McKinsey dans un numéro d’équilibriste sur sa politique DEI
Après l’annonce d’Accenture qui renonce à ses « objectifs de DEI », le patron Monde de McKinsey réaffirme son engagement en faveur de la diversité tout en jouant sur les mots.
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Certes, il ne s’agit pas d’une déclaration publique, mais d’une note interne datée du 3 février que Bloomberg News a pu consulter. Néanmoins, Bob Sternfels affirme que le cabinet va « poursuivre ses objectifs de méritocratie diversifiée avec audace, car ces deux éléments réunis sont ce qui le distingue et qui a défini son identité depuis près de 100 ans ».
Comme il l’exprime sur le site de McKinsey, « la diversité et l’inclusion ne doivent pas être traitées comme une initiative distincte, mais intégrées à tout ce que nous faisons ». En créant « des équipes mixtes et diversifiées, et en embauchant, en faisant progresser davantage de femmes, de personnes de couleur et de collègues LGBTQ+ », le cabinet aurait fait des « progrès constants » à tous égards.
Dans sa note interne, Bob Sternfels insiste aussi sur le fait que le cabinet a « intentionnellement concentré » ses efforts sur la promotion de la diversité et de l’inclusion, pour que chacun « ait une chance équitable de réussir dans le système méritocratique de McKinsey ».
Un discours de réaffirmation qui fait suite aux décrets signés par Donald Trump visant à mettre un terme aux programmes DEI des entités fédérales et de leurs sous-traitants. Le titre de l’un de ces décrets affiche l’ambition de « mettre fin aux discriminations illégales et rétablir les opportunités fondées sur le mérite ».
Récemment, dans le monde du conseil, plusieurs mastodontes ont annoncé leurs rétropédalages quant à leurs actions en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. Ainsi, Accenture a donc renoncé à ses objectifs en matière de diversité, tout comme Deloitte qui annule par exemple la publication d’un rapport annuel sur la diversité, l’équité et le développement durable. L’ensemble de son programme de DEI serait concerné selon le Financial Times.
L’association ambigüe de deux notions par Bob Sternfels
Dans sa note interne, le patron de McKinsey utilise plusieurs fois le terme de « méritocratie » qu’il combine à la notion de « diversité ».
Ce faisant, Bob Sternfels semble donc fixer un cap équilibré entre les deux, envoyant un message d’apaisement à l’interne tout en reprenant à son compte la préoccupation des opposants farouches aux politiques de DEI – à savoir la primauté accordée au « mérite ».
McKinsey se réserve-t-il ainsi la possibilité de bouger le curseur en fonction des règles établies par l’administration Trump ?
En réponse à Bloomberg News, un porte-parole du cabinet a précisé que McKinsey « souhaite attirer et développer les meilleurs talents du monde, quels que soient leur origine ou leur lieu de formation [tout en] respectant la loi aux États-Unis et dans les autres pays où il opère ».
McKinsey, un cabinet fer-de-lance sur la DEI
Que ce soit en interne ou auprès de ses clients, le « segment » DEI constitue un axe de communication important pour le no 1 mondial du conseil en stratégie.
En interne tout d’abord, avec ses initiatives multiples : recrutement inclusif basé sur la sensibilisation aux biais inconscients ; ateliers dédiés ; développement de réseaux internes – Global Women’s Network, McKinsey Black Network, GLAM (Grow, Lead, Advance and Mobilize) dédié à la communauté LGBTQI+ et à ses alliés… Le cabinet a aussi lancé le McKinsey Institute for Black Economic Mobility, ainsi que la Black Leadership Academy, pour promouvoir le progrès économique de la communauté afro-américaine.
À l’égard de ses clients ensuite, McKinsey travaillant – notamment – à l’élaboration et à la définition de stratégies DEI (diagnostics pour évaluer l’état de l’organisation en la matière, établissement d’une feuille de route et d’objectifs), ou dans le cadre d’études promouvant la diversité comme outil de performance pour les entreprises. Pour n’en citer que quelques-unes : Why Diversity Matters en 2015 ou, en 2023, Diversity Matters Even More: The Case for Holistic Impact. Des études dont la méthodologie a toutefois été critiquée – en mars 2024, par exemple dans la revue canadienne Econ Journal Watch d’un think tank canadien conservateur (et très « libéral » au sens français).
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« Les entreprises américaines dont l’équipe dirigeante est ethniquement diverse sont plus performantes que les autres » : c’est le résultat largement médiatisé d’une série d’études successives du cabinet McKinsey sur le sujet. Mais deux chercheurs américains ont refait les calculs : ils ne trouvent aucune corrélation entre performance et diversité des dirigeants.
Le cabinet aurait investi plus de 20 millions de dollars dans des recherches originales sur l’importance de la présence de femmes aux postes de direction et dans l’économie.
Au-delà de la DEI, McKinsey ne bénéficie pas nécessairement des faveurs du camp Trump. Le secrétaire d’État US, Marco Rubio, a en effet appelé à plusieurs reprises à exclure le cabinet de tout contrat fédéral en raison de ses activités auprès du PC chinois ou d’entreprises liées au gouvernement de Pékin.
Les contrats publics représentent une manne financière non négligeable pour McKinsey. Selon la base de données USAspending.gov, ils lui ont rapporté un milliard de dollars depuis 2008, avec un pic (exceptionnel par rapport aux autres années) de 142 millions de dollars en 2018. Depuis 2020, les revenus générés par ces contrats ont été de 71 millions de dollars annuels en moyenne. Le Department of Defense est le plus gros consommateur de conseils estampillés McKinsey (453 millions de dollars), devant le Department of Health and Human Services (178 millions de dollars), et le Department of Veterans Affairs (98 millions de dollars).
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