CV : les ressorts de la grande machine à écrémer
Quelques dizaines, des centaines, voire des milliers de CV sont envoyés chaque année aux cabinets de conseil. Une masse de candidatures qu’il faut manager au quotidien… S’il existe de nombreux outils d’aide au recrutement, les cabinets de conseil en stratégie en France semblent étonnement privilégier un recrutement à l’ancienne, manuel. Et ce, que ce soit dans les cabinets de moins de dix consultants ou de plus de deux cents. Explications.
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La gestion des candidatures est un enjeu majeur pour toute entreprise. Elle l’est d’autant plus dans le secteur du conseil en stratégie qui nécessite des profils à haute valeur ajoutée, dans un contexte où le turn-over reste élevé, entre 20 et 30 %.
Les e-outils de plus en plus performants pour l’accompagnement au recrutement se sont démultipliés, intégrant de nouvelles techniques de reconnaissance automatique, de tri sémantique, ou même « d’aspiration » à partir du Web, par exemple CVTracker.
Des dizaines de plateformes existent pour l’aide à la gestion des CV, à l’instar des plus connus, HumanSourcing ou Candidatus.
D’autres plateformes Web proposent de sélectionner les candidats en fonction de compétences ou de qualités prédéfinies, telles que Applied, que L.E.K consulting utilise dans certains de ses bureaux à l’international.
Autre outil innovant, et pour le moins original, l’utilisation d’un jeu vidéo dans le circuit de recrutement chez McKinsey Londres pour tenter de découvrir des « perles » non identifiables dans le process classique, ne requérant ni connaissance business ni compétences particulières.
Le but, jauger la personnalité, la capacité d’adaptation et d’analyse du candidat dans une situation inattendue et sensible. Le cabinet devrait étendre le test à d’autres pays, avant que ce programme pilote ne soit officiellement généralisé dans tous les process de recrutement.
Gérer l’afflux des CV
À Paris, certains cabinets se saisissent de ces outils. Des pilotes existent chez Oliver Wyman à l’international pour les tester. Sans qu’il soit prévu d’en étendre l’utilisation pour le moment. « Il n’y a pas de volonté de généralisation pour l’instant. Ces outils apparaissent moins pertinents pour le marché français. Nous préférons le travail manuel et humain, privilégier les contacts directs, même s’il nous arrive de réaliser des premiers tours en visioconférence à la demande des candidats », tempère Éric Bach, partner d'Oliver Wyman à Paris.
Dans leur ensemble, les bureaux français de cabinets internationaux ou les cabinets français privilégient encore un recrutement manuel, à taille humaine. Par choix ! « Nous arrivons à gérer le flux tant en termes de volumétrie que de ciblage. Nous ne ressentons pas le besoin, ni l’envie, de faire réaliser ce travail par des machines » confirme Éric Bach, alors même que le bureau parisien d'Oliver Wyman reçoit environ 3 000 CV chaque année…
Même son de cloche du côté d’Ares & Co et de son manager en charge du recrutement, Florian Harrault, qui passe en revue pas moins de 500 CV par an. « Pour l’instant, je m’en charge sur le temps que je consacre à l’interne, mais nous envisageons d’automatiser prochainement certaines tâches, par exemple la recherche de disponibilité des managers pour fixer les interviews. »
Chez Courcelles, c’est l’office manager, Séverine Nedelec, qui réceptionne chaque semaine la dizaine de CV reçus par le cabinet, et les répartit en fonction du type de candidature (stagiaires, juniors/seniors). « Pour les CV de stagiaires, soit environ un quart de l’ensemble des CV, nous avons un consultant dédié qui filtre les candidatures. En ce qui concerne le recrutement des consultants, c’est un des associés qui se charge de sélectionner les meilleurs profils. »
Un trio partner-manager-consultant pour chaque école cible
La sélection peut être d’autant plus ardue que les CV sont issus de sources diverses : écoles partenaires, réseaux sociaux, et en premier lieu, LinkedIn, mais aussi candidatures spontanées, ou envoyées via des chasseurs de têtes pour des profils seniors.
Alors bien sûr, les CV, comme les lettres de motivation, obligatoires, se doivent d’être impeccables, tant sur le fond que sur la forme. On y trouve bien entendu les diplômes des plus grandes écoles cibles. Sur la forme, certaines erreurs éliminatoires ne sont pas rattrapées par un bon diplôme : les mauvais copier-coller et les contenus plats sont rédhibitoires…
Chez Oliver Wyman, ce sont ainsi 1 500 CV provenant des canaux des écoles partenaires qu’il faut analyser pour tenter d’identifier les perles rares de l’élite. Des trios de partners-managers-consultants sont dédiés pour chacune de ces écoles (X, Centrale-Supelec, Mines, Ponts, HEC, ESSEC, ESCP, et également EDHEC, EM Lyon ou TelecomParis).
« Ces CV et les lettres de motivation associées sont, dans ces cas-là, plutôt de bonne qualité, standardisés. Nous regardons l’expérience et l’intérêt de l’expérience. Nous sommes vigilants aussi à la façon dont le candidat a été proactif pour obtenir des expériences opérationnelles et être exposé au monde de l’entreprise », prévient Éric Bach.
Dans ce cabinet, moins de 30 % des candidats passent cette première étape couperet du CV.
À ceux-ci se rajoutent les 1 500 CV reçus via les autres canaux avec des profils beaucoup moins normés. « Ce type de CV nous semble moins pertinent même si nous les étudions tous, mais avec des critères de sélection encore plus drastiques. Il est très difficile, par rapport à la volumétrie des CV, d’imaginer trouver une ‘’perle’’. Concernant les profils expérimentés, c’est très différent, nous réalisons des ciblages volontaires sur des personnes spécifiques. »
L’hyper sélectivité n’est pas une question de taille
Même sélectivité a la mano dans un cabinet de plus petite taille : Ares & Co. Cette sélectivité artisanale permet là aussi de vérifier les écoles et d’ajouter une touche plus qualitative.
« J’apporte aussi une attention toute particulière à la lettre de motivation, à l’envie, au parcours, à la motivation bien justifiée, à la bonne connaissance du cabinet », complète Florian Harrault.
Avec encore moins de CV sélectionnés que chez Oliver Wyman : sur 500 CV reçus, seule une centaine de candidats accèdent au premier tour des interviews (25 % environ). De même chez Courcelles : cette première étape de sélection est tout aussi intraitable, car seulement deux ou trois CV sur dix font l’objet d’entretiens avec des consultants et associés.
1%
Du CV à l’embauche, le parcours est donc long et à multiples obstacles. Et les recrutements se font rares.
Courcelles, un cabinet qui ne cherche pas à grandir quantitativement en termes de consultants, recrute entre zéro et une personne sur cinquante CV, en fonction seulement des départs. Chez Ares&Co, sur les 500 CV annuels reçus, une dizaine de recrutements par an est réalisée sur l’ensemble de la pyramide des consultants. Oliver Wyman effectue seulement entre 50 et 70 embauches sur les 3 000 CV reçus, dont vingt à vingt-cinq juniors et une vingtaine de stagiaires.
« Nous n’avons pas d’objectifs quantitatifs en fonction des écoles. Nous cherchons juste la bonne proportion entre écoles de commerce et d’ingénieurs, et nous portons notre effort et nos actions particulièrement sur les ingénieurs, car ils sont moins attirés par le conseil », complète Éric Bach.
Au final, 1 à 2 % des CV envoyés aboutissent à un recrutement.
Barbara Merle pour Consultor.fr
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