Vincent Bretin, chantre des PhD dans le conseil

Petit, il se rêvait chercheur en physique.

Il a donc fait une thèse en physique quantique sur les atomes froids. Pourtant, c’est au Boston Consulting Group qu’il va travailler pendant onze ans et y plaider la cause du recrutement des doctorants dans le conseil en stratégie. Aujourd’hui, il est directeur en charge du département des résultats à Unitaid, la structure hébergée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui finance des innovations de santé.

29 Mar. 2019 à 05:14
Vincent Bretin, chantre des PhD dans le conseil

Lorsqu’on lui demande s’il avait projeté le parcours professionnel qu’il s’est dessiné, Vincent Bretin s’exclame franchement : « Absolument pas ! ». Et pour preuve, le Corrézien d’origine, monté à Paris après le lycée pour intégrer une classe préparatoire puis Normale Sup, dont il sortira en 2001 avec une agrégation en physique-chimie, s’était tracé une carrière toute faite dès la découverte des sciences au collège.

« J’étais presque caricatural. Je voulais faire de la recherche en physique et ma scolarité a été entièrement focalisée là-dessus. » Sa thèse en physique quantique – sur les propriétés de certains états de la matière – se passe on ne peut mieux, « de nombreux résultats, un tuteur génial, une infrastructure remarquable » détaille-t-il.

Une vie de thésard, non merci

Et pourtant. Vincent Bretin s'aperçoit qu’il ne veut pas passer sa vie dans ce secteur. « Par certains aspects, la recherche m’est apparue assez lointaine des enjeux de société. Je me suis rendu compte que les carrières y sont plutôt linéaires. Or, j’avais besoin de stimulations différentes. Je voulais pouvoir évoluer, changer de type de postes, de métiers. »

L’idée du conseil en stratégie s’impose à lui. « Le secteur ouvre des portes en termes d’évolution de carrière et représente l’élite du conseil. » Il envoie alors sa candidature à différents cabinets de conseil... et n'obtient aucune réponse.

Pour le BCG et McKinsey, il fait passer son CV directement à d’anciens normaliens devenus consultants. Il en est persuadé, avec son parcours scolaire, cette cooptation lui a permis de ne pas être recalé. « Cela m’a aidé d’avoir fait une grande école, reconnaît-il. Si j’avais juste fait une thèse, je n’aurais même pas été reçu en entretien. »

Vincent Bretin aura une réponse positive et rapide des deux cabinets. De peu, il choisit le BCG, parce que « le courant passe davantage » avec les consultants. « Je me suis renseigné avant de passer les entretiens, j’ai parlé à beaucoup de personnes issues du conseil pour m'imprégner de la culture. J’ai potassé les études de cas, argumenté ma motivation. C’est encore plus important d’arriver préparé quand on a un profil “un peu exotique”. Cela montre que l’on n’est pas là par hasard. »

PhD : la stratégie wants you (not)

De sa thèse, Vincent Bretin apporte avec lui « la capacité à saisir des problèmes compliqués, à réfléchir de manière systémique, à travailler en équipe », confie-t-il. Mais il l’avoue, la transition vers le conseil n’a pas été évidente. Il est pourtant convaincu : « Il faut recruter dans les cabinets de conseil des profils de doctorants. Quel que soit le sujet, c’est une formation analytique très riche qui apporte énormément. »

En France, culturellement, « les cabinets de conseil restent très attachés aux recrutements dans les grandes écoles (de commerce et d’ingénieur, NDLR) », regrette-t-il. C’est pour cela qu’il a participé à la création du canal de recrutement PhD (pour doctorat) au BCG.

« Le cabinet avait la volonté de recruter en dehors des circuits classiques. Comme je faisais partie des rares exemples de docteur en physique, la personne en charge du recrutement m’a demandé mon avis. » Le BCG donne son accord de principe pour recruter ce type de profils et Vincent Bretin compte bien convaincre les sceptiques.

