Jusqu’où iront les VTC du conseil ?

Des prestations de qualité équivalente à un quart du prix pour une rémunération des consultants supérieure : la promesse des VTC du conseil est la même. Ces modèles existent depuis une vingtaine d'années dans les pays anglo-saxons. Ils arrivent en France. Quelle est leur crédibilité ? Jusqu'où iront-ils ? Pourquoi les consultants les préfèrent à ces cabinets traditionnels ? Enquête.

30 Oct. 2017 à 12:31
Jusqu’où iront les VTC du conseil ?

La tendance dans le conseil est la même en France que sur d’autres marchés. Un nombre croissant de consultants choisissent d’exercer en indépendant pour diverses raisons (équilibre entre vie privée et vie personnelle, fin de poste salarié, nouvelles relations commerciales avec leurs clients…). Cette proportion grandissante de professionnels qui choisissent le statut d’indépendant alimente l’essor de plateformes d’intermédiation, positionnées entre les clients à la recherche de prestations de conseil et les consultants.

Les mêmes services, les coûts fixes en moins ?

L’une des plus anciennes, Eden McCallum, fondée en 2000 par deux anciens de McKinsey, a vu considérablement croître le nombre de consultants qui chaque année proposent leurs services. Plus de mille nouvelles candidatures en 2016, selon les chiffres que la société britannique a communiqués au Financial Times le 6 octobre 2016. Business Talent Group (BTG), Expert360, Catalant (ex-Hourlynerd) sont d’autres exemples de sociétés anglo-saxonnes positionnées sur le même créneau, notamment sur le conseil en stratégie. La tendance n’est donc pas neuve.

En 2013, la Harvard Business Review mettait en avant l’avantage concurrentiel de ces plateformes. Elles peuvent assembler des bcéquipes de consultants très compétitives sans avoir à assumer les coûts d’équipes non staffées, de locaux onéreux, de recrutement ou de formation. « La démocratisation et l’accès aux données font perdre aux sociétés traditionnelles de conseil une grande part de leur valeur ajoutée », indiquait alors Jody Greenstone Miller, la fondatrice de BTG, ancienne conseillère du président américain Bill Clinton.

C’est désormais au tour de la France où quelques modèles similaires se développent spécifiquement sur le segment du conseil en stratégie. Ainsi OneMan Support (OMS), la plateforme mise sur pied par Arnaud Sourisseau, 35 ans, un ancien consultant de Bain & Company à Paris. Quatre ans après sa fondation, la plateforme compte 400 consultants, pour un chiffre d’affaires de 6 à 7 millions d’euros en rythme annuel. Et les arguments avancés par le fondateur sont les mêmes que ceux de ses confrères anglo-saxons.

"Une due diligence serait facturée 80 000 euros la semaine par les MBB. Nous la facturons à 30 000 euros"

« Une due diligence serait facturée 80 000 euros la semaine par les MBB. Nous la facturons à 30 000 euros. Et côté consultant, entre gagner 80 % de 30 000 euros, ou 10 % de 80 000 euros, le choix est rapide », explique Arnaud Sourisseau. L’activité de satellites commerciaux du fonds Apax, Michel & Augustin, Le Bon Coin comptent parmi les 400 missions signées par OMS depuis ses débuts.

Idem chez Comatch, l’homologue d’OMS que deux anciens de McKinsey ont lancé à Berlin en 2014. Le développement français de la plateforme vient d’être confié à Bernhard Ney, un ex-BCG, allemand d’origine, marié en France, qui a pris ses fonctions en septembre. La cible de leurs missions – une centaine pour Comatch en France depuis début 2017 – est clairement identifiée : des PME et ETI de Mid-cap.

C’est-à-dire tous les clients qui ne peuvent s’offrir les services des marques classiques de la stratégie, faute de budget. Pour le recrutement des consultants, Comatch comme OMS revendique un haut niveau de sélectivité, garanti par un processus de sélection rigoureux. Le principe est ensuite le même : les missions sont conclues par les plateformes, qui prennent entre 15 et 20 % de commission, le reste allant aux consultants.

En résumé : le développement commercial et le support des missions aux plateformes, jusqu’à la facturation, le contenu des missions aux consultants. « Comatch se fait référencer auprès de grands groupes que des consultants seuls ne pourraient pas approcher », explique Bernhard Ney. Et les couacs sont plutôt rares. « On privilégie la patte humaine », défend Arnaud Sourisseau. Quand Bernhard Ney vante les notations que les consultants reçoivent des clients sur Comatch. « Sur plus de 600 projets, une seule fois un client en Allemagne n'a pas été satisfait du consultant ; Comatch l'a remplacé immédiatement. »

Les cabinets eux-mêmes sont clients

Ils ne sont pas les seuls à avoir tenté de prendre ce rôle d’intermédiaire par plateformes interposées. PMP, en 2014, avait lancé une offre de peer-to-peer consulting, YouMeO. « Initialement, l’ambition était d’en faire une plateforme d’experts. Depuis, elle a pivotée en outil d’animation managériale. Deux problèmes se sont posés : les clients ne payaient pas le prix que nous estimions juste, celui qu’ils paieraient dans le cadre d’un appel d’offres classique ; et il faut entretenir le réseau d’experts disponibles », explique aujourd’hui PMP.

D’autres cabinets ont recours à ces nouveaux entrants en cas de pics de charge par exemple. « C’est une soupape bienvenue. Mais on évite d’externaliser parce que cela pose plusieurs problèmes : des surcoûts et l’homogénéité de la performance. Vous avez beau faire signer des NDA, les free-lances sont bien moins facilement traçables quand ils passent chez la concurrence », estime un cabinet client.

Dans l’ancienne usine Naf Naf rue d’Enghien occupée par OMS, ils sont pour l’heure sept à assurer le développement de la plateforme, dont plusieurs anciens du BCG, de CVA et d’Exton. Les consultants peuvent venir faire escale dans les 130 mètres carrés – l’un des services assurés par la plateforme. Son concurrent Comatch, pour l’instant situé rue des Mathurins, cherche un espace plus grand puisqu’une partie des équipes françaises situées à Berlin pourrait être rapatriée à Paris. Et les fondateurs discutent activement avec des fonds de capital-investissement pour l’accélération du développement de la plateforme.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

30 Oct. 2017 à 12:31
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