Comment Gemini Consulting, qui menaçait la suprématie de McKinsey, est redescendu de son nuage

 

Vu d'outre-Atlantique, le retour sur terre d’un ancien géant du conseil en stratégie Gemini Consulting, qui talonnait McKinsey en 1995, a aujourd'hui bien du mal à concourir dans l'industrie du conseil en stratégie (cabinet aujourd'hui fondu dans Capgemini consulting).

 

Consultor
05 mai. 2011 à 10:10
Comment Gemini Consulting, qui menaçait la suprématie de McKinsey, est redescendu de son nuage

 

Article original paru sur firmsconsulting.com, traduit et adapté de l'anglais par Consultor, avec l'accord des auteurs.

 

Histoire du cabinet et de ses dénominations successives

La société Gemini Consulting, filiale de Capgemini en charge de l’offre de conseil en management, a été créée 1991 via la fusion de plusieurs cabinets de conseil préexistants (avec un total de 1400 consultants dans le monde). Fondue dans Cap Gemini Ernst & Young en 2000 (lors de l’acquisition de la branche consulting d’Ersnt & Young en 2000), elle a été renommée Capgemini consulting lors de sa refilialisation en 2005.

logo_gemini_consulting    Capgemini-ernst-young-logo   Capgemini_logo_consulting

 

 

Grandeur et décroissance de Gemini Consulting

Au milieu des années 1990, Gemini Consulting était l’un des cadors de l’industrie du conseil. Il publiait des revenus et des marges en très forte croissance, embauchait les diplômés des toutes meilleures écoles et remportait quelques unes des plus belles missions de conseil en stratégie et management. Leurs analyses stratégiques étaient reconnues pour leur finesse et leur caractère novateur. A cette époque, beaucoup pensaient que Gemini Consulting avait les atouts pour remplacer McKinsey à la tête des cabinets de conseil.

Pourtant, dès 1999, Gemini Consulting avait déjà perdu de son éclat. Cette pente descendante s’est accélérée en 2001-2002, avec la grave crise qu’a traversée le monde du consulting (explosion de la bulle internet et scandale Enron). Aujourd’hui, il est difficile d'imaginer à quel point cette société a pu être puissante à partir de ce qu'il en reste ; « Les ruines de Rome semblent avoir été mieux préservées ».

Les 10 raisons de l'essoufflement de Gemini consulting

1 – Un business model inadapté

Le business model de Gemini Consulting est fondé sur la vente de missions de stratégie courtes et à prix réduit, l’objectif étant de préparer le terrain pour une longue mission d’implementation par Capgemini. 

Il y a plusieurs problèmes inhérents à cette approche. Tout d’abord, les conseils de Gemini Consulting sont biaisés : ils ont besoin de vendre leur mission d’implementation technologique pour pouvoir compenser le coût réduit de la mission de stratégie, ce qui entraîne des analyses aux qualités inégales – loin des McKinsey, BCG, Bain, et compagnie, qui considèrent la mission de stratégie comme un business case à part entière (et qui n’insistent jamais trop sur l’impartialité de leurs conseils).

2 – Une dépendance trop marquée aux effets de mode

Gemini Consulting a été, et est toujours, mené par la volonté de suivre les activités à la mode dans l’industrie du conseil. Le cabinet s’est construit sur la vague des missions de transformation (initiée par Michael Hammer) : conduire une refonte complète d’une entreprise, de la cave au plafond, sans négliger aucun département ni aucune activité. Gemini Consulting devint tellement associé à ces activités de transformation que lorsque celles-ci furent remises en question, Gemini Consulting fut touché du même désintérêt.

Et puis, combien d’entreprises voudraient passer par une refonte en profondeur de toutes ses activités ? Assez peu. Supposons qu’elles le veuillent, à quelle fréquence sont-elles susceptibles de faire appel à de telles missions ? Peu souvent. Finalement, ces missions douloureuses et dont les résultats ont été remis en question ne peuvent plus susciter beaucoup de demandes.

3 – La trop forte influence des équipes IT

90% de Capgemini est un immense magasin de technologie. Le cœur du top management de Capgemini peut notamment avoir tendance à refuser des missions de stratégie qui pourraient, si elles sont impopulaires, mettre en péril des missions bien plus larges et lucratives (c’est aussi un problème récurrent pour Accenture et les cabinets d’audit).

