Faut-il craindre sa clause de non-concurrence ?
Dans quels cas un cabinet de conseil en stratégie choisit-il de faire fonctionner la clause de non-concurrence d’un consultant qui souhaite rejoindre un autre cabinet ? La décision relève à la fois d’un arbitrage entre risques et coût, ainsi que du cadre, amiable ou conflictuel, dans lequel s’opère la séparation.
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La question se pose à chaque fois qu’un consultant envisage de rejoindre un cabinet concurrent : quid de la clause de non-concurrence ? L’insertion d’une telle clause dans les contrats des consultants est quasi systématique, car elle n’engage en rien l’employeur, qui a tout loisir de s’en délier ou pas lors de la rupture du contrat.
Ainsi, elle n’est pas activée lorsqu’un jeune consultant décide de quitter le cabinet « parce qu’il n’y a pas de risque commercial à proprement parler », relève Raphaël Butruille, directeur chez Vertone. « D’autant plus que ceux qui nous quittent le font pour vivre une aventure personnelle, notamment pour suivre leur conjoint à l’étranger ou lancer un projet de start-up », poursuit-il.
« Nous n’avons jamais activé une clause de non-concurrence lors du départ d’un consultant junior, manager ou senior manager, témoigne Bertrand Semaille, CEO d’Eleven. Cela tient au fait que les jeunes consultants qui quittent le cabinet le font pour vivre une expérience à l’international ou un projet de création d’entreprise. Même s’ils souhaitaient rejoindre un concurrent, il n’y a pas de risque que cela porte préjudice au cabinet. Il n’y a que pour les managers qui font du conseil en management que le risque est, à mon avis, plus important. »
Une décision au cas par cas
La situation est différente dès lors qu’il s’agit du départ d’un consultant confirmé. La décision se prend alors au cas par cas. « La clause de non-concurrence peut être activée en fonction du risque que le consultant emmène ou non des clients, poursuit Bertrand Semaille. Quand il s’agit d’un associé, le risque est réel en raison des relations intuitu personae qu’il entretient avec les prescripteurs au niveau de la direction générale, et ce, même pour les dossiers qui font l’objet d’un appel d’offres parce que la décision finale relèvera du grand patron. »
Mais le choix ne relève pas uniquement de considérations économiques : une séparation comporte également une dimension « émotionnelle » pour les associés, déçus, voire « trahis », par ce départ. « Tout dépend des raisons qui motivent le départ, reprend-il. Si la séparation s’opère à l’amiable, le cabinet ne va pas activer la clause de non-concurrence. En revanche, il le fera probablement si la situation est très conflictuelle. »
Un arbitrage entre risque et coût
Si la clause de non-concurrence est prévue dans le contrat de travail, le cabinet doit alors faire un arbitrage entre risques et coût, car, pour être valable, celle-ci doit donner lieu à une contrepartie financière pendant une durée qui s’échelonne en général entre un et deux ans (lire l’encadré ci-après). L’activation de la clause induit donc un coût qu’il convient de mesurer à l’aune des risques potentiels.
Si le consultant détient des parts du cabinet, la clause de non-concurrence peut être prévue dans le pack d’associés ou négociée dans le protocole de sortie. Que prévoient donc ces clauses qui échappent à l’encadrement au droit du travail ? « Tout est envisageable puisque l’on est dans le domaine du contractuel et de la négociation, relève Stéphane Albernhe, ancien directeur général France de Roland Berger et associé cofondateur d’Archery Strategy Consulting en 2013. Mais vous n’obtiendrez pas de témoignages d’associés sur le sujet, car les protocoles de sortie sont confidentiels. »
De gré à gré et en toute confidentialité
Difficile aussi d’avoir une vision globale de la pratique du marché et de savoir si certains cabinets ont une politique plus ou moins « dure » avec leurs consultants en partance. « À ma connaissance, aucun cabinet n’a de réputation particulière en la matière, répond Raphaël Butruille. Mais c’est un sujet dont on ne parle pas trop. » Un sujet confidentiel et qui se règle « entre soi ». « En général, on finit toujours par trouver un accord, éventuellement par lettres d’avocat interposées si la situation est conflictuelle, mais il est très rare qu’un litige lié au départ d’un consultant arrive jusqu’au tribunal », pointe Bertrand Semaille.
Miren Lartigue pour Consultor.fr
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