Coulisses : Roland Berger, chef d’orchestre du super talkie-walkie français
Gérald Darmanin annonçait le 13 octobre dernier les entreprises qui se chargeront de la mise en œuvre du Réseau Radio du Futur. 300 000 fonctionnaires l’étrenneront lors de la Coupe du Monde de rugby 2023 et des JO de 2024. De 2019 à 2021, jusqu’à 15 consultants de Roland Berger ont travaillé dans les murs du ministère de l’Intérieur à façonner ce canal sécurisé des secours français. Récit.
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Airbus et Capgemini pour l’architecture et l’intégration (540 millions d’euros) ; Bouygues Telecom et Orange pour les antennes (320 millions d’euros) ; Atos pour l’interface (43 millions d’euros) : quand jeudi 13 octobre 2022, Gérald Darmanin annonce les entreprises retenues pour la mise en œuvre du Réseau Radio du Futur (RFF), il met un terme à un long marathon administratif et industriel.
Dès 2016, l’inspection générale de l’administration alertait sur la vétusté des réseaux radio à bas débit. Le 18 octobre 2017, Emmanuel Macron, devant les forces de sécurité, s’engage à son déploiement le plus rapide possible.
Si le projet est rapidement amorcé au ministère de l’Intérieur, le morceau est de taille. Le nouveau téléphone rouge bénéficiera à plusieurs périmètres ministériels (Premier ministre, intérieur, armées, justice, santé, transition écologique, collectivités territoriales et cohésion des territoires, budget), ainsi qu’à des acteurs des collectivités non étatiques, comme les services départementaux d’incendie et de secours et les polices municipales.
300 000 fonctionnaires doivent l’utiliser. RFF se substituera notamment aux réseaux de télécommunications sécurisés de la gendarmerie (Rubis), des pompiers (Antares), de la police (Acropol) ou au réseau interministériel de téléphonie (Rimbaud, pour les ministères).
Six fonctionnaires pour un projet à un milliard d’euros
Et les études préliminaires réalisées place Beauvau ne sont pas pour rassurer sur l’ampleur du projet : il en coûterait quasi un milliard d’euros aux contribuables pour se doter d’un nouveau téléphone rouge à la française. Or, seuls six fonctionnaires sont alloués au projet. À l’intérieur, on aime à rappeler que l’ESN (Emergency Services Network) britannique avait, lui, mobilisé cent agents publics.
Le constat est clair : les services n’y arriveront pas seuls. Peu de compétences techniques sont disponibles en interne dans le domaine des télécommunications, et la diversité des domaines à couvrir dans le cadre de l’élaboration du projet RRF dépasse de loin ce que l’équipe de fonctionnaires peut faire seule.
Rapidement, la mission de préfiguration (MPRRF), puis la direction du programme du RRF (DPRRF) optent pour le recours à un consultant extérieur.
Le marché-cadre de la Direction interministérielle à la transformation publique, le cabinet de conseil interne à l’État, colle parfaitement.
Parmi les cabinets présélectionnés par l’État pour l’accompagner dans sa transformation entre 2018 et 2022, c’est alors au tour de Roland Berger d’être choisi. A fortiori, Beauvau crédite le cabinet d’une bonne expertise dans les télécommunications et d’un réseau solide auprès des opérateurs de téléphonie, des industriels, mais également dans les services de l’État (Roland Berger est l’un des cabinets les plus actifs dans le secteur public français). Tout ce petit monde étant concerné.
Roland Berger, allô j’écoute
Au premier semestre 2019, Roland Berger monte à bord. D’abord pour la préfiguration, puis dans le cadre d’une phase d’accélération du programme : jusqu’à 15 consultants se mettent à pied d’œuvre, aux côtés de l’équipe de fonctionnaires entre temps augmentée à 8 personnes.
Tout y passe : le pilotage du programme, sa modélisation économique, le sourcing d’acteurs pertinents dans les secteurs industriels concernés, la définition de l’architecture technique cible, l’expression des besoins fonctionnels, mais également les benchmarks internationaux. Pour ces derniers, il y a de quoi s’inspirer à l’international : le First Net aux États-Unis, Virve 2.0 en Finlande, Safe Net en Corée (sur ces parangonnages dont les consultants sont les spécialistes, voire ici).
Ateliers et livrables s’enchaînent à un rythme soutenu tout au long de l’année 2019, et font l’objet de quatre commandes distinctes, pour un total d’honoraires de 4,5 millions d’euros. Le ministère fait le choix de plusieurs commandes inférieures à six mois pour ne pas contractualiser sur de trop longues périodes avec le cabinet, dont il aurait pu se rendre compte a posteriori qu’il n’avait pas besoin.
En décembre 2020, l’Avis d’appel public à la concurrence est publié. L’Intérieur fait à nouveau appel à Roland Berger. Trois objectifs prioritaires sont alors assignés au cabinet : la préparation de la construction technique du RRF, l’appui au pilotage d’un projet industriel complexe et la préparation du déploiement auprès des différents corps de métiers concernés par la future utilisation du RFF.
Comme Roland Berger avait pu le faire lorsqu’il avait été mandaté par le gouvernement pour dépouiller les participations au Grand Débat, le cabinet ne travaille pas seul : il y a bien sûr son binôme sur le marché DITP, Wavestone, mais également Cogysis, une société spécialisée dans l’architecture des systèmes de communication.
Dans quelle mesure le travail de Roland Berger a-t-il conduit au choix des entreprises annoncées ? Beauvau se montre plus évasif sur le sujet. Le ministère, sollicité par Consultor, indique que Roland Berger est intervenu « sur toute la phase de sourcing et de négociation des marchés ». Et que ce fût un aspect important de ses missions sur le RFF : « À titre d’exemple, pour donner la profondeur du travail réalisé, ce sont plus de 6000 pages qui ont été étudiées, analysées et annotées », indique encore le ministère, sans davantage de détails.
Même après deux ans de polémique sur leur influence sur les politiques publiques et une loi en cours d’examen en parlement sur le sujet, les cabinets de conseil en stratégie restent encore des acteurs de l’ombre.
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