De PowerPoint au sécateur : réorientation viticole pour l’ancien dirigeant du conseil
Après 15 ans passés chez Mews Partners, dont 6 à sa tête, Stéphane Gautrot se consacre désormais aux vendanges. Avec son épouse et un œnologue, il cultive 4 hectares de vignes tout près de Gaillac, dans le Tarn.
Celui qui est polytechnicien (promo 1989), également diplômé de l’ENSTA en 1994, avait fait de premières infidélités au conseil, un peu moins de 5 ans après avoir démarré sa carrière au sein du cabinet Oresys à Paris. « En 2003, j’ai décidé, pour des raisons familiales, d’aller m’installer à Toulouse », a-t-il confié à Consultor.
Stéphane Gautrot rejoint alors le Centre d’essais aéronautiques de Toulouse (CEAT), qui fait partie de la Direction générale de l’armement (DGA), et en devient le directeur technique – une étape de 5 ans. Il s’y intéresse notamment « aux méthodes et outils qui permettent à un bureau d’études d’être plus performant ».
Mais l’appel du conseil se fait de nouveau sentir.
Le goût du challenge comme moteur
En 2008, il rejoint Vinci Consulting – futur Mews Partners – « avec l’objectif de me prouver que j’étais capable de devenir associé, et dirigeant, d’une entreprise ».
Le fondateur du cabinet, Michel Maurino, souhaite travailler « sur la performance de la R&D », ce qui correspond parfaitement aux aspirations de Stéphane Gautrot. Il va donc s’attacher à développer le cabinet « autour de cet axe-là ».
Et l’aventure s’avère fructueuse. De 25 consultants à son arrivée, le cabinet en compte environ 300 à son départ, fin 2023. « J’y suis devenu directeur général d’une première société, puis directeur général du groupe à partir de 2018. » Mais après 15 ans d’engagement total, l’ancien polytechnicien estime avoir « coché toutes les cases ».
Selon lui, dans une entreprise de quelque nature qu’elle soit, la capacité à embarquer les équipes est clé. « Autant j’avais su, je pense, créer une dynamique et l’entretenir durant pas mal d’années, autant je n’avais plus la même envie. Le moment était donc venu de passer la main et laisser des associés plus jeunes poursuivre l’aventure. »
La pandémie bouscule ses plans : prévu pour 2020, son départ est repoussé de 3 ans. « J’ai décidé de ne pas quitter le navire alors que l’avenir était incertain. » Ce n’est que fin 2023, une fois Mews remis sur de bons rails, qu’il tourne la page du conseil pour de bon.
Un nouvel ancrage né d’une balade en Suisse
Ce nouveau chapitre professionnel ne s’est pas écrit sur un tableau Excel, mais lors d’une promenade. « Nous étions avec mon épouse à l’est de Lausanne, dans le Lavaux où l’on trouve un vignoble en terrasses, un habitat dispersé avec de vieilles maisons et de petits hameaux… Nous avons compris que c’est ce que nous voulions faire. »
Ni lui ni sa femme, ancienne manager à la DGA, n’avaient de lien avec le monde viticole. « J’aime partager un verre de vin avec des amis, pour le côté convivial. » Lassés de « la vie de bureau et des réunions », ils décident de se lancer dans une nouvelle aventure. Stéphane Gautrot s’inscrit en BTS viticulture-œnologie pour acquérir les bases, tout en cherchant un domaine autour de Toulouse.
Leur choix se porte sur Gaillac. « C’est la zone qui nous a paru la plus jolie du point de vue touristique, et il y a pas mal de cépages différents, ce qui permet de faire du blanc, du rouge, du rosé ou des bulles. » Ce sera Montels, un petit village dans le Gaillacois.
Une association solide, inspirée du modèle du conseil
La rencontre avec Arnaud Iffat, œnologue expérimenté ayant travaillé aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, en Bourgogne, dans le Bordelais et dans le Languedoc, est décisive. « Via la Safer [Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, ndlr], j’ai été mis en relation avec un jeune œnologue qui voulait s’installer, mais n’avait pas les capitaux pour le faire. Nous avons donc décidé de nous associer et avons signé l’acquisition d’un petit domaine en juin 2024. »
Stéphane Gautrot, son épouse Christine et Arnaud Iffat prennent les rênes du domaine Puech Roques. Trois mois plus tard, les premières vendanges commencent et les premières bouteilles sortent dès décembre, suivies des premières ventes en janvier 2025.
Leur association repose sur des bases solides. « Vinci Consulting puis Mews Partners étaient des partnerships. J’ai repris les principes posés par Michel Maurino – statuts, engagements des uns et des autres, transparence de ces statuts et engagements, principes de valorisation –, en les adaptant. »
Un vigneron-manager
S’il a changé de décor, Stéphane Gautrot n’a pas laissé son sens de la gestion au vestiaire. « Dans un domaine viticole, on ne se contente pas de ramasser du raisin et de faire du vin : c’est avant tout une société, qui s’apparente à une société de production. » Planification, budget, logistique, marketing : autant de leviers qu’il connaît.
« Ce que j’apporte à Arnaud Iffat dans l’association, c’est la capacité de gestion et de direction d’une entreprise. » Cette rigueur est indispensable, estime-t-il, dans un secteur où « certains petits domaines viticoles ont du mal à s’en sortir, car ceux qui les pilotent n’ont pas les réflexes d’un dirigeant d’entreprise. »
Mais le challenge ne s’arrête pas là. « Le plus gros défi pour un vigneron est de vendre son vin ! » explique-t-il. L’ancien consultant sillonne donc la France pour convaincre cavistes et restaurateurs. « Il faut aller sur le terrain, relancer, se montrer rigoureux, réactif… L’aspect vente est très important. Et il faut de la persévérance. »
Entre apprentissage et projet de transmission
Son BTS de l’École supérieure des agricultures s’avère utile pour dialoguer avec son associé. « Cela m’a permis d’acquérir le langage et un socle de connaissances minimales, pour être dans au bon niveau d'échange avec Arnaud – et pour avoir du répondant face aux cavistes et aux restaurateurs. »
Le démarrage du domaine Puech Roques a été plus exigeant que prévu. « Le contexte est difficile. C'est aussi assez complexe d'un point de vue réglementaire. » Résultat : le couple consacre « quasiment tout son temps » à l’exploitation.
Pour autant, les premiers résultats sont prometteurs. « Sur notre première année, nous allons réaliser nos objectifs de ventes. Nous avons produit 22 000 bouteilles sur le millésime 2024, notre objectif étant de monter à 60 000 en 2031. » Cinq hectares supplémentaires ont été acquis – dont quatre seront dédiés à la vigne – et un caveau de réception permet d’accueillir les visiteurs.
Au-delà de la recherche de rentabilité, Stéphane Gautrot revendique une quête de sens et de partage. « Avec Christine, notre objectif est d’apprendre quelque chose de nouveau, de passer du temps avec nos amis et avec des gens que nous n’aurions pas rencontrés sans ce switch, autour du vin. »
Son regard, désormais, est tourné vers 2034. « L’engagement que nous avons pris auprès d’Arnaud est de lui céder le domaine au bout de 10 ans. C’est aussi un projet de transmission : avoir créé et développé un domaine qui fonctionne très bien pour qu’il puisse en vivre et poursuivre son développement, s’il le souhaite. »
L’expert de la performance de la R&D se consacre donc à présent, pleinement, à la performance viticole.
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