Pendant que PwC tente d’avaler Booz, EY digère Greenwich Consulting
La planète conseil ne tourne pas seulement autour des grandes opérations censées transformer radicalement le paysage du secteur
Avant que PriceWaterhouseCoopers n’annonce fin octobre la signature d’un accord avec Booz en vue d’un rachat, EY avait réalisé, cet été, l’acquisition de Greenwich Consulting.
- Coulisses – EY : comment le coup d’après se prépare
- Split EY : une pause et de nombreuses questions
- Itw du président de PwC : « La scission audit-conseil, qu'apporte-t-elle ? »
- Assemblée nationale : à gauche, la séparation de l’audit et du conseil dans le viseur
- Big Four + conseil = je t’aime, moi non plus (le retour)
- EY : la scission du conseil et de l’audit entre dans le vif du sujet
- Dans les coulisses du lancement de GSG, la marque de conseil en stratégie de KPMG
- « Doubler le nombre de partners consulting en quatre ans » (Sami Rahal, CEO Deloitte France)

Goutte d’eau et grain de sable
Ce cabinet, fondé en 2001 à Paris, s’était spécialisé dans le conseil en management sur des questions marketing et IT pour les télécoms et les médias. Avec 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, neuf bureaux (Düsseldorf, Lisbonne, Londres, Luanda, Munich, New York, Paris, São Paulo et Stockholm), pas plus de 130 consultants, dont 80 en France, GwC est une minuscule goutte d’eau dans l’océan d’un Big Four : il faut ici rappeler qu’EY, en 2013, c’est 25,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 167 000 employés dans le monde, et en France, parmi les 4500 employés, 700 font partie de la branche conseil EY Advisory qui réalise 263 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit 33,8 % des 778 millions du CA pays.
L’acquisition d’EY serait donc totalement anecdotique si plusieurs éléments n’avaient retenu l’attention,qui peuvent permettre d’éclairer la logique de développement des Big Four dans le conseil, mieux que l’analyse d’un énorme deal.Partons de cette observation générale : Greenwich est spécialisé dans les télécoms ; or, EY a audité récemment en France, d’après ses rapports de transparence 2012 et 2013, France Télécom, Bouygues et SFR ! Autrement dit, l’acquisition revient à tuer le business de la cible. Ce qui pose deux questions : pourquoi le Big Four ne semble-t-il accorder aucune importance aux problèmes posés par les conflits d’intérêts ? Et pourquoi les équipes de Greenwich acceptent-elles de s’offrir à un prétendant qui leur demande de couper tous les ponts avec leur famille commerciale ?
Par-delà CAC et channel one
« Il y a une part de leur chiffre d’affaires qui concerne des clients pour lesquels nous sommes CAC –dans notre jargon ‘channel one’ –et nous en avons tenu compte dans le deal », reconnaît Éric Mouchous, associé responsable de l'activité conseil d'EY en France, au Maghreb et au Luxembourg.Il a plusieurs arguments à opposer à l’importance de cet « overlap » qu’on retrouve dans toute acquisition d’un groupe de conseil – sans doute rarement à ce niveau. Tout d’abord, les télécoms ne sont pas terres maudites ad vitam aeternam : « Nous ne sommes pas commissaires aux comptes à vie chez un client. » Et pas seulement du fait des nouvelles réglementations qui pourraient accélérer la rotation des CAC. On peut ainsi noter le cas de Maroc Télécom, qui va sortir de l’orbite SFR, avec sa vente par Vivendi. Une fois la cession finalisée, EY Advisory pourra y tenter sa chance.
Éric Mouchous rappelle aussi qu’EY n’est revenu vraiment dans le conseil que depuis 2006 et que la marge de développement reste considérable. « La part de marché qu’on peut avoir en France en commissariat aux comptes dans le CAC 40 est sans doute plus importante que celle qu’on aurait en Angleterre ou ailleurs. Mais, à l’inverse, notre taille est relativement modeste. » Dernier argument pour minorer l’importance de ces questions de conflits d’intérêts : « Les cabinets multidisciplinaires qui ne sont pas des Big Four ont des problèmes analogues entre leurs propres métiers. »
« Nous avons racheté des équipes »
Côté cible, il lui semble que les équipes de Greenwich ont été intéressées par la prolongation et l’accélération d’une volonté d’internationalisation et de diversification mise en œuvre depuis déjà plusieurs années. Les nombreuses ouvertures de bureaux, les expériences de Wight Consulting, branche spécialisée dans les services financiers, et de Kalea Consulting, orientée marketing opérationnel pour la distribution, illustrent ce mouvement – quoique certains détails semblent montrer que ces tentatives n’ont pas toujours été couronnées de succès. Le recrutement, en 2012, de Nicolas Clinckx, ancien d’Oliver Wyman, spécialiste des utilities, avait participé aussi à ce mouvement. Là encore, la question des conflits d’intérêts ressurgit, puisqu’EY audite GDF-Suez, encore une fois un ancien grand compte de Greenwich Consulting.
