État : exit les consultants, bonjour les inspections
Le think tank qui regroupe 150 hauts fonctionnaires, qui avait déjà plaidé voilà un an pour la multiplication d’équipes de consultants internes, appelle à présent à mobiliser davantage les inspections internes à chaque ministère.
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« Le recours des administrations aux apports d’expertises externes : une pratique contestée, éclairer le débat. » Telle est la problématique devenue récurrente à laquelle Le Cercle de la Réforme de l’État tente de répondre dans une nouvelle note de recommandations, un an après avoir publié un premier rapport qui appelait à multiplier le nombre des consultants internes.
Ce think tank indépendant, rassemblant des responsables des administrations, des chercheurs, des universitaires et des experts de l’action publique, qui travaille sur l’efficacité de la gestion et des politiques publiques, a ainsi formulé son champ de réflexion sur une possible internalisation de certaines missions de conseil : comment les Inspections générales et Conseils généraux (IG/CG), en pleine transformation, pourraient contribuer à l’internalisation du conseil et à constituer ou renforcer « la force de frappe » de consultants internes au sein de l’administration ? Pour quels types de missions, selon quelles modalités et quels en seraient les prérequis ? Et plus globalement, comment construire une offre de conseil interne au secteur public structurée et lisible ?
Cette 3e note sur le sujet - depuis 2 ans - confirme l’opportunité de l’internalisation d’une partie des prestations de conseil externes « en vue de permettre à l’État de retrouver une véritable capacité stratégique, autonome et indépendante », comme l’indique le Cercle dans sa dernière note, qui ne cache toutefois pas les difficultés.
« Toutefois, la multiplicité d’acteurs intervenant en conseil interne au sein de l’administration (inspections et conseils généraux, DAE, DITP, UGAP, cellules de conseil interne au sein des ministères…) ne facilite pas la lisibilité et la compréhension immédiate du “qui fait quoi”. »
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Après deux ans et demi de polémique sur le recours par l’État à des cabinets de conseil privés, l’Inspection générale des finances (IGF), mandatée en ce sens par la Première ministre Élisabeth Borne, a fait le tour des ministères pour vérifier la mise en œuvre des garde-fous qui leur avait été demandés par l’ancien locataire de Matignon, Jean Castex. Certes, le document publié début mars 2023 confirme la forte croissance des dépenses de conseil en stratégie. Il révèle aussi un certain nombre de missions inconnues à ce jour.
Profitant de l’évolution des Inspections générales (le décret du 9 mars 2022 prévoit l’extinction progressive des neuf corps et la création d’un corps unique des administrateurs de l’État) et de la fonctionnalisation des inspections générales interministérielles (IGF, IGA, IGAS), l’objectif serait donc de construire une offre de conseil interne lisible et structurée « au sein de l’administration avec une taille critique suffisante permettant la prise en charge de missions complexes et multidisciplinaires accessible directement aux commanditaires ».
Pourquoi ces corps en particulier ? Car, au-delà des missions d’inspection et de contrôle, les IG/CG, comme le rappelle le think tank, ont potentiellement vocation à exercer trois types de missions de conseil, que sont l’expertise, la stratégie et prospective, et l’appui.
Et ce, à plusieurs conditions : l’ouverture vers l’extérieur « pour renforcer l’impact et maintenir des prestations de haut niveau de qualité » en travaillant directement avec le monde académique et la recherche et « de tirer le meilleur parti des consultants externes avec des missions communes lorsque cela s’avère pertinent, en favorisant le dialogue entre tous les types d’acteurs, facteur de richesse et de création de valeur ».
Autres conditions sine qua non au succès de ces nouvelles entités de conseil internes : la formation des équipes sur ces expertises et la mise en place de méthodologies dédiées, la définition précise des missions des IG/CG et leur alignement sur les orientations stratégiques du ministère concerné, la clarification du mode de recours par les services de l’administration aux consultants internes, l’évaluation de la qualité de ces prestations de conseil internes, mais la mise en place d’un dispositif afin de leur garantir une totale indépendance.
« L’effectif global des IG/CG, les possibilités de recrutement externe ouvertes par la fonctionnalisation et les évolutions liées à la pyramide des âges, rendent possible la mobilisation de l’équivalent de 200 personnes sur des missions de conseil et d’appui », commente Le Cercle de la Réforme de l’État dans cette dernière note.
En mai dernier, dans son dernier rapport, la Cour des comptes avait pointé du doigt la mollesse de l’État en matière d’internalisation des missions de conseil, et le 10 juillet dernier, fait le point sur les achats de conseil, relevant un triplement des achats de conseil externes (hors informatique) entre 2017 et 2021, jugeant par-là même anormal l’appel encore trop systématique à des cabinets externes.
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