Un ex-Bain aux commandes : dans les coulisses de Potel et Chabot
Depuis octobre 2024, Edouard Flateau pilote le traiteur haut de gamme Potel et Chabot. Une maison historique qu’il a rejointe il y a 7 ans, après avoir évolué chez Bain. Covid, rachat de Dalloyau… : récit de la transformation de cet acteur clé.

Le secteur dans son ensemble est riche de défis, au-delà du faste des événements servis par le groupe – visites d’État, grands événements sportifs, culturels ou industriels (salon aéronautique du Bourget, tournoi de Roland-Garros…), réceptions d’entreprises et de particuliers – et du crash test de la période Covid. « La plupart des acteurs y perdent de l’argent, ou en gagnent très peu, observe le Bainie quand il intègre Potel et Chabot en 2018, et donc, le secteur va devoir se restructurer ».
Depuis, ce mouvement de consolidation et d’assainissement a été largement amorcé avec le rachat de Fauchon (sa marque traiteur ayant été reprise par un autre traiteur, Culture Food), l’arrêt récent de l’activité du traiteur Duval, ou encore la reprise fin octobre 2024 par Potel et Chabot de son concurrent Dalloyau, placé en redressement judiciaire. « Une très belle marque, riche de presque 400 ans d’histoire, sur laquelle nous menons actuellement un travail de refonte de l’offre et d’ajustement du modèle économique, avant de la redéployer à partir de 2026 », confie Edouard Flateau. Plus largement, le groupe prépare « une mise à jour de l’ensemble de l’identité de ses marques » annoncée à la mi-octobre.
Chez Bain, le conseil en strat en mode « maïeutique » de Socrate
Ancien de Ginette, diplômé de HEC en 2007, Edouard Flateau choisit son premier secteur d’activités « assez classiquement, pour la courbe d’apprentissage induite, l’émulation, l’exposition à des sujets complexes, avec des niveaux d’interlocuteurs élevés côté client ».
Au-delà du secteur, il opte pour Bain, séduit « par sa forte culture d’entreprise » et l’accent mis sur « le relationnel et la co-construction : les consultants ne se positionnent pas du tout comme des experts apportant seuls les réponses, mais plutôt comme des facilitateurs qui aident les clients à accoucher des réponses grâce à un travail conjoint ».
Une singularité durant ses années conseil : Edouard Flateau recherche des missions comportant une part d’aide à l’implémentation (PMO), alors que ce ne sont pas les plus prestigieuses. Pour lui, « l’impact et donc l’utilité de la stratégie résident dans le fait qu’elle soit d’une part exécutable, d’autre part bien exécutée. » Depuis son départ de Bain en 2018, Edouard Flateau reste très connecté au cabinet.
À l’épreuve du feu des responsabilités exécutives
« Au bout de 10 ans de conseil, après avoir beaucoup recommandé, on a parfois un sentiment d’imposture, car on n’a jamais “fait” soi-même ». Comme le lui a dit un consultant américain, « évoluer dans le conseil, c’est comme prendre l’autoroute, ça permet d’aller vite et loin, mais, à un moment, il faut prendre une sortie pour arriver à destination ».
À l’instar de nombre de ses confrères, il quitte donc l’autoroute Bain pour l’ETI Potel et Chabot. Si la population d’anciens du conseil est alors rare dans cette catégorie d’entreprises, « il y avait un contexte ». Chez Bain, Edouard Flateau avait beaucoup travaillé auprès d’Accor. « J’avais des affinités avec l’environnement de l’hospitality au sens large et avec Accor en particulier. Or, le groupe était entré à hauteur de 40 % au capital de Potel et Chabot ». Le fonds Andera Partners était l’actionnaire majoritaire. « L’entreprise était sous LBO, avec tout ce que cela induit en matière de stimulation, de volonté de faire bouger les choses, de challenges. »
A posteriori, Edouard Flateau valide ce choix, « dans une perspective d’épreuve du feu : la taille de l’entreprise et ses moyens qui restent limités par rapport à ceux d’un grand groupe ne laissent aucune place pour les “passagers clandestins”. Chacun doit apporter sa pierre à l’édifice et avoir de l’impact, avec peu de place pour les manœuvres politiques : à la fin, c’est fait ou ce n’est pas fait et, si c’est fait, ça a marché ou ça n’a pas marché. C’est un environnement où l’on ne se paie pas de mots – ni de slides –, la légitimité se fonde sur les résultats ».
