Vis ma vie de chief financial officer dans un cabinet de conseil
Secrétaire général, directeur administratif et financier (DAF), chief financial officer (CFO)… Parce qu’elle tient les cordons de la bourse et veille, notamment, à la rentabilité globale de l’activité, la fonction finance est un poste central et une mission prestigieuse au sein des entreprises. Mais, dans les cabinets de conseil en stratégie, les argentiers doivent néanmoins, au même titre que toutes les fonctions dites « de support », maîtriser l’art et la manière de gagner la considération des consultants.
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« En termes de périmètre et de nature des missions, la gestion de la fonction finance dans un cabinet de conseil en stratégie est très similaire à celle de toute autre société », explique Christine Laurens, chief financial officer monde d’A.T. Kearney, basée à Chicago, d’où cette Française pilote « environ 140 personnes à travers le monde ».
Ses missions s’organisent autour de trois axes : « Aider les associés à accompagner la croissance de l’activité, qu’il s’agisse d’améliorer la rentabilité, d’établir le pricing ou de piloter le financement de la société… ; être des business partners pour les associés, en les aidant à établir des dashboards pour mieux piloter les missions, à prendre des décisions business… ; et protéger nos actionnaires, en nous assurant notamment d’être en conformité avec toutes les lois et les réglementations partout dans le monde. »
À ce périmètre classique pour un directeur financier vient se greffer une autre mission : « Je suis également en charge de l’immobilier, qui constitue le deuxième plus gros poste de dépenses après les ressources humaines », ajoute-t-elle. Avant de devenir CFO d’un groupe qui réalise plus d’un milliard de chiffre d’affaires, Christine Laurens a commencé par faire de l’audit chez Ernst & Young, puis elle a exercé la fonction de directeur financier au sein d’une start up et d’une société cotée, avant de rejoindre A.T. Kearney il y a plus de quinze ans : « J’ai commencé comme contrôleur de la zone Europe du Sud-Ouest, puis évolué, après notre MBO, vers une fonction plus centrée sur la France incluant la finance et d’autres aspects de la gestion interne. Ensuite, je me suis occupée de la fonction finance au niveau EMEA, avant de prendre le poste de CFO monde il y a quatre ans ».
Aujourd’hui, « je reporte en direct au CEO » et « je fais partie de l’équipe de direction du groupe – la senior leadership team – au même titre que nos trois patrons de région, la directrice marketing, le DRH et la directrice juridique ».
Des fonctions à dimensions variables
Autre poste qui offre une vision à 360 degrés sur l’activité d’un cabinet de conseil, y compris le volet finance : celui de secrétaire général. « C’est un mot fourre-tout », et c’est pourquoi « le périmètre des missions change d’un cabinet à l’autre », observe Christophe Bonnet, secrétaire général de Kea & Partners et membre du comité de direction du cabinet.
Globalement, il s’agit « du pilotage de tout ce qui n’est pas l’activité de conseil proprement dite », précise-t-il. La fonction inclut « la gestion du partnership et l’animation de ses instances », qui représentent « environ la moitié de mon activité » : assemblées générales, conseils d’administration, préparation des attributions d’actions…
« Le partnership est très ouvert chez Kea, les jeunes consultants peuvent commencer à acheter des actions très vite, explique-t-il. Nous avons aujourd’hui plus de 80 actionnaires et cela engendre beaucoup d’achats d’actions chaque année. » Après « un an d’audit », « neuf ans en tant que consultant chez Bossard » et « quatre ans d’aventure entrepreneuriale », Christophe Bonnet a rejoint l’équipe des fondateurs de Kea en 2001, et pris en charge le secrétariat général dès la création du cabinet.
« Mon rôle a consisté à mettre en place toute la partie support de l’activité, raconte-t-il. J’ai pris cette mission parce que j’avais déjà une expérience de l’audit et de la création d’entreprise et parce que j’avais une relation de confiance particulière avec les fondateurs – ce qui est indispensable en phase de démarrage, car les choses doivent être particulièrement fluides. »
Un poste « très prenant, qui nécessite des allers-retours permanents entre des sujets de développement et des sujets très opérationnels du quotidien ». Des regrets à l’égard de son ancien métier de consultant ? « Non, pas du tout, car j’enchaîne les missions – créer une filiale, changer le système d’information du cabinet, construire une alliance à l’international… »
Des spécificités qui ne facilitent pas le job
Certaines spécificités des cabinets de conseil tendent à faciliter le job des responsables financiers et secrétaires généraux. « Dans un cabinet de conseil, il n’y a qu’un seul grand métier, celui de consultant, qui concerne 90 % de l’effectif. Cela simplifie beaucoup les choses en termes d’outils et d’indicateurs pour le contrôle de gestion », pointe Christophe Bonnet.
