D’outsider à challenger : la méthode PMP
Comme on dit au Québec « pas si pire ». De retour du Canada où il a vécu pour développer le bureau de PMP à Montréal, Gilles Vaqué, le président et managing partner du cabinet du boulevard Haussmann, est plutôt soulagé après les six mois de crise covid dont le cabinet vient de sortir bon an mal an.
2020 verra l’activité légèrement s’éroder, dit-il en transparence, sans toutefois vouloir rendre publics des chiffres plus précis. Mais depuis l’été, l’ensemble des consultants a été sorti du chômage partiel, le carnet de commandes est à nouveau bien rempli.
Le confinement numéro deux, même s’il a obligé à fermer tous les bureaux et à mettre tout le staff en télétravail obligatoire, n’altère pas ce redémarrage. Signe qui ne trompe pas sur la confiance dans le proche avenir, depuis un mois, les recrutements ont repris.
Pour Gilles Vaqué, qui n’a jamais été autant chez lui en région parisienne alors qu’il est habitué à la tournée des bureaux de Bruxelles, Casablanca et Montréal, PMP tient bon pendant la crise. Une résilience qui serait le fruit de choix résolus.
Le positionnement resserré sur quelques secteurs dont PMP a choisi de devenir un référent – son credo du multispécialisme –, une équipe qui sait croiser les compétences et les profils sur les missions les plus touchy, un certain opportunisme commercial, une culture d’entreprise qui reste celle d’une PME à l’instar de son patron qui dit connaître chacune et chacun des 130 collaborateurs du cabinet.
Reste à voir ce que ce modèle deviendra avec les ambitions de croissance du cabinet qui entend doubler dans les prochaines années. Interview.
Consultor : Un PMP plus coté, plus cher, plus valorisé : ce qui se dit sur la place de Paris correspond-il à une réalité dans votre développement, dans les missions que vous conduisez, ou cela n’est-il que pure com’ ?
Gilles Vaqué : Je ne sais pas ce qui se dit sur la place de Paris, mais en effet depuis trois ou quatre ans nous réussissons à devenir un acteur référent. Notre positionnement de multispécialiste avec à la fois un très fort niveau d’expertise et une capacité à cotravailler avec les directions générales et leurs équipes de management porte ses fruits. Le taux journalier moyen auquel nous vendons nos missions, toutes séniorités et tous secteurs confondus, a progressé de 30 % (le cabinet a été fondé en 2003 par des anciens de Peat Marwick, alors la marque de conseil en stratégie de KPMG, ndlr). C’est parce que nous ne réfléchissons pas en termes de prix que nos prix ont pu naturellement monter.
Quelles raisons expliquent, pourtant, qu'ils ont progressé ?
Je pense que nous apportons un regard frais, une nouvelle façon de faire du conseil. Sur nos différentes industries, nous accompagnons des problématiques clients toujours à plus fort enjeu qui nécessitent ce mix peu commun d’expertises, d’humilité et de remise en cause des modèles actuels. Je ne pense pas que nous soyons chers par rapport à toute la valeur que nous apportons à nos clients. Quand nous accompagnons de gros projets d’infrastructures pour des fonds mondiaux comme récemment ou que nous aidons un acteur à définir et déployer sa stratégie omnicanale, nous ne nous demandons pas si nous sommes au bon prix, mais si nous nous positionnons au bon niveau dans le groupe et si le sujet a un enjeu suffisamment fort pour le client.
Défendre un niveau de tarification explicitement est-il mal venu ?
Même si nos taux moyens ont monté, nous avons la chance d’avoir un taux moyen encore parfois moitié inférieur à certains concurrents. Ce taux relativement bas nous invite à nous concentrer exclusivement sur la meilleure équation entre le niveau de nos clients et la complexité des sujets que nous adressons chez eux.
Si nous poussions plus loin l’analyse, j’ai peur que nous réalisions que nous facturons insuffisamment cher, que nous sommes, nous qui conseillons nos clients sur le pricing notamment, les cordonniers les plus mal chaussés. Nous étions 60 il y a quatre ans, nous sommes 130 aujourd’hui. Il y a cinq ans, nous nous étions fixé un nombre de secteurs sur lesquels nous souhaitions devenir référents, c’est ce que nous avons fait.
