Légiférer sur le conseil ou pas ? L’Assemblée se déchire.
Mercredi 12 juillet, l’Assemblée nationale présentait les conclusions de 2 mois d’une enquête sur les dépenses de conseil des collectivités territoriales. Il en ressort un grand flou et les parlementaires appellent de leurs vœux une étude approfondie. En coulisses, le sort d’une proposition de loi pour encadrer les achats de conseil dans le secteur public est l’objet d’âpres tractations.
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Nicolas Sansu, député communiste de la 2e circonscription du Cher, et Marie Lebec, députée renaissance de la 4e circonscription des Yvelines, présentaient mercredi les résultats de leur mission flash sur les missions de conseil.
Durant 2 mois d’audition, plusieurs représentants des collectivités et des cabinets de conseil ont défilé au Palais Bourbon.
Deux mois d’auditions
Il y eut par exemple divers syndicats représentatifs, le Syntec notamment (avec qui l’échange fut plus que houleux de mémoire de parlementaires présents), des associations d’élus ou encore quelques cabinets, notamment des consultants secteur public d’EY.
Étaient également au centre des auditions les deux sénateurs artificiers d’une très médiatisée commission d’enquête qui, au premier trimestre 2022, avait mis le sujet sur les consultants au cœur de l’actualité.
Arnaud Bazin, sénateur du Val-d’Oise, président de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, et Éliane Assassi, sénatrice de la Seine-Saint-Denis, rapporteure de cette commission d’enquête, ont tous deux également été entendus.
Ces derniers appellent depuis de nombreux mois en vain au vote à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi (PPL) qu’ils ont fait adopter au Sénat le 18 octobre 2022. Cette PPL prévoit un arsenal de mesures visant à davantage de transparence sur les achats de missions de conseil dans le secteur public. Elle prévoit la publication, par ministère, des dépenses consacrées aux prestations de conseil (cette demande a, entretemps, été partiellement satisfaite par la création d’un « jaune budgétaire » voté dans la dernière loi de finances).
La PPL oblige aussi les prestataires, avant chaque prestation, à transmettre une déclaration d’intérêts à l’administration bénéficiaire.
Haro sur les menaces déclaratives
Une menace que le Syntec, le syndicat représentatif de la branche, prend très au sérieux. Il juge ces déclarations illégales a priori et menace de ne plus servir le secteur public si elles devaient être mises en œuvre, comme le rappelait encore lundi sur BFM, David Mahé, le nouveau patron du Syntec.
Une position défavorable à la loi très similaire à celle défendue par Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, interrogée mardi à ce sujet lors des questions au gouvernement à l’Assemblée.
Le ministre a rappelé, interrogé sur le rapport remis par la Cour des comptes lundi, que l’État a introduit de nouvelles règles régissant son principal marché-cadre de recours aux consultants (plafonnement, obligation déclarative, évaluation) et que le total des achats de l’État est déjà à la baisse depuis la publication d’une circulaire du Premier ministre en janvier 2022.
Guéguerre parlementaire sur l’opportunité d’une loi
Rien ne sert d’attendre, disent en revanche les parlementaires de l’opposition qui ont participé à la mission flash de l’Assemblée. « Nous divergeons sur la date à laquelle la proposition de loi sénatoriale devrait être inscrite à l’agenda de l’assemblée. Beaucoup de groupes parlementaires se sont exprimés pour qu’elle soit inscrite tout de suite – quitte à lancer en même temps le travail sur les collectivités », a indiqué Nicolas Sansu en conférence de presse.
Tout le sujet est là. Car, de son côté, Marie Lebec, la députée Renaissance qui présidait la mission, plaide pour qu’une loi soit votée plus tard, probablement au printemps 2024, mais en incluant les résultats d’une étude préalable approfondie sur ce que font les collectivités territoriales dans ce domaine.
Dépenses de conseil des collectivités, la grande inconnue
Un préalable qui, à l’entendre, sort renforcé des 2 mois de mission de l’Assemblée. Dans le bref rapport présenté mercredi, il en ressort un grand flou – analogue à celui constaté au niveau de l’État – quant à la mesure même de ce que les collectivités achètent.
Ces missions peuvent notamment être achetées via l’une des centrales d’achat du secteur public, l’UGAP, dont les clients sont des ministères, mais également des collectivités. L’UGAP avait par exemple formalisé une offre d’accompagnement des maires lors de leurs 100 premiers jours.
Des chiffres imprécis que la mission de l’Assemblée n’a pas permis de clarifier – c’est même, semble-t-il, un vide intersidéral sur le sujet, ni le Syntec, ni les associations d’élus, ni les administrations centrales n’ayant des éléments plus précis à fournir. Quand d’autres, à l’instar des régions et des départements, n’ont même pas répondu aux demandes du Parlement.
Seule la direction des affaires juridiques du secrétariat général des ministères économiques et financiers a pu estimer que 2 924 marchés de conseil ont été passés par les collectivités en 2021, un chiffre en hausse (1 966 marchés en 2020, 1 462 en 2019) pour des montants d’honoraires cumulés de 557 millions d’euros, également en progression (418 millions et 353 millions en 2020 et 2019).
Collectivités : des prestations de conseil éclatées
Ces montants, ont également appris les parlementaires au cours de leurs travaux, recouvrent des natures de prestation très diverses. « Il peut s’agir, par exemple, de prestations de conseil stratégique, qui ont pour objectif d’accompagner la collectivité dans les grandes orientations de politiques publiques, en définissant des objectifs et un plan d’action », notait ainsi le rapport.
Mais sont également concernées des prestations de conseil en organisation des services ou en ressources humaines et en recrutement, ou de prestations de conseil informatique. Autre différence au niveau des collectivités locales par rapport aux achats de conseil de l’État, les prestataires de conseil qui interviennent sont nettement plus petits et atomisés, à rebours de l’échelon national où quelques grands cabinets dominent le marché. Ils interviennent par ailleurs pour des montants plus restreints.
À l’issue de cette mission, les parlementaires appellent à un renforcement des règles de transparence et d’évaluation des missions de conseil achetées par les collectivités.
À cette fin, ils préconisent la réalisation d’une étude approfondie, qui pourrait être confiée à la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale.
La balle est à présent dans le camp du bureau de l’Assemblée nationale qui arbitre les textes inscrits à l’agenda pour un éventuel vote en séance plénière. Il devrait se prononcer à la rentrée de septembre sur le sort à réserver à la proposition de loi du Sénat.
Mercredi, dans les couloirs de l’Assemblée, tous bords confondus, il y avait consensus sur l’opportunité de voter un texte de loi sur le sujet. Reste à déterminer lequel. Ce qui ne sera pas une mince affaire.
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