« Les concepts, c’est trop facile. Il faut mettre les pieds sur le carrelage. »
Il a fondé le cabinet Advancy avec Sébastien David il y a près de 25 ans. Éric de Bettignies, ingénieur des Mines, consultant chez Arthur Andersen et Kearney, a voulu faire de sa « boutique » un cabinet face aux mastodontes du secteur.
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En 2022, Advancy pèse selon un communiqué officiel plus de 65 millions d’euros de chiffre d’affaires, compte près de 250 consultants, dont 25 partners dans 10 bureaux, et quelque 2000 missions au compteur. Le patron d’Advancy, omniprésent, tient depuis 1999 les rênes de son cabinet avec détermination, c’est peu de le dire, tout en préparant la transmission depuis 6 ans maintenant. L’une des figures marquantes du secteur livre à Consultor quelques conseils et souvenirs d’une longue carrière de consulting.
Consultor : Quelles sont, selon vous, les qualités d’un très bon jeune consultant ?
Éric de Bettignies : Le monde du conseil en stratégie est un monde exigeant et juste à la fois. Juste, car il est basé sur un système d’évaluation rigoureux qui prône la méritocratie. Il faut en comprendre les attentes et savoir en tirer le meilleur, tout le temps. En un sens, c’est le sel de ce métier qui est multifacettes, très vite. Classiquement, il existe deux grandes phases dans la vie du consultant. Entre 1 et 4 ans, le focus est donné sur la résolution des problèmes. Il s’agit évidemment de l’analyse, fiable, exhaustive, carrée, mais aussi de son partage et de sa confrontation avec le client et avec la réalité. Donc la recommandation est, déjà, de mêler les capacités de ce qu’on appelle problem solving au partage et à l’échange. Ce qui donne déjà beaucoup plus d’impact dans tout ce qu’on fait et du sens aussi. Donc, la recommandation pour les jeunes, c’est la rigueur, l’honnêteté intellectuelle, tout autant l’envie de partager et surtout l’envie que ça serve à quelque chose. En tout cas, chez Advancy, c’est notre envie profonde : vous faites vous-même votre carrière, vous créez de l’impact autour de vous. Et le travail d’équipe est la clé de la réussite. On ne réussit jamais tout seul.
Et ensuite, au fil de sa carrière…
De 4 à 8 ans d’ancienneté, on ajoute le management d’équipes et la gestion quotidienne des résultats, des efforts, du planning, du client. C’est une période merveilleuse (aussi ?), car on gère son petit monde, on a un impact maximum à la fois sur les choses, sur le client, sur ses équipes qu’on aide à se développer en les guidant. La recommandation ici est très simple : l’envie de partager 360. Avec son client, pour que votre travail lui soit bénéfique, avec ses équipes pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes, et que ce faisant chacun des équipiers progresse dans son propre chemin professionnel, avec son principal ou son partner, pour progresser, échanger les vues, challenger leurs certitudes et bénéficier de leur expérience. Un moment unique donc que cette période.
Au-delà de 8 ans, il y a l’aspect développement d’un business (presque) autonome : créer des compétences différenciantes, développer une équipe de personnes stables, s’intégrer à tout un écosystème externe (ex. : avocats, banques d’affaires, fonds d’investissement, mais aussi associations professionnelles par exemple). C’est donc une école de la vie en accéléré, un métier merveilleux, une expérience d’équipe grandeur nature.
Les hard skills sont nécessaires, mais pas suffisantes…
Il faut être travailleur, comme dans toutes les professions où on veut progresser vite, avoir l’envie de servir à quelque chose, avoir de l’impact, avoir une intégrité professionnelle totale et en même temps une ouverture et une bienveillance maximales. Aussi, il faut rechercher le concret. Il est trop facile de surfer sur des concepts intelligents, il faut aussi avoir envie de plonger dans le dur, aller voir, mettre ses chaussures de sécurité et ses bouchons d’oreille pour aller dans les usines ou mettre les pieds sur le carrelage comme disent les commerçants.