Devenir référent d’un secteur, quelle est la recette ?
Elle n’est pas magique. Telcos et infrastructures, énergie et décarbonation, transports et mobilité, institutions financières : nous avons clarifié il y a quatre ou cinq ans nos choix sectoriels et et nous avons eu la chance que ce soit des environnements dans lesquels des changements structurels se sont produits au moment où nous y sommes entrés.
De la consolidation dans les telcos, des ouvertures à la concurrence et l’essor des énergies renouvelables dans l’énergie, la libéralisation et les multimodalités dans les transports : arriver à un moment où les choses bougent nous a aidés. Nous intervenons aussi de manière croissante dans des due diligences stratégiques pour les fonds et côté corporate.
Cela veut-il dire que chez PMP on est davantage spécialisé qu’ailleurs, et plus rapidement ?
Oui et non. Cela ne veut pas dire qu’on se retrouve mono-spécialiste d’un micro-sujet ad vitam aeternam. Prenez les TMT (technologies, médias et télécommunications, ndlr) : entre les sujets digitaux, du développement des tech, d’internet, de la Silicon Valley, ils sont déjà trop larges pour être maîtrisés par une seule personne.
Et maintenant pour PMP ?
Je ne cesse de le dire en interne : nous ne sommes encore que des nains de jardin. L’enjeu pour nous est le nombre de grands comptes que nous arrivons à accompagner et les niveaux des problématiques que nous crackons avec les clients. Dans cette perspective, un effectif de 130 personnes est encore menu. Certes nous avons parcouru un beau chemin depuis notre création, mais tout le développement est encore devant nous !
Alors, de combien souhaitez-vous multiplier votre activité, par deux, par quatre ? Est-ce une discussion que vous avez entre associés en interne ? On imagine que c’est le cas…
Vous imaginez mal ! Je plaisante. On sent que nous avons un bon potentiel. Pour y arriver, le premier sujet est celui des ressources. La proportion de nos consultants que nous arrivons à faire passer de managers à directeurs, de directeurs à associés, c’est de là que notre croissance va germer. Car, à effectif constant, à ressources constantes, à idées constantes, nous aurons beau nous coucher plus tard encore, nous n’y arriverons pas. Aucun secret sur ce point : nous étions six associés, nous sommes quinze associés à présent, nous avons une quarantaine de directeurs et de managers, si la moitié devient partners, nous ne serons à nouveau plus le même cabinet.
Des arrivées de profils seniors, à l’instar de François Cousi, un ancien de Kering, de la Fnac ou de Surcouf, de Marie-Sophie Houis-Valletoux, dont vous avez absorbé l’activité bancassurance, ou de senior advisors, comme Frédéric Channac dans l’assurance, sont-elles des éléments moteurs ?
Bien sûr, elles comptent beaucoup. Surtout, elles nous permettent de muscler nos capacités à résoudre des problèmes de plus en plus compliqués. Depuis un ou deux ans, nous attirons de nouveaux directeurs associés ou des senior advisors. Je pense aussi qu’il nous faut savoir intégrer des profils experts, des profils internationaux pour ne pas rester cosanguins et garder une fraîcheur d’esprit clé dans notre métier.
Côté écoles et recrutement de juniors, une certaine mue PMP se fait-elle aussi sentir ? PMP est par exemple parrain de la promo 2021 de Télécom Paris où le cabinet est bien connu.
La donne est simple : avant nous étions nobody, maintenant nous commençons à être considérés. Nous recevons davantage de candidatures, et d’un meilleur niveau en moyenne. Les gens viennent chez nous parce qu’ils nous connaissent et parce qu'il y a souvent un véritable fit qui s'opère. Et ils partent très peu à la concurrence : sur les cinq dernières années, les profils partis à la concurrence se comptent sur les doigts d’une main.
Propos recueillis par Benjamin Polle pour Consultor.fr
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