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Bruno Angles, ex-partner de McKinsey et DG AG2R : à la recherche du temps perdu

Bruno Angles, expert services fi et industrie, 8 ans chez McKinsey dans les années 1990, a depuis 40 ans navigué entre consulting, entreprises publiques et direction de grands groupes…

Barbara Merle
11 Jui. 2025 à 05:00
Bruno Angles, ex-partner de McKinsey et DG AG2R : à la recherche du temps perdu
L’équipe cycliste AG2R La Mondiale au départ du Tour de Grande-Bretagne en 2019 (© Geof Sheppard / CC BY 4.0)

Cet ancien partner de McKinsey et senior partner de Mercer Delta – une ancienne filiale consulting de Marsh McLennan, devenue Oliver Wyman –, aurait aimé avoir cinq vies pros, au moins, et notamment celle de prêtre, au-delà des plus classiques dans le corporate et le consulting. « Et comme on n’a qu’une vie, il était bien d’essayer d’en avoir quand même plusieurs. C’est pour cela que j’ai eu envie d’essayer autant de choses tout au long de ma carrière ! »

À 60 ans, cet ingénieur de formation, triple diplômé d’X (promo 1984) et du Collège des Ingénieurs (1990), a ainsi démultiplié les expériences professionnelles, surfant entre la fonction publique, les entreprises publiques, le corporate, mais aussi le consulting, en particulier chez McKinsey. Comme une insatiable soif de vivre plusieurs vies en une. Et une course contre le temps, une notion essentielle, une quête philosophique même, pour ce Proustien qui en a fait le sujet d’un ouvrage paru l’année dernière, De temps en temps (Éditions du Cerf), dans lequel l’auteur convoque à la fois la science, les arts, la philosophie, le sport, le cinéma et, bien sûr, la vie quotidienne, la famille, le travail…

Un premier test consulting

Photo Bruno AnglesMais celui qui a débuté sa carrière presque naturellement – au vu de sa formation – dans le corps d’État, s’intéressait déjà étudiant au métier de consultant. « Je trouvais que c’était un beau métier. Dans le cadre de mon stage d’un an aux Ponts effectué chez Borie-SAE, devenu Eiffage, j’avais proposé au DG une petite mission de conseil sur l’optimisation de la préparation des chantiers. Mais j’ai préféré avoir d’abord une expérience plus opérationnelle… »

C’est ainsi qu’il entre dans la vie active comme chef du Service des Grands travaux de la DDE Ille-et-Vilaine, puis devient Conseiller technique du cabinet du ministre de l’Équipement (1993-1994), et est promu DG des Autoroutes et du Tunnel du Mont-Blanc (1994-1996). Et il a été servi en fonctions opérationnelles… « Pour mon premier poste, j’ai dû relever le défi auquel personne ne croyait du président du Conseil général Pierre Méhaignerie de livrer avec 18 mois d’avance le dernier tronçon de la quatre voies Rennes-Saint-Malo. Ensuite, en 1993, auprès du ministre Bernard Bosson, j’ai eu à concevoir et à faire des propositions pour réaliser le schéma directeur autoroutier à 10 ans au Premier ministre. Et, à 29 ans, j’ai été nommé à la tête de la société des autoroutes et du Tunnel du Mont-Blanc, une vraie marque de confiance du ministre avec deux gros projets, la construction des autoroutes A41 et A400. »

Le choix stratégique McKinsey

Un tour d’horizon de la fonction publique de 6 années… il était temps de changer de cap. Et là encore, un dilemme entre faire le choix d’une carrière à temps plein d’homme politique ou de dirigeant d’entreprise… Bruno Angles choisit une troisième voie, le conseil en stratégie, chez McKinsey. Un cabinet préféré au BCG, qui lui avait également fait une proposition, pour « un contact encore meilleur avec les équipes de McKinsey », mais également la possibilité d’accéder au partnership plus rapidement. Une décision de repartir à zéro comme « consultant de base » (comme associate consultant), peu commune, mais acceptée « en toute conscience ».

Bruno Angles voulait aussi, par ce choix, être une sorte de consultant couteau-suisse, avec un mot d’ordre, surtout éviter la spécialisation, quelque peu à contre-courant des us et coutumes… « Il y avait comme une pression à la spécialisation. Alors j’ai trouvé un biais, prendre une practice fonctionnelle, responsable France puis Europe de la practice Post-merger management. » Le consultant est cependant avant tout intervenu dans deux vastes secteurs, l’industrie et les institutions financières. Il a été élu partner en 2000, 4 ans après son arrivée.