Autre particularité : principaux actionnaires de la société, les senior partners « ont un état d’esprit d’entrepreneur » et sont notamment « responsables des engagements financiers qu’ils prennent pour le compte du cabinet », ce qui facilite les choses pour la direction financière quand il y a du retard dans l’encaissement des factures : « Pas besoin d’insister, ils réagissent vite... », poursuit-il.
Revers de la médaille : ces mêmes spécificités qui allègent le travail des responsables financiers ne leur facilitent pas… la vie. À l’instar de toutes les fonctions support, ils sont confrontés à l’écrasante majorité de la population des consultants, ainsi qu’à celle, plus restreinte, mais non moins exigeante, des associés.
Des communautés avec lesquelles il faut composer au quotidien : « On se retrouve à piloter une minorité face à une grande communauté très homogène », résume-t-il. Faire corps avec la communauté des partners « Cela n’a pas été facile tous les jours, mais le fait que je sois arrivée à ce poste sans jamais avoir exercé le métier de consultant montre qu’il est possible de réussir malgré tout ! » témoigne Christine Laurens, CFO monde d’A.T. Kearney et par ailleurs associée du cabinet.
J’ai les mêmes droits de vote que tous les autres associés » et « je pense que c’est important parce qu’ils respecteront davantage quelqu’un qui est associé au même titre qu’eux ». « Dans un cabinet de conseil, votre titre et votre fonction ne vous apportent pas grand-chose », relève-t-elle, et c’est pourquoi « il faut savoir obtenir l’adhésion par d’autres moyens que le top-down ou en donnant des instructions ».
Il faut « comprendre les subtilités de l’organisation d’un partnership », « être capable de créer des relations avec les autres associés et dialoguer avec eux, avec chacun d’entre eux » afin de « développer son influence ». Un sentiment partagé par Christophe Bonnet, secrétaire général et senior partner de Kea.
Selon lui, si « le fait d’avoir été consultant apporte de la crédibilité dans un certain nombre de discussions », être senior partner contribue selon lui à asseoir « sa légitimité » : « il est nécessaire d’être membre de cette communauté ».
S’imposer par son professionnalisme
L’autre carte à jouer pour se faire adopter des consultants reste le professionnalisme. « Montrer que l’on connaît très bien son domaine est un excellent moyen de gagner sa place », estime Christine Laurens, chez A.T. Kearney. Les échanges entre mes équipes et les consultants se font dans les deux sens, ils nous demandent notre avis et font appel à notre expertise pour certains clients, et nous les interrogeons pour améliorer notre façon de travailler en interne ».
Les échanges sont également réciproques chez Kea : « Il arrive régulièrement que j’aide les consultants sur des questions qui, souvent, associent juridique et finance, explique Christophe Bonnet. Et je peux m’appuyer sur nos équipes banque ou assurance quand je cherche de nouveaux partenaires, ou solliciter nos spécialistes des processus de performance dans les directions financières, par exemple. »
« L’expérience de terrain dont disposent les fonctions support dans leur domaine peut être précieuse pour les consultants », reprend Christine Laurens, et « la qualité des relations évolue dès lors que ces derniers perçoivent l’intérêt de travailler avec des professionnels ».
Adopter la bonne attitude
Enfin, « il faut avoir conscience qu’il y a de fortes variations de rythme et des moments de tension dans la vie des consultants », souligne Christophe Bonnet, et il faut savoir « faire avec ». Sous peine d’aller au clash ? « Il peut arriver que cette pression se répercute sur les fonctions support, on ne peut pas le nier, mais il n’y a jamais eu de clash chez nous, répond-il. Il faut cultiver ce côté un peu en rondeur, un peu caméléon, qui permet que tout se passe bien avec les consultants. » « La communication est primordiale », relève Christine Laurens, et il faut notamment « savoir dire non avec le sourire… »
Miren Lartigue pour Consultor.fr
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