« Au—jour—d'hui—On-n’a-plus-le-droit... » : récit de trois ans de pro bono aux Restos du Cœur
Qu’y a-t-il de commun entre un cabinet de conseil en stratégie spécialiste de missions de private equity et l’association créée par Coluche ? A priori, rien.
Et pourtant, depuis 2016, L.E.K. Paris propose ses services dans le cadre d’une série de missions pro bono aux « Restos ». Une collaboration inédite pour le cabinet, qui ne faisait aucune mission pro bono jusque-là et s'avère fructueuse de part et d'autre. Rencontre.
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Beaucoup de cabinets de conseil en stratégie consacrent quelques pourcents du temps de leurs consultants au pro bono. L.E.K. qui existe depuis trente ans n’en faisait pas... jusqu’en 2016.
« Des consultants avaient émis le désir de travailler sur des sujets qui puissent aider la collectivité, sur des missions ayant un impact social et sociétal, raconte Fanny Stosskopf, en charge du knowledge management et du marketing chez L.E.K. Après un rapide sondage auprès des consultants, ce sont les Restos du Cœur qui attirent l’attention du cabinet.
L’association, créée par Coluche en 1985, compte 72 000 bénévoles, 2 027 centres de distribution de repas ou d’accueil en hébergement d’urgence. Ils ont notamment servi 130 millions de repas à 900 000 personnes l'an dernier.
Les Restos fonctionnent avec environ 80 salariés et bénéficient régulièrement de missions pro bono ou de mécénat de compétences dans divers domaines comme l’aide à la formation, le traitement des données, l’informatique, la comptabilité, l’aide juridique, etc. Des aides précieuses, car, sans elles, l’association aurait du mal à faire évoluer ses distributions de repas, savoir à temps où elles sont les plus urgentes à organiser et en quelle quantité.
« Si nous n’avions pas ces offres de pro bono, nous ne pourrions pas produire toutes les données statistiques », indique Magali Jacquemart, responsable du service communication et des relations presse/médias aux Restos du Cœur. « Nous n’aurions pas les moyens ni le budget pour pouvoir investir dans ces missions […] Grâce aux coups de main qu’on nous donne, nous avons une vue d’ensemble et cela nous permet de prendre du recul sur nos activités. »
Une ancienne du cabinet établit le lien
Entre L.E.K. et les Restos, la prise de contact a été plutôt simple puisqu’une ancienne consultante de L.E.K. (de 1987 à 1991 à Londres et Paris), Catherine El Arouni, est depuis 2011, déléguée générale aux Restos du Cœur.
C’est avec le service des missions sociales – qui gère les actions sociales de l’association de l’aide alimentaire aux aides à la personne en passant par l’animation du réseau associatif – que les premières réunions débutent.
Côté L.E.K., sur la base du volontariat, une équipe est constituée épaulée par Fanny Stosskopf, knowledge et marketing officer, et Rémy Ossmann, un des associés parisiens.
Les besoins sont rapidement identifiés : déterminer de nouvelles d'implantation potentielles.
Rencontre du troisième type
Une des difficultés des missions pro bono réside dans la mise en relation et l’adéquation de deux mondes radicalement différents : le secteur privé et le milieu associatif. Si les deux ne sont pas antinomiques, il existe de profondes différences.
Par exemple, raconte Rémy Ossmann, « pour obtenir les données, il a parfois fallu que les Restos demandent à leurs différents centres, dans toute la France, de faire remonter l’information et ça peut prendre du temps. Nous avons dû prendre en compte ces paramètres pour nous organiser, car nous n’avons pas les mêmes temporalités. »
Élément d’autant plus important pour le partner que les consultants en pro bono ne sont pas staffés sur d’autres missions parallèlement. Time is money...
Trois missions entre 2016 et 2019
Les résultats de cette première mission sont présentés courant 2017. Ils montrent une présence homogène des Restos sur le territoire. Pas de révolution dans la localisation des centres, mais des données objectives solides, présentées au bureau de l'association, sur lesquelles asseoir ses stratégies et sa communication.
À partir des missions suivantes, un rythme commence à s’instaurer. L.E.K. rencontre Les Restos une à deux fois par an.
En 2018, le deuxième projet visait à faire un diagnostic des performances des vingt-quatre centres itinérants, disséminés dans différents départements.
Avec l’ambition, comme le raconte Fanny Stosskopf, de favoriser la multiplication de ce type de centres. « Les Restos demandent à chaque personne accueillie certaines informations, telles que le code postal, la typologie de la famille, les revenus. Cela nous a permis d’identifier quel type de population se rend dans les centres itinérants et à quelle fréquence. Pour l’association, ce travail a été très utile parce que ces centres itinérants sont une initiative peu connue au niveau national. Ils voulaient faire un focus dessus pour l'essaimer. » Ces travaux seront présentés aux centres itinérants existants lors d’une journée nationale organisée par Les Restos du Cœur en 2020.
En 2019, la troisième mission visait à créer une cartographie de synthèse avec l’ensemble des antennes, des centres itinérants, le taux de pauvreté, le taux de chômage… une base de données permettant à tout moment de faire une présentation et de mobiliser des données synthétiques.
« À chaque fois que nous travaillons avec L.E.K., il s'agit de projets spécifiques avec un besoin exprimé. La plupart du temps, nous les sollicitons au sujet de l’analyse de données, soit pour qu’ils nous aident à analyser des données en interne, soit pour les mettre en perspective avec des données INSEE, gouvernementales, etc. pour nous guider dans le positionnement de nos centres », dit Élodie Charmat, responsable de l’Observatoire de la pauvreté au sein des Restos.
Un contexte plus souple pour déployer des compétences nouvelles
Qui dit mission pro bono ne dit pas sous-mission. « Je n’ai pas trouvé qu’il y avait une grande différence entre cette mission pour Les Restos et les missions pour nos clients habituels », indique-t-elle.
Les missions pro bono peuvent même être un terrain de jeu plus favorable à la montée en compétences sur des sujets plus rarement abordés dans des missions classiques, faute de temps. « Nous avons des projets extrêmement courts chez L.E.K. Avec les missions pro bono, la deadline est plus souple, il y a moins de pression », détaille Fanny Stosskopf.
Apports de solutions nouvelles pour Les Restos, déploiement de compétences nouvelles pour L.E.K. : l’association entre les deux organisations fait ses preuves. Elle est partie pour durer.
Justine Mattioli pour Consultor
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