Itw du président de PwC : « La scission audit-conseil, qu'apporte-t-elle ? »
Alors qu’EY annonce qu’il fera atterrir la colossale séparation de ses activités de conseil et d’audit au premier semestre 2023, les trois autres Big Four (PwC, Deloitte, KPMG) n’en démordent pas : la séparation, très peu pour eux. Patrice Morot, le président France de PwC, et Christophe Desgranges, partner en charge du conseil en stratégie, le réaffirment dans une interview à Consultor.
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Consultor : EY a surpris tout son monde en annonçant qu’il se lançait dans la séparation de ses activités de conseil et d’audit. Le cabinet assure même que tous les Big Four y viendront. Côté PwC, c’est toujours non ?
Patrice Morot : Nous sommes tous convaincus que le modèle pluridisciplinaire est le bon. C’est un modèle résilient, la crise covid nous l’a montré. Il n’y aurait aucun avantage à notre sens à être le premier à bouger sur ce sujet.
Christophe Desgranges : Quelle nouveauté cette scission apporte-t-elle ? De pure players de l’audit, il en existe déjà. Des pure players du conseil aussi.
EY défend que la séparation apporte une croissance plus rapide côté conseil et met un point final aux éventuels conflits d’intérêts entre activités réglementées de commissariat aux comptes et les autres lignes de services. Ces arguments ne tiennent-ils pas à vos yeux ?
Patrice Morot : Nous, en conseil, en France, nous réalisons une croissance de notre activité à deux chiffres tous les ans. Ce qui nous limite, ce n’est pas le cumul d’activités d’audit avec des activités de conseil. Nous ne sommes pas non plus empêchés par notre capacité à investir – nous le faisons à hauteur de 12 milliards de dollars dans le cadre du plan stratégique mondial en cours. Ce qui nous limite, ce sont bien les recrutements. Nous regardons le marché en permanence pour identifier les sociétés de conseil que nous pourrions acquérir. Nous avons installé un comité d’investissement, nous avons une cinquantaine de chasses de têtes de partners en cours en audit et en conseil. Ce n’est pas parce que nous ferions une scission que, tout d’un coup, nous ferions un bond de 30 % sur le conseil.
Christophe Desgranges : Nous passons déjà notre temps à faire des arbitrages et à limiter les missions que nous pouvons accepter. La séparation n’y changerait rien et la pénurie de talents ne se résoudrait pas d’un coup.
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Après qu’EY a annoncé son plan de scission de ses activités d’audit et de conseil, le modèle pluridisciplinaire des géants de l’audit est remis en question. Dans l’immédiat, le marché se prépare à l’arrivée d’un nouveau concurrent.
Comment avez-vous réagi à titre personnel en apprenant la nouvelle ?
Patrice Morot : J’ai été surpris. Parce que six mois plus tôt, EY défendait également le modèle pluridisciplinaire. Il y a deux approches : une génération de partners qui monétise ce qui a été construit par plusieurs générations avant elle ; des firmes qui continuent à chercher à devenir plus solides pour les générations suivantes. Je défends résolument cette seconde position.
PwC a rapidement indiqué que vous resteriez fidèles à un modèle pluridisciplinaire. Cette ligne a-t-elle fait immédiatement consensus en interne ou y a-t-il eu de la discussion ?
Patrice Morot : Honnêtement, peu ou pas. Idem chez les clients : je ne me souviens pas d’un client qui nous ait dit « Ah, super ce que fait votre concurrent ! » J’ai simplement dit à mes partners « concentrez-vous sur les opportunités business, une opération de cette ampleur est très longue et complexe à faire atterrir ».
PwC a également indiqué que, par ricochet, justement sur les recrutements, la séparation d’EY pourrait lui bénéficier et faire venir à vous des talents. L’observez-vous déjà en France ?
Patrice Morot : Nous recevons des partners et de consultants d’EY, cela pourrait en effet être une opportunité pour nous. Elle reste à confirmer.
Christophe Desgranges : Ce qui est sûr, c’est qu’une scission de cette ampleur est énorme à concrétiser. Elle crée nécessairement de l’incertitude, et vous restez en tant que groupe longtemps en suspens jusqu’à la clôture effective de l’opération.
