Les services financiers dans le conseil en strat : fin de règne ?
Depuis 3 ans, le secteur banque et assurance n’est plus le premier consommateur de conseil en stratégie en France. Structure ou conjoncture ? Nous avons interrogé les chiffres, Mehdi Messaoudi (Ares&Co) et Nicolas Darbo (Accuracy) sur la question.
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Les faits : une baisse relative au sein d’un marché en expansion
Une réglementation complexe et mouvante, des transformations technologiques considérables, des questions vitales de cybersécurité, une redéfinition des modèles de distribution, des enjeux financiers énormes, et bien d’autres défis… Le travail de stratégie ne manque pas de motifs d’intervention dans la banque et l’assurance.
Pour en savoir plus sur l’évolution du marché français, nous disposons des chiffres du Syntec Conseil. Ceux-ci amalgament cependant conseil en stratégie et en management. Selon ces données, la part des services financiers dans la demande du sous-secteur en France serait au plus bas depuis 2003, à 23 %. Le point haut avait été atteint en 2016 (autour de 33 %). Entre 2000 et 2021, banque et assurance ont été les premiers clients du conseil en stratégie et management pendant 19 années sur 22. Depuis 2022, l’industrie est passée devant, et atteint désormais 31 %, son plus haut niveau du siècle.
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Selon l’étude annuelle de Syntec Conseil, en 2025 le secteur du conseil en stratégie et management devrait connaître une croissance comprise entre -2 et + 1 %, après une année 2024 de stagnation. L’analyse de son président, David Mahé.
La part relative des services financiers dans la demande française de conseil en stratégie et management recule donc, mais cela ne veut pas dire qu’elle recule en valeur absolue. D’après nos calculs à partir des données Syntec, l’activité « stratégie et management » a augmenté d’environ 64 % entre 2012 et 2024, hors inflation. En résumé, les services financiers sont passés en 8 ans du tiers à moins du quart de la demande en conseil en stratégie en management, dans un contexte de marché en expansion – en tout cas jusqu’à 2024.
Effet de cycle et rééquilibrage
Pour Nicolas Darbo, partner et chargé du secteur des services financiers au sein des équipes stratégie d’Accuracy, « il est possible effectivement que le poids de la partie “services financiers” se soit un peu réduit ces deux dernières années, mais il s’agit essentiellement d’un phénomène cyclique. » Pour Mehdi Messaoudi, Chief Operating Officer d’Ares & Co, plusieurs raisons pourraient expliquer un recul relatif. « Dans les autres secteurs, la transition énergétique, la relocalisation industrielle et la digitalisation créent de nouveaux relais de croissance pour le conseil. » Même si ces questions affectent également la banque et l’assurance : « Pour autant, la banque-assurance reste un pilier stable, avec des besoins renouvelés autour de l’IA, la finance durable, la cybersécurité… Les assureurs en particulier continuent d’investir fortement. La banque-assurance a longtemps été le premier secteur client du conseil en stratégie, représentant jusqu’à un tiers du marché français. Aujourd’hui, sa part relative s’érode légèrement, non pas par désintérêt, mais parce que les grands programmes, notamment réglementaires post-crise financière sont arrivés à maturité. Il ne serait pas forcément surprenant qu’après 15 ans, il y ait un rééquilibrage par rapport aux autres secteurs. »
Les services financiers présentent en outre un désavantage structurel par rapport aux autres secteurs de la demande : « Les clients de la banque et de l’assurance sollicitent moins les cabinets sur des missions de réduction de coûts, à la différence de l’industrie. » Et des cycles propres au secteur pourraient accroître le recul actuel, comme le souligne Nicolas Darbo : « Il y a un effet conjoncturel ; les années 2023-2024 ont été difficiles pour les banques françaises sur le plan des revenus. Elles ont réduit leurs dépenses, dont les dépenses de conseil. Cette année, les résultats sont meilleurs, depuis 2 trimestres. Je constate que le recours des banques au conseil augmente à nouveau. Hors impact de l’IA, difficile à mesurer à ce stade, je ne pense donc pas que la baisse des années 2023-2024 soit un phénomène durable. »
Réglementaire vs stratégique : des dynamiques différentes
En entrant un peu plus dans les détails de fonctionnement du marché des services financiers, d’autres facteurs apparaissent, qui peuvent atteindre différemment les cabinets selon leur exposition. « Parmi les 6 grandes banques françaises, certaines ont davantage tendance à réduire les prestations quand la conjoncture est difficile ; les cabinets les plus diversifiés en nature de clients ont moins souffert », précise encore Nicolas Darbo. Les stratégies d’internalisation des banques et assurances jouent également : « Sur le long terme, BNP Paribas achète sans doute moins de conseil qu’il y a 10 ans, ne serait-ce que parce qu’ils ont plusieurs centaines de consultants en interne ! »
Tous les types de demandes ne sont pas concernés dans les mêmes proportions. « Les missions de conseil dans les banques entrent dans deux grandes catégories. Il y a une partie très réglementaire, tirée notamment par les demandes de la BCE. Et il y a un deuxième volet plus stratégie et développement. C’est celui-ci qui est le plus sensible aux cycles, et qui s’est un peu réduit en 2023-2024. » En effet, les missions et profils mobilisés ne sont pas les mêmes. « La partie réglementaire nécessite des compétences techniques précises, que les équipes internes des banques ne maîtrisent pas toujours. La partie stratégique est plus qualitative et requiert des compétences un peu moins pointues. Les banques sacrifient plus facilement ce volet-là du conseil en stratégie, ou l’internalisent. Les consultants de BNP Paribas, par exemple, font surtout de la stratégie métier. » L’externe sera plus volontiers mobilisé sur les sujets les plus techniques ; ceux-ci « requièrent des profils d’experts spécifiques qui ne seraient pas mobilisés en permanence s’il fallait les embaucher ». En résumé, « structurellement, la partie stratégie est davantage soumise à des cycles et plus facilement internalisable ; elle a donc pu être amenée à se réduire un peu dans l’activité des cabinets de conseil en stratégie ».
Banque et assurance sont-elles également concernées par ces deux champs de prestation ? Selon Nicolas Darbo, « chez les assureurs, la partie réglementaire est davantage traitée en interne, via des équipes d’actuaires. La demande porte donc davantage sur la stratégie, et subit davantage les cycles que la demande émanant des banques. »
Si les services financiers perdent des points en France par rapport à l’industrie en matière de demande de conseil en stratégie, en va-t-il de même du côté des vocations de consultants ? « Il y a quelques années, il y a eu un véritable engouement des candidats pour les services financiers dans le conseil en stratégie, se souvient Mehdi Messaoudi d’Ares & Co. Plus récemment, il y a eu la ruée vers les fintech, banktech, assurtech, qui est un peu retombée aujourd’hui. Il y a des modes, et il est peut-être un peu plus difficile de trouver aujourd’hui des profils intéressés par les services financiers. Mais en même temps, tous les cabinets ont du mal à recruter en règle générale. » Rien de très net donc. Nicolas Darbo d’Accuracy est quant à lui très positif : « Nous ne représentons pas tout le marché : d’autres cabinets peuvent avoir d’autres ressentis. Mais pour nous, les services financiers restent un secteur prioritaire, et nous estimons qu’il y a encore de la marge de développement. Nous continuons à recruter. »
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