Aux manettes de la transfo – sous LBO, et sous Covid
Chez Potel et Chabot, Edouard Flateau devient Chief Transformation Officer. « J’ai plaidé pour le terme de transformation et non de stratégie : là où la stratégie s’apparente à de la recherche fondamentale, la transformation se rapproche de la recherche appliquée. L’objectif est d’avoir un impact concret et mesurable. »
L’ancien consultant met en place le plan de transfo opérationnelle et financière. Mais la crise du Covid-19 éclate. « Dans l’événementiel, l’activité a chuté de 90 %. En dehors des compagnies aériennes et des discothèques, il n’a pas dû y avoir beaucoup de secteurs plus touchés ». Cela alors même que l’entreprise était déjà aux prises « avec une dette importante ». Mais cette période charnière aurait été l’occasion « d’accélérer des actions nécessaires, de repenser le modèle et, in fine, d’en sortir par le haut » : l’EBITDA de Potel et Chabot a été « multiplié par 2 entre 2017 et 2023 », se félicite-t-il.
Fin 2023, Accor est devenu l’actionnaire unique du groupe Potel et Chabot. « Andera Partners ne nous a pas lâchés au milieu du gué en pleine crise, et nous a très bien accompagnés. Néanmoins, en raison de sa nature même [un fonds d’investissement avec un horizon de sortie, ndlr], le champ des possibles en “stand alone” restait un peu limité, malgré un “value creation plan” permettant d’avancer de façon structurée. » En 2023, le chiffre d’affaires du groupe a toutefois accusé un recul de 7 % par rapport à 2022, à 130 millions d’euros. Une baisse à remettre en perspective de l’année 2022 selon l’ancien consultant, « où l’image avait été déformée » – la marque ayant été sollicitée lors de la Coupe du Monde de foot au Qatar.
La « vision » d’Accor pour Potel et Chabot
L’extension et le renforcement géographiques en sont le premier pilier, « avec la création d’une joint-venture en Suisse, en compagnie du centre d’affaires et d’événementiel Millennium ». Autre implantation, au Qatar. « Nous allons nous y déployer de façon pérenne », indique Edouard Flateau. L’entreprise souhaite par ailleurs « se développer fortement » sur la Côte d’Azur, une région que l’ancien consultant va piloter directement.
La possibilité « d’acquérir de nouveaux lieux de réception » est également à l’étude. Potel et Chabot dispose à ce stade de cinq localisations de prestige à Paris, à l’instar du pavillon Gabriel et de ses 1 800 m2.
En ce qui concerne les services et marques, un élargissement est à l’œuvre, aux côtés des « historiques » Potel et Saint Clair. Outre la maison Dalloyau, « dont la phase de redéploiement débutera bientôt », la maison Saint Clair a lancé une offre Petit Clair – pour aborder des marchés « de congrès et de sous-traitance ». Une façon de sécuriser des volumes d’activité récurrents sur des événements plus standards, en captant une clientèle plus large ?
Et parce que le milieu des traiteurs haut de gamme est « peu différencié », chacun revendiquant « la passion et l’excellence », un travail sur « l’identité et la singularité des marques », Potel et Saint Clair a été mené. Cela concerne « tout ce qui les constitue, de la gastronomie aux arts de la table ou au personnel de service en passant par l’outil industriel et la logistique [avec le déménagement d’un entrepôt de 6 000 m2 de Bezons à Argenteuil], ou encore l’univers graphique ».
Dernier chantier d’envergure, la rénovation du siège de Potel et Chabot dans le 16e arrondissement, qui abrite « notre laboratoire de production de 3 000 m2 au cœur d’un immeuble haussmannien », précise Edouard Flateau malicieusement.
Le directeur général se félicite de pouvoir conjuguer « le support financier et humain d’un grand groupe et l’agilité, la capacité d’avancer d’une ETI où les cycles sont courts – conception, exécution, retour d’expérience, corrections ». Le fait d’appartenir à l’écosystème Accor drainant « énormément d’opportunités – deals, relations, clients d’Accor découvrant Potel et Chabot ».
Une « brigade » conseil en strat à la manœuvre
Depuis le rachat par Accor, la mise en place du plan stratégique repose sur une équipe largement issue du monde du conseil – car Edouard Flateau n’est pas le seul alumni !
Le président du groupe, Amir Nahai, a en effet été partner de Bain, où il avait passé 16 ans à partir de 1999. La directrice générale de Saint Clair, Camille Cosentino, est de son côté une ex-BCG quand Smahane Bodin, qui a repris le rôle d’Edouard Flateau sur la transformation et s’occupe notamment de l’intégration de Dalloyau, a également évolué chez Bain.
Une présence affirmée qui rappelle quelque chose : en 2024, le groupe Accor comptait 17 % d’alumni du conseil en strat au sein de son comex.
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Quoi qu’il en soit, chez Potel et Chabot cette « brigade » d’anciens consultants « s’éclate, tout en sachant qu’elle doit obtenir des résultats », conclut Edouard Flateau.
Quant à l’avenir du secteur, « les exigences RSE et réglementaires vont en accentuer la consolidation », estime-t-il. Il voit donc « la structuration et la professionnalisation continue des marques » comme clés pour répondre à ces contraintes.
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