Conseil interne de l’État : mais de quoi Gabriel Attal parle-t-il ?
Vendredi 18 février, interrogé sur BFMTV sur le recours aux cabinets de conseil par l’État, le porte-parole du gouvernement a indiqué que l’exécutif réfléchissait à la création d’« une forme de cabinet de conseil de l’État en interne ». Chose qui existe depuis 15 ans.
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« Les cabinets doivent être sollicités dès lors que ce sont des compétences qu’on ne trouve pas au sein de l’État. Et d’ailleurs on veut développer aussi une forme de cabinet de conseil de l’État en interne qui peut venir en appui aux administrations », a expliqué Gabriel Attal.
Une déclaration qui peut surprendre tant le développement des prestations de cabinets de conseil en stratégie dans le secteur public en France s’est accompagné de directions dédiées qui, au sein de l’administration, se chargeaient à la fois d’acheter des missions à l’extérieur et de recruter des consultants en interne.
Ce fut d’abord, sous Nicolas Sarkozy, le rôle de la direction générale de la modernisation de l’État (DGME). Elle est alors confiée à un X-Ponts, François-Daniel Migeon, fondateur de Thomas More Partners, qui a multiplié les allers-retours entre le public et le privé, notamment chez McKinsey. Il est d’ailleurs formel lorsqu’il répond à Consultor en 2015 (relire notre interview) : principalement composée de fonctionnaires à son arrivée en 2007, la direction compte au bout d’un an presque autant de consultants que de fonctionnaires. Pour lui, la DGME joue le rôle d’un cabinet de conseil interne à l’État.
Depuis, les étiquettes ont changé, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) a succédé à la DGME sous François Hollande, avant de devenir la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) sous Emmanuel Macron, mais la réalité demeure la même.
Ainsi de la DITP, au 20, avenue Ségur, dans le VIIe arrondissement de Paris, là où tous les services du Premier ministre sont réunis. L'unité est composée de 25 personnes, dont deux tiers de contractuels qui sont souvent recrutés dans des cabinets de conseil en stratégie ou en management. Ils jouent eux aussi le rôle de cabinet de conseil interne à l’État et interviennent pour le top 500 de l’administration : les directeurs généraux au sein des ministères, les directeurs de cabinets ou les directeurs généraux d’opérateurs (relire notre article).
Un rôle que le délégué général de la DITP a rappelé en décembre à la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.
Par ailleurs, devant cette même commission, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, indiquait devant cette même commission que les dépenses de conseil allaient baisser de 15 % et que des postes supplémentaires allaient être créés à la DITP, et plus largement dans l’ensemble de l’administration, avec l’objectif de faire moins appel aux consultants externes.
« L'une des dispositions de la loi de finances pour 2022 vise à réinternaliser les compétences au sein de l'administration. La DITP bénéficiera ainsi de 10 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, ce qui permettra de diminuer le recours aux prestations extérieures et de réaliser une économie d'un million d'euros », indiquait la ministre au Sénat.
Et elle ajoutait que « l'évolution du positionnement des inspections générales, dont le statut a été rénové via la réforme de la haute fonction publique, sera en outre mise à profit pour réinternaliser les missions de réflexion stratégique et d'organisation. Les inspections bénéficieront de possibilités de recrutement plus ouvertes encore pour attirer des profils jeunes ou expérimentés en matière de conseil et d'évaluation. La complémentarité des inspections générales avec la DITP et les administrations pourra se concrétiser dans le cadre de missions mixtes ».
Dans ce contexte, l’annonce de Gabriel Attal paraît peu compréhensible.
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