Bossard : la nostalgie d'un monde à conquérir
Près de quinze ans après son rachat par Capgemini, Bossard reste un cabinet mythique dans le monde des consultants.
« Mieux vaut privilégier le dynamisme des hommes que la beauté des organigrammes. » Jeune consultant, Jean-Noël Felli, aujourd’hui administrateur du Bossard Alumni Club et à la tête de son propre cabinet, se souvient parfaitement de cette phrase qui trônait au-dessus du bureau du PDG. « Tout est dit », sourit-il. La maxime résume le mythe Bossard, explique la raison pour laquelle le cabinet, intégré à Capgemini au début des années deux mille, reste encore comme l’une des références dans le monde du consulting. L’entreprise a disparu, mais la marque de fabrique persiste.

Une école
« Nous formions les gens sur le savoir-être et sur la capacité à exister face au client, un langage commun se dégageait alors », explique Bruno César, également administrateur du Bossard Alumni Club, qui avait la charge des « 1 000 kilomètres » et des « 5 000 kilomètres », les deux jalons significatifs dans la formation des jeunes consultants. Bossard, c’était aussi une école, une façon de former les consultants, basée sur le compagnonnage, sur un partnership ouvert, sur un management par les hommes qui voulait se différencier de l’approche utilitariste des forces productives de l’entreprise. « On acquérait assez vite une certaine autonomie, se souvient Hervé Lefèvre, PDG de Kea&Partners. Le modèle de Bossard se basait sur la confiance et l’idée que le monde est à conquérir. »
La recette pour faire un bon consultant ? Le déséquilibre dynamique, explique Jean-Noël Felli. Le concept est simple : on jette le consultant au milieu de la piscine, et on le laisse se débrouiller, tout en lui tendant une perche de temps en temps. Les anciens de Bossard mettent tous en avant un modèle qui valorisait l’avis de chacun, qui encourageait l’initiative, qui poussait à la prise de risque dans le but de progresser. Une culture qui se traduit par la multiplication des spin-off : l’atmosphère entrepreneuriale a incité de nombreux consultants à créer leur propre structure pour perpétuer l’esprit de leur maison d’origine.
« Je me souviens d’un jeune candidat que j’hésitais à embaucher, poursuit Philippe Giraud, qui fut vice-président du Groupe Bossard et qui dirige aujourd’hui l’Alumni Club. J’ai ouvert la porte du bureau d’à côté et je l’ai présenté à son occupant. Quelque temps plus tard, ce jeune consultant a découvert qu’il avait rencontré, à son insu, Jean-René Fourtou, le PDG. Mais Jean-René Fourtou ne s’est jamais présenté comme tel, il était un consultant comme les autres. Nous étions respectueux de la parole et de la pensée de chacun, quel que soit son grade. »
Des valeurs
Dans un univers rationnel et de froide logique, Bossard apparaissait comme une marque « chaude ». Lorsqu’il débute sa carrière, Jean-Noël Felli a le choix entre Bossard et Arthur Andersen. Il demande alors à visiter les bureaux. D’un côté, « un grand open space dans un silence monacal », de l’autre « un style convivial et décontracté ». Son objectif lorsqu’il intègre le cabinet est d’y demeurer deux ans avant d’aller frapper à d’autres portes, il yrestera finalement dix ans. « J’ai trouvé quelque chose de particulier chez Bossard, conclut-il. Arthur Andersen était une excellente marque, mais Bossard correspondait davantage à mon caractère. » À l’époque, le cabinet paie légèrement en deçà de la moyenne du marché, mais connaît un turn-over nettement moins important, signe que l’esprit et la culture suffisaient à retenir les consultants.
Des valeurs relativement simples sur le papier, mais dont la mise en œuvre ne va pas sans mal : honnêteté intellectuelle, humilité, esprit d’équipe, respect de l’individu. « Certes, la performance de l’entreprise était une préoccupation, mais l’essentiel restait d’assurer l’autonomie de nos clients, souligne Bruno Cesar. Notre travail se terminait quand les clients avaient saisi le but de notre démarche. Bossard a toujours travaillé sur le sens de ses actions. » La marque a aujourd’hui laissé place à une véritable nostalgie, aussi bien de la part des anciens consultants que des anciens clients.
Un héritage
Certains cabinets se veulent aujourd’hui comme les porte-drapeaux de la culture Bossard. Kea&Partners perpétue ainsi le modèle de partnership en incitant ses consultants à acheter des actions au bout de trois ou quatre années, mais également via une école à forte valeur ajoutée qui veille à la transmission du métier. « Je veux offrir aux jeunes la chance de faire des parcours qui les inspirent », résume Hervé Lefèvre.
Le souvenir de Bossard trouve sa conclusion logique dans l’association des anciens de l’entreprise, forte de 1 200 membres, qui rassemble sans mal plusieurs centaines de personnes chaque année, pour un cocktail des anciens. Les consultants qui sont passés par Bossard en dressent un portrait où se mêlent l’affection et le respect pour un état d’esprit ou un procédé. Au-delà de ses manques et de sa disparition, c’est pour sa forte identité que Bossard est resté gravé dans les mémoires.
Par Lisa Melia pour Consultor, portail du conseil en stratégie-25/03/2013
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