelle proposition de loi à l’automne, a appris Consultor.
- 14/04/23
C’est un appel d’offres de conseil pour le moins juteux de la part du Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah) qui a été lancé le 3 avril. Le jackpot – 60 à 80 millions d’euros – pour 1 ou 2 consultants.
- 05/04/23
Une ancienne du cabinet de conseil interrogée par la cellule d’investigation de Radio France estime que le soutien apporté à la campagne d’Emmanuel Macron en 2016 et 2017 par une dizaine de consultants du cabinet – à titre personnel martèlent-ils depuis des années – aurait dû être facturé. La managing partner du cabinet en France, Clarisse Magnin, s’ajoute aux nombreuses personnes perquisitionnées par la justice dans ce dossier.
- 03/04/23
C’est une information de Politico : Didier Migaud, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, s’est rapproché des principaux cabinets de conseil en stratégie pour leur demander d’expliciter leurs missions, voire de s’inscrire au registre des représentants d’intérêts.
- 28/03/23
Le cabinet devait être interdit de tout contrat public pendant 3 ans : sur la foi d’engagements à la mise en œuvre de plusieurs mesures, le gouvernement vient de l’autoriser de nouveau à répondre à des appels d’offres.
- 20/03/23
L’établissement public chargé de l’emploi en France vient de lancer un appel d’offres de prestations intellectuelles. Le dernier, en 2019, s’élevait à quelque 23 millions d’euros. Pôle Emploi ayant déjà décidé de ne pas faire partie de l’accord-cadre de la DITP.
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Après deux ans et demi de polémique sur le recours par l’État à des cabinets de conseil privés, l’Inspection générale des finances (IGF), mandatée en ce sens par la Première ministre Élisabeth Borne, a fait le tour des ministères pour vérifier la mise en œuvre des garde-fous qui leur avait été demandés par l’ancien locataire de Matignon, Jean Castex. Certes, le document publié début mars 2023 confirme la forte croissance des dépenses de conseil en stratégie. Il révèle aussi un certain nombre de missions inconnues à ce jour.
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Le cabinet Roland Berger vient d’être officialisé comme l’un des attributaires du marché du Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans l’accompagnement des opérations de participation citoyenne.