Vendeurs et Acheteurs de conseil, la fin de l'incompréhension ?

 

Le 31 mars, Syntec Conseil en management et la CDAF (Compagnie des dirigeants et acheteurs de France) ont signé un accord pour faciliter les relations et le travail entre les acheteurs et les vendeurs de conseil.

Dans l’accord, six clauses qui doivent lister les principaux points d’achoppements entre les deux professions qui se côtoient trop souvent sans se comprendre. La vie des consultants et des acheteurs va-t-elle réellement changer  ? Réponses de Hervé Baculard, président de Syntec, et de Marc Sauvage, président de la CDAF.

 

04 Jui. 2014 à 07:52
Vendeurs et Acheteurs de conseil, la fin de l'incompréhension ?

 

 

Consultor : Quelles sont les avancées permises par cet accord  ?

Hervé Baculard : Le cadre et les règles des prestations intellectuelles s’inspiraient essentiellement de l’achat de prestation informatique. Cet accord permet une première avancée vers un cadre adapté au conseil en management et en stratégie. C’est particulièrement important parce que les acheteurs sont souvent multi-métiers (informatique, conseil, études…) et qu’ils travaillaient sur la base de prestations en direction des systèmes d’information. Il y avait énormément de clauses sans aucun rapport avec la réalité de nos métiers, sur la responsabilité, sur les obligations de résultats et de moyens, etc. In fine, trois résultats se combinent. D’abord, un équilibre dans les relations. Ensuite, une meilleure protection de nos actifs. Et enfin, un gain de temps. Notre ambition : à chaque fois qu’un cabinet et une entreprise commencent à travailler ensemble, éviter de tout reprendre à zéro, de faire travailler des juristes et de perdre du temps.

Marc Sauvage : L’objectif était aussi de rétablir un dialogue rompu par des préjugés de part et d’autre. Du côté des acheteurs, il n’y a pas de confiance vis-à-vis des consultants parce que, pensait-on, ils s’adressent directement à la direction générale ou ils ne vendent que des hommes/jours. Les acheteurs reprochent aussi aux cabinets d’envoyer sur les missions des consultants qui ne sont pas ceux qui ont été vendus dans les phases amont. Du côté des consultants, on entendait souvent que les acheteurs ne savent pas les codes-prix, qu’ils ne comprennent pas la valeur ajoutée des propositions ou encore qu’ils confondent obligation de résultats et de moyens. Il s’agissait de mettre fin à ces défiances et de rétablir un peu de confiance en se mettant autour de la table. Comment cet accord va-t-il changer le quotidien des deux parties  ? Marc Sauvage : Cet accord va permettre à chaque partie de disposer d’une base de dialogue saine. Pour nos adhérents, c’est un bon outil de travail parce qu’il évite de nouvelles négociations pour chaque mission. Il existe désormais un référentiel.

Hervé Baculard : Ce n’est pas uniquement un accord entre institutionnels. Il s’agit d’abord du résultat d’un groupe de travail sur dix-huit mois entre professionnels des deux côtés. Il se diffuse déjà dans nos entreprises. Nous espérons une transcription de ces clauses dans les conditions générales d’achats ou de vente de chacune des parties. Ce qui prendra un peu de temps. Il faut en particulier que les cabinets de conseil en stratégie s’en emparent. Aujourd’hui, l’enjeu des cabinets de stratégie est de protéger leur actif sur le plan des achats et sur le plan social. Marc Sauvage : Il faut du temps pour une bonne diffusion et pour que tous les acteurs se l’approprient. Idéalement, dans le courant de l’année, le texte sera assez largement adopté par nos adhérents.

L’un des objectifs est-il aussi de mieux se comprendre entre consultants et acheteurs  ?

Marc Sauvage : Les achats ne sont pas les seuls à acheter du conseil, il y a aussi les directions opérationnelles et générales, qui s’appuient sur les achats. Donc il ne s’agit pas d’arrêter d’acheter du conseil, mais de mieux l’acheter, en établissant un certain nombre de clauses qui font en sorte que l’on soit plus respectueux les uns des autres, que l’on ait plus d’écoute, plus de respect de la propriété intellectuelle, plus de respect des attentes de part et d’autre.

Hervé Baculard : Le processus s’inscrit dans le long terme. Le dialogue entre acheteurs et consultants a été mis en place depuis plusieurs années. Par ailleurs, le processus de compréhension ne doit pas occulter les questions d’intérêts propres à chacune des parties. Aujourd’hui, nous devons faire face à une situation générale où la rentabilité de nos sociétés exerçant en France est inférieure à la rentabilité des sociétés exerçant dans d’autres pays d’Europe, pour des raisons de différentiels de charges sociales de plus de 20 %. Nous ne pouvons pas, dans le même temps, essayer de développer la valeur ajoutée, l’essence même de notre profession, et tenir un discours de pression et de contention. C’est ça aujourd’hui qui reste un point de meilleure compréhension, autrement dit pourquoi notre métier est-il perçu comme un investissement plutôt que comme un objet de réduction des dépenses, c’est dans l’intérêt des entreprises clientes du conseil.

Marc Sauvage : C’est vrai que la prestation intellectuelle n’est pas toujours facilement quantifiable, donc nous nous retrouvons dans un schéma où il faut comprendre la valeur ajoutée de la proposition, du contenu et de l’innovation qu’elle peut apporter. Par ailleurs, notre position est aussi de souligner que les acheteurs restent les meilleurs alliés des fournisseurs dans l’entreprise, ce que les consultants ont tendance à oublier. Il vaut mieux s’adresser aux achats tout de suite, construire la proposition plutôt que de faire de « l’avant-vente » auprès des directions générales ou des directions opérationnelles. En général, cela ne se passe pas très bien avec les acheteurs s’ils ont été court-circuités auparavant. Nous avons donc remis l’église au milieu du village en disant que, finalement, nous avons tout intérêt à collaborer très en amont de la vente de la prestation.

Les clauses sont contractuelles sans être contraignantes. Cet accord ne risque-t-il pas de rester un vœu pieux  ?

Hervé Baculard : Aujourd’hui, les cabinets peuvent se prévaloir, s’ils le traduisent dans leurs propres conditions générales de vente, du support de cet accord. Cela leur permettra de ne pas se trouver en situation de réponse aux exigences de telle ou telle entreprise. Mais, bien sûr, l’accord ne peut pas être contraignant puisque nous sommes dans un marché de liberté.

Marc Sauvage : Chacun reste libre de rédiger son contrat, il n’y a aucune obligation pour les adhérents de la CDAF ou de Syntec. Mais cela reste une bonne pratique à partager.

Quelles seront les prochaines étapes pour continuer à améliorer cette dynamique entre acheteurs et consultants  ?

Marc Sauvage : Diffuser autant que possible cet accord dans nos différentes instances. Nous avons décidé de mettre en place un comité de suivi pour mesurer son avancement, qu’il devienne un véritable outil de travail, quitte à le faire évoluer si on voit qu’il y a des éléments qui ne sont pas assez précis ou qui méritent d’être complétés.

Hervé Baculard : Les prochaines étapes vont porter sur l’appréciation de la valeur ajoutée et des référencements. Cet accord vise à une meilleure protection des actifs sur le plan juridique, réglementaire et de la gestion des risques. Il ne traite pas de la valeur ajoutée qui est un chantier différent.

 

Lisa Melia pour Consultor, portail du conseil en stratégie

 

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2021-11-09 11:16:33
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