Recrutements : une reprise à couteaux tirés
Un effet rattrapage brutal : tel est le retour d’expériences de responsables des ressources humaines, de recruteurs, de partners, de chasseurs de têtes, de coachs spécialisés dans l’accompagnement des candidats, bref de tous les acteurs du recrutement dans le conseil en stratégie. Avec la fin des mesures sanitaires, certains optent pour le maintien du 100 % distanciel, d’autres mixent, d’autres encore veulent le retour au bureau pour les entretiens. Une chose est sûre : la chasse aux talents est plus ouverte que jamais et la concurrence entre les cabinets exacerbée.
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Seize mois après l’entrée en vigueur du premier confinement, avec son lot de reports et de gels de process (relire notre article) qui avaient conduit à une contraction des effectifs de consultants de l’ordre de 2 % en 2020 (relire notre article), « il y a clairement un effet rattrapage », estime David Cukrowicz, le fondateur de Lastep, une activité d’accompagnement des candidats à l’entrée dans les entreprises de conseil en stratégie, comme il en existe plusieurs autres (relire notre article).
« Il manque six mois de campagne de recrutement. Et pendant ce temps-là, pour conserver les talents, les promotions internes ne se sont pas arrêtées. Bilan : les cabinets se sont retrouvés avec des bas de pyramides dégarnis et la compensation actuelle est assez violente », analyse-t-il.
Recrutements : « soyons clairs : c’est la folie un peu partout »
Les exemples de ce rattrapage abondent. « Je n’ai jamais été autant chassé que sur les six derniers mois. C’est très bien, j’ai rencontré plein de monde et cela m’a permis de faire un benchmark de tous mes concurrents », attestait Sébastien Mahieux-Bibé, partner services financiers chez Vertone, dans l’émission Smart Tech sur B Smart le 16 juin (revoir l’émission).
Un moment unique aussi pour Axel Franco, partner chez Upward Consulting, cabinet de recrutement par approche directe spécialiste du conseil : « Soyons clair : c’est la folie un peu partout. En tant que chasseur, je n’ai jamais reçu autant d’appels entrants qu’actuellement. Deux à trois cabinets m’appellent chaque jour pour lancer des recherches de profils assez similaires : des profils expérimentés voire de jeunes chefs de projet, et des profils féminins (le secteur du conseil en stratégie est connu pour être très peu paritaire, ndlr). »
Chez Advancy, le CEO Éric de Bettignies n’hésite pas à montrer à Consultor (relire notre article) le mail d’un cabinet concurrent invitant les consultants d’Advancy à se joindre en masse à un événement de recrutement. Et, le même mois, menace de poursuites une responsable RH chez un autre concurrent, pris là encore en train de prospecter le consulting staff d'Advancy.
« Depuis cinq ans que je m’occupe des recrutements chez Oliver Wyman, 2021 s’annonce comme une année record. Que ce soit pour les stagiaires, les consultants juniors ou expérimentés, nous sommes sur un nombre de recrutements deux à trois fois plus élevés que les années pré-covid », témoigne pour sa part Éric Bach, partner en charge des recrutements.
Chez Publicis Sapient, qui développe depuis 2019 une activité de conseil en stratégie sous la marque Sapient rachetée par Publicis en 2014, même urgence. L’équipe parisienne démarrée en janvier 2020 forte aujourd’hui de vingt-cinq consultants (relire notre article) veut atteindre un effectif de quarante consultants d’ici la fin de l’année, puis soixante fin 2022… Les opportunités à tous les niveaux ne manquent pas, mais « le taux de réponse est plus faible, les consultants sont très occupés », témoigne Cécile Collin, manager en charge des recrutements chez Publicis Sapient. « Il faut avoir un peu de temps pour se demander quelle sera sa next step professionnelle. Or beaucoup de consultants que nous interrogeons actuellement nous disent que Publicis Sapient pourrait être intéressant, mais qu’ils n’ont pas le temps d’y réfléchir, de rentrer dans un processus de recrutement », ajoute-t-elle.
Même son de cloche chez Cylad Consulting. « Après neuf mois de fort ralentissement de mars à décembre 2020, nous avons remis la machine en route en décembre 2020 et l’activité de recrutement bat désormais son plein. Quatre propositions d’embauche ont été adressées la semaine dernière », témoigne Fanny Colette, la directrice des ressources humaines de Cylad Consulting. En France, le cabinet compte soixante-cinq personnes (dont 45 à Paris, parmi lesquelles quatre profils data transverses et sept personnes dédiées à l’assistanat et aux ressources humaines) et veut réaliser un à deux recrutements de consultants par mois d’ici la fin 2021.
Une raison évidente à cette reprise à fond la caisse des recrutements : les cabinets ont des carnets de commandes remplis à ras bord et ont besoin de monde pour staffer ces missions. « L’activité repart plus fort que ce que tout le monde avait prévu », glisse Axel Franco, chez Upward Consulting.
Process accélérés et indemnités relevées : les cabinets essaient de se démarquer
Par conséquent, la concurrence des marques employeurs est exacerbée et les cabinets fourbissent leurs arguments. « Nous avons instauré un processus accéléré. On s’aperçoit que les candidats sont très sollicités et ont plus que jamais besoin d’avoir des réponses rapides. Ils n’ont plus envie de processus de recrutement trop longs pendant lesquels ils sont plus susceptibles d’accepter l’offre d’un cabinet concurrent qui se positionnerait plus rapidement », analyse Fanny Colette, la DRH de Cylad Consulting.