Éric Mouchous résume : « Nous avons racheté des équipes, hyper spécialisées et hyper compétentes. » Tout l’enjeu étant ensuite de fidéliser et de retenir des individus très mobiles. « Est-ce que les gens vont se sentir bien ? Est-ce qu’ils vont être motivés et parier sur leur avenir chez EY ? » Une certitude que l’on peut beaucoup plus facilement ancrer à l’échelle d’un petit cabinet comme Greenwich et dans le cadre local où les managers entretiennent des relations personnelles directes.
Le contraire donc d’une énorme opération comme la fusion PwC-Booz. Est-ce que ce mariage peut marcher ? « Je ne sais pas. Ce ne sont pas des intégrations simples. » Tout en reconnaissant que son groupe a examiné, au niveau des équipes EMEA, le dossier Roland Berger, Éric Mouchous ne paraît pas convaincu. En général, concernant ce type d’opérations de croissance des Big Four, « si c’est ajouter une sister company qui continue à vivre comme avant, je ne suis pas très sûr que le business plan soit viable. » Plus qu’une vision du conseil qui ferait la part belle aux perspectives de convergences globales entre Big Four et autres, il lui semble que ces opérations répondent à des enjeux locaux. « Sur Paris, Booz, plutôt qu’un bureau, c’est une staff location managée depuis ailleurs. À l’inverse, peut-être que cela donnait des positions fortes aux US ou ailleurs. »
Une approche régionale plus pertinente sans doute pour expliquer les diverses stratégies de croissance. Plus que de développer son activité de conseil, l’acquisition de Booz par PwC comblerait le gap qui le sépare de Deloitte, bien mieux implanté aux Amériques. Et pour qu’un Big Four conclue avec Roland Berger, encore faudrait-il qu’il souhaite se renforcer décisivement en Europe, pari qui paraît peu d’actualité dans le contexte économique du continent !
Jérémy André pour Consultor, portail du conseil en stratégie- 13/11/2013
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
France
- 15/09/23
Les équipes du cabinet McKinsey Paris vont déménager au deuxième trimestre 2024 dans le bâtiment « Carré Invalides » appartenant à AG2R La Mondiale.
- 12/09/23
Le cabinet Advancy a annoncé la promotion d’un nouvel associé au sein de son bureau parisien.
- 08/09/23
Le senior partner du pôle Banque & Assurance, Florent Jacquet, 51 ans dont 25 ans de maison Simon-Kucher, devient le premier senior advisor du bureau parisien de ce cabinet historiquement axé pricing.
- 22/08/23
Gros changement du côté du branding pour le groupe Kéa. Le cabinet de conseil en stratégie Kéa et Partners supprime l’anglicisme dans son nom, et s’épure, en devenant Kéa, afin de « signifier notre appartenance française et européenne », confirme à Consultor Sophie Combes, senior partner du groupe.
- 11/08/23
Ce sont cinq associés qui sont cooptés au sein de l’entité stratégie de PwC, Strategy&, pour accompagner la croissance des activités du cabinet : Anna Cohen (corporate strategy), Jonathan Heasman (transformation), Guillaume Jean (sustainability), Laurent Magne (M&A transformation), et un transfert interne, Pierre-Antoine Balu (Financial Services).
- 09/08/23
Nouvelle prise de participation pour Kéa, la 7èmeen deux ans, dans le cabinet de conseil, spécialisé sur le Private Equity, Neovian Partners. Et ce après avoir annoncé en mai dernier l’acquisition du studio de design global et d’innovation Souffl.
- 07/08/23
Le cabinet EY-Parthenon a procédé à deux promotions de partners pour son entité Strategy, avec un axe fort sur le secteur des TMT.
- 02/08/23
Fabrizio Bertozzi, expert pré/post deal M&A, plan de création de valeur et projets de transformation stratégiques, est promu Partner Strategy et Opérations chez Eight Advisory, cabinet qu’il a rejoint il y a 5 ans.
- 31/07/23
Revenu au printemps 2022 chez Roland Berger après une première expérience dans les années 2010, Alexis de Peretti vient d’y être promu partner au sein de la practice TMT.