Ne redoutez-vous pas, comme ils ont pu le faire à plusieurs reprises par le passé, que les régulateurs anglo-saxons reviennent à la charge sur la nécessité de séparer vos activités ?
Patrice Morot : On le suit de près, bien sûr. Les régulateurs regardent ce sujet et des améliorations ont déjà été apportées dans le cantonnement d’activités diverses au sein des Big Four. Au-delà, on ne voit pas d’intention d’aller plus loin à ce stade.
Pourtant, des audits erronés, Wirecard, Luckin Coffee, NMC Health PLC, avaient conduit le régulateur britannique de l’audit à menacer les Big Four d’une interdiction de tout service extra-comptable à leurs clients…
Patrice Morot : Je ne crois pas qu’il y ait eu des ratés d’audit au sens d’un problème d’indépendance des auditeurs vis-à-vis d’autres métiers de Big Four.
La directive de Michel Barnier, le texte actuellement en vigueur au sein de l’Union européenne pour réguler le marché de l’audit, interdit de dépasser un certain plafond maximum de conseil auprès des clients audités. Dans les faits, lorsque vous êtes CAC d’un client, quels types de conseil vous autorisez-vous auprès de lui ?
Patrice Morot : Lorsque vous regardez les honoraires de services non-audit auprès des clients dont nous sommes les CAC, cela reste limité en France. La gestion du channel 1 (les métiers réglementés, ndlr) et du channel 2 (les métiers non réglementés, ndlr), nous la pratiquons depuis des années. Nous savons la gérer.
Christophe Desgranges : Plus encore, il y a tellement de business hors des clients dont nous sommes les CAC, que passer des heures carrées à devoir naviguer des réglementations complexes pour servir marginalement des clients audités n’est économiquement pas très pertinent.
En France, une parlementaire de la Nupes, Charlotte Leduc, préconise, elle aussi, de scinder les activités des auditeurs et les consultants. Comment percevez-vous son initiative ?
Patrice Morot : Il faut commencer par bien comprendre ce que nous faisons déjà. Est-ce que la scission permettrait de mieux prévenir d’éventuels conflits d’intérêts ? Nous, nous défendons nos processus, les réglementations déjà extrêmement strictes qui s’appliquent à nous, les surveillances multiples dont nous sommes l’objet. À notre sens, la séparation n’apporterait pas plus de qualité ou de respect à la règle. S’il devait y avoir un jour une séparation, il faudrait que ce soit au niveau européen, et en accord avec les régulateurs si on veut éviter un simple effet d’affichage.
Strategy& vient de remporter un important marché de conseil en stratégie pour la centrale d’achat du secteur public, l’Ugap. En plein bad buzz sur McKinsey, ne redoutez-vous pas la mauvaise presse que cela pourrait vous apporter ?
Christophe Desgranges : Lorsque la commission d’enquête du Sénat nous a interrogés sur nos activités dans le secteur public, notre exposition était à ce point marginale que nous n’avons pas été entendus. Cela dit, certains de nos clients sont dans le public ou le parapublic, et répondre à cet appel d’offres nous semblait en adéquation avec ces engagements que nous avons déjà, tout particulièrement avec les collectivités territoriales. C’est d’ailleurs plus à ce niveau-là que nous souhaitons être. Ce qui nous a amenés à ne pas répondre à l’appel d’offres de la DITP (le marché-cadre pluriannuel de conseil auprès de l’État en cours de passation par la Direction interministérielle de la transformation publique, ndlr).
Ces deux ans de polémiques ont quasi fait de « consultant » un gros mot, qu’en pensez-vous ?
Patrice Morot : Il ne faut pas considérer que recourir à des expertises extérieures à une organisation est mauvais par essence. Que vous soyez une entreprise ou une organisation publique, vous ne pouvez pas avoir toutes les expertises en interne. Les faire venir du dehors amène nécessairement quelque chose. Je suis triste de voir que cette profession est présentée négativement sans voir ce qu’elle apporte. C’est une industrie forte, qui recrute, forme et apporte de la valeur.
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