Le cabinet vient donc par exemple de réduire le nombre d’entretiens nécessaires à l’embauche : ils ont été réduits de cinq à trois. Et plusieurs autres cabinets ont instauré ces process accélérés. « J’ai recruté des consultants en quinze jours », défend également Cécile Collin au sujet des process 100 % distanciels.
Autre mesure d’attractivité chez Cylad Consulting : le relèvement des indemnités pour les stages qui ont été passés de 1 500 à 1 800 euros brut mensuels, davantage en ligne avec la pratique dans le conseil en stratégie (relire notre article).
Et les changements dans ce marché du recrutement ultra-dense ne s’arrêtent pas là.
Ces process instaurés pendant la covid qui vont perdurer
D’abord, les modalités de recrutement induites par la pandémie sont là pour durer, chez certains du moins. Ainsi chez Corporate Value Associates : « Nous continuons à faire passer l’ensemble des entretiens à distance et nous avons prévu de continuer à le faire pour le moment. Nous avons trouvé cela tellement plus efficace ! », s’enthousiasme Gaëlle Zinkiewicz, chief financial officer et head of HR de la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) à laquelle Paris appartient avec six autres bureaux (Amsterdam, Berlin, Bruxelles, Dubaï, Casablanca, Londres) et qui regroupe 80 consultants.
« Désormais, au sein de la zone EMEA, tous les bureaux participent aux recrutements de tous les bureaux. Un manager belge peut encadrer le recrutement d’un consultant pour le bureau de Dubaï. Cela a plein d’avantages : les managers de sept bureaux différents sont disponibles dans notre agenda partagé pour faire passer des entretiens, ce qui nous donne plus de souplesse ; les candidats sont confrontés d’emblée à des entretiens avec des personnes présentes dans différents pays et au caractère international de leurs futures fonctions. Les interviewers envoient des docs dans le logiciel de visio en amont ou montrent des slides pendant et n’ont pas l’impression de pertes en ligne, les candidats trouvent que c’est plus efficace », dit Gaëlle Zinkiewicz. Pour les recrues, seule la signature du contrat a été rétablie « en présentiel » dans les bureaux, pour le symbole et pour que les nouveaux consultants puissent saluer de visu leurs employeurs.
Particularité chez CVA, le recrutement se fera davantage pays par pays dans l’immédiat. Il reposera moins que ce ne fut le cas jusqu’à présent sur les déplacements de consultants recrutés en France et amenés à aller de bureau en bureau ensuite. De manière à ce qu’une éventuelle recrudescence de variants ou de nouvelles fermetures de frontières ne bloquent pas l’activité des différents bureaux.
Présentiel ou distanciel, à chacun son mix
Un cran en dessous dans le maintien du tout distanciel, Publicis Sapient conservera deux de ses trois tours d’entretien en visio, mais a rétabli depuis le mois de juin 2021 un troisième tour final physique avec un partner, par exemple au siège de Publicis sur les Champs-Élysées. « Je continue à être bluffée par la ponctualité, le respect des codes vestimentaires et la cordialité des candidats par visio. Même humainement, je ne suis pas de l’avis qu’on y perd, mais plutôt qu’on y gagne. Quand les candidats étaient bloqués chez leurs parents un peu partout, cela nous rapprochait spontanément de découvrir où ils étaient, d’avoir leur perception de la pandémie à l’endroit où ils se trouvaient », appuie Cécile Collin.
Tous ne partagent pas ce point de vue. Dès le 9 juin, Cylad Consulting a repris les entretiens au bureau – hors candidats qui ne peuvent pas encore se déplacer et sans que l’absence au bureau soit un critère éliminatoire. « Les candidats nous disent que nous sommes un des premiers cabinets à le faire, cela leur permet de voir les locaux, de rencontrer leurs éventuels futurs collègues et managers, ils se projettent beaucoup mieux. Pour le passage des business cases, les recruteurs trouvent les interactions plus simples, quand ils veulent guider un candidat ou faire un schéma par exemple », développe Fanny Colette.
Chez Oliver Wyman, on est sur la même ligne : « Je ne vois pas de raison de ne pas reprendre des entretiens en physique prochainement. Contrairement à l'Allemagne ou aux États-Unis, la structuration des territoires nécessite plus de voyages. La grande majorité des candidats en France sont à Paris. Certes, le distanciel a des côtés pratiques, implique moins de logistique, mais je fais partie de ceux qui ont hâte d’une reprise régulière des contacts humains avec les clients, les collègues et les candidats », avance Éric Bach.
Freelancing et concurrence des start-up
Autre modification qui témoigne de la tension sur les recrutements : un recours inédit au freelancing, même dans les plus gros cabinets, pour pallier le manque de consultants (relire nos articles ici, ici et là).
Ainsi de ce consultant inscrit depuis 2020 sur trois d’entre elles, One Man Support, NC Partners On demand et Weem, qui, pas plus tard que le 18 juin, se retrouvait sollicité par Bain pour une mission à Dubaï… alors qu’il n’avait jamais été appelé avant !
Enfin, ultime facteur de pression sur les recrutements dans le conseil en stratégie, les envies de quitter le secteur qui peuvent être nourries par des offres canons dans des corporates ou dans des start-up et scale-up qui ciblent spécifiquement des profils issus de majors de la stratégie (relire notre article).
Autant dire que la pression sera forte dans les mois à venir. Comme chez Ares & Co qui doit lui aussi atteindre des objectifs de recrutement un peu plus élevés, comme le confie à Consultor Florian Harrault, principal en charge du recrutement au sein du cabinet : « Sur 2021, nous visons de recruter une dizaine de talents ».
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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France
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À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.
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- 30/10/24
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