Le consultant d’aujourd’hui est-il le même que celui de vos débuts ?
In fine, oui, il est toujours le même, avec des capacités et des compétences identiques. Ce qui a seulement changé, ce sont les modalités, les outils.
Conseillez-vous aux jeunes consultants de privilégier une carrière internationale ?
C’est même fondamental, ce n’est pas une option. En début de carrière, j’ai passé un an aux États-Unis et un an en Belgique (alors le plus européen des pays en Europe) ça m’a ouvert les yeux sur les différentes visions du monde. Pour être un bon consultant, il faut maîtriser les différences de mode de vie, de pensée, de raisonnement, même de rapport à l’argent et au temps selon les régions du monde. 20 à 30 % de nos consultants ont au moins passé six mois dans nos bureaux à l’étranger. C’est unique dans le monde du conseil, je crois.
Vous avez créé votre cabinet et fait toute votre carrière dans le conseil. Conseilleriez-vous à certains de vos consultants de suivre votre chemin en créant leur propre cabinet ?
Lorsque j’ai fondé Advancy il y a 25 ans, on me disait que j’étais complètement fou de créer un cabinet de conseil en stratégie en Europe, car le secteur était verrouillé par les grands. En fait, il bouge beaucoup, tout le temps. Si nos consultants veulent entreprendre, je leur conseille plutôt de faire de l’intrapreneuriat. Quand le patron de New York (Sylvestre Pirès depuis 2019, ndlr) a eu envie de se lancer là-bas, Sébastien lui a dit : « Vas-y, fonce, monte le bureau d’Advancy, je te donne les clés. » Nous avions de même dit oui à Benjamin Maupetit à Shanghai ou Stepan Wildt à Londres. Il y a plus de dix exemples d’ex-Advancy qui sont partis créer leur société hors conseil, dans le conseil peut-être 1 ou 2 aussi. Les autres entrepreneurs le font en interne à Advancy.
N’avez-vous jamais été tenté par l’aventure corporate ?
Je suis tombé dans le conseil tout petit. J’ai goûté à l’opérationnel en début de carrière durant 3 ans (chez Lagardère entre 1993 et 1995, ndlr). J’aime profondément mon métier. Et je suis à la fois corporate en gérant Advancy et dans le conseil. Que demander de mieux ?
Une belle mission est-elle une mission réussie ?
Je pourrais répondre comme Enzo Ferrari, à qui on demandait sa plus belle voiture et qui répondait toujours que ce serait la prochaine, celle sur laquelle il travaillait en ce moment même. Il voulait dire que si on ne cherche pas à ce que son travail du moment soit le plus beau de tous, c’est qu’on peut mieux faire.
Dans les deux dernières années, l’une des missions les plus emblématiques, est certainement Pierre & Vacances Center Parcs. Le groupe était en situation de cessation des paiements dans le mois qui suivait notre entrée, aucun des plans précédents n’avait fonctionné. Les DG se succédaient. Ils ne s’attaquaient pas aux vrais problèmes, et en même temps, ils n’osaient pas tirer le vrai potentiel des actifs magnifiques détenus à travers toute l’Europe.
Nous avons construit le plan RéInvention. Ce plan a été jugé trop ambitieux. Pour la première fois, on mettait vraiment le tourisme au centre, et non l’immobilier. Pour la première fois, on osait investir massivement dans les parcs et dans leur maintenance. Pour la première fois, on intégrait vraiment toute l’Europe dans la vision stratégique. Les équipes clients comme Advancy ont été merveilleuses et à la manœuvre. Je les admire encore aujourd’hui pour ce qu’elles ont fait. Deux ans après, le groupe est en avance – très en avance – sur ce plan RéInvention. Et les prochaines étapes vont vous étonner encore.
On peut aussi parler récemment de la création du premier fabricant mondial dans le domaine de la nutrition… Une bonne partie de notre travail n’est pas connue du public et ne peut être divulguée.
Un tuyau intéressant à partager ?
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