Il porte le projet d’un « campus PhD », à la manière des traditionnels « campus X » ou « HEC ». Dans un premier temps, l’objectif de l’ancien chef de projet est d’attirer les candidats. Rendez-vous donc à l’université Pierre-et-Marie-Curie Paris-VI « où les personnes en charge des carrières ont tout de suite accroché ! Nous avons fait une présentation devant une centaine de jeunes, que l’on a renouvelée chaque année ensuite. Et ça a marché puisque des doctorants ont candidaté ».

C’est Vincent Bretin qui, très souvent, les reçoit en entretien. « Et quand ce n’était pas le cas, je jetais un coup d‘œil à leur dossier et je parlais avec les recruteurs pour les aider à comprendre les profils, expliquer les différences de cultures. Spontanément, mes collègues venaient me poser des questions à ce sujet », se souvient-il.

« Il ne s’agissait pas forcément de pousser les candidats PhD, mais de s’assurer, en tout cas, qu’on ne les éliminerait pas pour les mauvaises raisons, qu’on leur donnerait leur chance. »

De zéro à quelques recrues par an

Résultat ? Une poignée (deux, trois parfois quatre) PhD recrutée au BCG par an. « En partant de zéro ou presque, ce n’est pas rien. » Ce rôle de recruteur vient s’ajouter à la diversité des missions de Vincent Bretin.

« La sensation d’apprendre constamment et le travail avec des personnes qu’on apprécie » sont autant de raisons qui le font rester onze ans au BCG. La grande majorité de ses projets sont liés à la santé, un domaine où il arrive « un peu par hasard, mais aussi parce que la science y joue un rôle important ».

Parmi les missions qui l’ont marqué, Vincent Bretin se souvient notamment d’avoir imaginé « comment un laboratoire pharmaceutique peut s’organiser pour s’interfacer avec des centres universitaires ou des start-up ». Ou encore, avoir travaillé pour l’OMS sur sa stratégie et son organisation dans le cadre de la lutte contre le VIH.

Puis, après tant d’années d’exercice, arrivé au grade de principal, exit le BCG et le conseil en stratégie : « Soit je restais encore pour dix ou vingt ans, soit je partais pour faire autre chose », confie-t-il. Mais même au moment de partir, le BCG et son pléthorique réseau font la différence.

Dans son cas, la rencontre avec des collègues qui travaillent avec Unitaid le propulse dans l’équipe de direction de l’agence onusienne, à la tête du département des résultats. Son rôle ? S’assurer que l’agence finance des programmes pertinents et qu’ils sont effectivement appliqués. Là encore, lourde adaptation entre le bureau du BCG à Paris et l’Unitaid à Genève.

Toujours prendre une feuille blanche à l'horizontale : ces vieux tics du conseil qui ne le lâchent plus

Il a notamment dû réapprendre le management auprès de sa nouvelle équipe constituée d’une dizaine de personnes. Pour s’intégrer à son nouvel environnement, s’adapter à des profils beaucoup plus divers que dans une société de conseil en stratégie (des économistes, des salariés onusiens qui vont régulièrement en déplacement dans des pays soutenus par l’ONU), l’ancien principal a pu s’appuyer sur des héritages du conseil en stratégie.

« Arriver à une réponse suffisamment robuste et convaincante en six semaines au lieu de six mois, c’est très utile dans le domaine de la santé, où on ne peut pas toujours se permettre d’attendre. »

Ou encore d’autres tics, plus anecdotiques, dont il est difficile de se défaire : « Je ne prends jamais une feuille blanche en format vertical, toujours horizontalement. Une vieille habitude des slides PowerPoint, s’amuse-t-il. Il n’y a que les consultants pour faire ça ! »

Audrey Fisné pour Consultor.fr

29 Mar. 2019 à 05:14
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commentaires (1)

Djibril consulting
29 Mar 2019 à 15:12
Beau parcours, beau mono

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