Un résultat inattendu de cet état de fait est que les restes des équipes de conseil en stratégie se trouvent dans des pays surprenants, où les équipes IT sont bien moins développées, comme par exemple l’Argentine ou l’Afrique du Sud. Ces rares ilots de consultants en stratégie n’ont plus rien à voir avec la maison mère, que ce soit en termes de ressources ou de culture.

Sans le contrepoids puissant que formaient les partners de Gemini Consulting dans les années 1990, les décisions d’investissement qui ne vont pas dans le sens de ce coeur économique que réprésente l’activité IT sont toujours plus difficiles à prendre. En outre, très peu de consultants en management ont une chance d’obtenir des postes importants dans l’entreprise.

4 – Des équipes qui ne se considèrent pas au niveau de McKinsey, BCG, Bain

Ce complexe d’infériorité transparaît dans leur culture, mais aussi dans leur travail. Voici une anecdote relayée par un candidat diplômé du MBA de Wharton, à qui l’interviewer de Capgemini à Londres a demandé : « pourquoi quelqu’un comme vous veut travailler chez Capgemini ? Ne préféreriez-vous pas McKinsey ? ». Nous aurions pu imaginer que le bureau de Londres soit plus sûr de sa force.

5- Des franchises dévalorisantes et peu contrôlées

Depuis quand un cabinet de conseil en management franchiserait sa marque ? L’image et la qualité de la marque sont tellement importantes dans le conseil en management qu’une entreprise qui franchiserait son nom ne comprend vraiment pas le secteur. Capgemini continue pourtant de le faire, en vendant plutôt cher (1 million de dollars par bureau) sa marque et ses bases de données.

Vous attendriez au moins d’un cabinet de conseil qui franchise sa marque qu’il mette en place des standards et des contrôles drastiques, et qu’il entretienne a minima quelques relations entre les franchisés et la maison mère. C'est pourtant loin d'être évident...

6 – Un cabinet trop français

Tout le top management de Capgemini est français, et les partners majoritairement américains de l’entité de conseil en management sont souvent évincés dans les jeux de pouvoir. La volonté de Capgemini d’affirmer sa spécificité franco-française (considérée en interne comme une force) ne sied pas du tout à un cabinet de conseil en management ambitieux, qui se doit d’être international sous tous les plans.

7 – Un marché européen sous-exploité

Gemini Consulting n’a pas été capable de tirer avantage de sa place centrale en Europe. Il a notamment négligé le marché de l’Europe de l’Est, dont de nombreux cabinets de conseil ont su tirer parti (Roland Berger le premier : McKinsey est le seul cabinet à pouvoir rivaliser avec lui sur ce marché).

8 - Gemini Consulting ne forme pas des leaders

C’est l’un des tests les plus importants des cabinets de conseil en management sur le long-terme : combien de membres de comités de direction en France ou parmi le Fortune 500 (les 500 entreprises américaines dont le chiffre d'affaires est le plus élevé) sont d’anciens de Gemini Consulting ? Vraiment peu (nos confrères américains ont vérifié).

9 – Un Knowledge Management très faible pour le consulting

C’est la colonne vertébrale des cabinets de conseil en management : avoir des données et des connaissances pointues, et les utiliser de manière opportune. Les centres de données de Capgemini sont une fois encore largement dominées par les problématiques technologiques : les données utiles au consulting ne sont pas systématiquement enregistrées et chaque bureau construit sa propre base de données, se gardant bien de la partager. C'est pourtant un point central dans les valeurs d'un cabinet de conseil en management.

10 – Une filiale sans stratégie pérenne, au potentiel mal exploité

Capgemini ne semble pas intéressé pour construire une véritable entité de conseil en management. Quand la conjoncture économique est bonne pour le conseil, Capgemini tire le maximum d’argent de cette activité ; quand elle est mauvaise, ils ferment des divisions entières de l’activité, perdant des ressources clés. Cela montre une croyance dangereuse de Capgemini, c'est-à-dire qu’il est aisé de réembaucher les meilleurs éléments quand la conjoncture s’améliore. Cette façon de faire empêche que la marque et la culture d’entreprise soit portée par les personnes clés.

Gemini Consulting était vraiment sur la route du succès ; toutes ses ressources, compétences et savoirs sont restés largement inexploités. Cette incapacité à  utiliser au mieux ses ressources élève bien des questions quant à la qualité des conseils stratégiques du cabinet.

 

Traduction et adaptation par Consultor à partir de l'article paru le 2 janvier 2011 sur firmsconsulting.com (published with the agreement of the authors)  - 06/05/2011

 

Consultor
05 mai. 2011 à 10:10
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