Un apprentissage théorique et de terrain

Où le consultant a accompagné des opérations de fusion qui ont alors fait grand bruit, notamment les deux tentatives infructueuses de fusion entre Alcan et Péchiney en 1999 (bloquée par Bruxelles en raison de préoccupations concurrentielles) et 2003 (Alcan lance une OPA hostile sur Péchiney qui est acceptée), travaillant notamment aux côtés de Jean-Dominique Sénard, directeur financier de Péchiney et chief integration officer des opérations. « Des missions d’intensités folles pour lesquelles la confidentialité absolue est la règle. 25 ans plus tard, je ne révèlerai rien des raisons de l’échec de la première tentative. » Huit années durant lesquelles « j’ai appris une chose essentielle, le MBTI [l’indicateur de personnalité le plus connu et le plus utilisé au monde, ndlr] ». Original… mais aussi il en a retenu un point-clef, les trois étapes pour faire face à tout problème : le diagnostic « lucide », le plan d’action avec échéances, la mise en œuvre et le suivi. « Ça a l’air bête dit comme cela, mais, si l’on regarde l’action publique depuis des décennies, les hommes politiques de quelque bord qu’ils soient, ne sont que dans le temps 2. Et on en voit les conséquences désastreuses ! »

Allers-retours consulting

Nouveau saut dans la temporalité en 2004. Le groupe Vinci, très X-compatible, propose au partner de 39 ans de prendre la tête de l’un de ses quatre métiers, l’énergie, « une superbe proposition qui répondait à mon souhait de diversité ». Stoppée nette un an plus tard due « aux tempêtes politiques des grands groupes et où l’on m’a demandé en une semaine de quitter le groupe ». Suit un retour à la case consulting, plus simple d’y trouver un job que dans le corporate, mais chez Mercer Delta cette fois. « Je n’avais pas envie d’un retour en arrière en retournant chez McKinsey, et j’avais envie d’un autre type de conseil, plus du counseling que du consulting, et avec un modèle et une population différente, plus senior. »

Bruno Angles arrive chez Mercer Delta en qualité de senior partner en 2006, une filiale de Mercer, spécialisée dans le conseil en transformation du leadership et en accompagnement du changement au sein des grandes entreprises. Et des missions essentiellement dans les secteurs fi (notamment la postfusion Saint-Honoré/Siaci) et l’industrie/les transports (en 2007, sur l’avenir du secteur ferroviaire pour la SNCF et RFF). Et une nouvelle corde à l’arc de Bruno Angles. « Dans cette période Mercer, ce qui a également été important pour moi, c’est de pouvoir parallèlement être administrateur au sein d’entreprises et d’organisations, une chose inconcevable chez McKinsey. »

Un DG consultant-friendly ?

Ses années de conseil en stratégie l’ont en tout cas convaincu d’une chose : le consulting reste une excellente école de formation. Et le dirigeant aura au cours de sa carrière recruté certains de ses anciens collègues, à l’instar de l’un d’entre eux en 2023, Antoine Pochart, chez AG2R comme directeur adjoint du cabinet du DG, pas issu de son cabinet de cœur, mais de CVA (près de 10 ans dans ce cabinet), « qui apporte un supplément de rigueur et Antoine a fait un travail extraordinaire ».

Quid de ses pairs issus de Polytechnique ? Bruno Angles, président des alumni de X entre 2015 et 2019, reconnait que le secteur du conseil en stratégie est certainement un peu moins attractif pour les Polytechniciens aujourd’hui que dans les années 1990. « À l’époque, nous recrutions un candidat sur 100, c’était très valorisé. » La faute peut-être à la croissance des cabinets, « qui les a conduits à ajouter des lignes métiers plus opérationnels et limiter la proximité avec les CEO qui faisait leur marque de fabrique et leur attractivité ».

Entre 2007 et 2025, Bruno Angles a aussi dirigé trois grands groupes du secteur financier : Macquarie (Président France et Europe Continentale de l’Ouest), le Credit Suisse (Président France et Belgique), et AG2R La Mondiale (DG délégué, puis DG). Une expérience majeure de près de 4 ans (entre 2021 et février 2025) chez un acteur majeur de la protection sociale et de l épargne en France. Un vaste groupe mutualiste, à but non lucratif, 14 000 collaborateurs, 500 000 clients, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros en 2024.

Y a-t-il un fil rouge qui a guidé l’ensemble de sa carrière ? Démultiplier les expériences et capitaliser sur les expériences précédentes. En qualité de dirigeant, Bruno Angles a par ailleurs peu sollicité les cabinets de conseil en stratégie. Un choix assumé, nourri par sa conviction : dans le monde corporate, la méfiance vis-à-vis des consultants reste tenace. « J’ai choisi de ne pas avoir le réflexe consultant. Lorsque nous avons préparé le plan stratégique d’AG2R La Mondiale, nous n’avons pas fait appel du tout aux cabinets externes. C’était aussi une façon pour moi de voir ce que les membres du comex avaient dans le ventre. Je n’aime pas voir les dirigeants venir présenter des slides sur lesquels ils n’ont pas travaillé et sans apporter leur patte personnelle. » En revanche, lorsqu’il s’est agi d’un sujet de transformation majeure du système d’information de l’acteur assurantiel, l’ancien consultant n’a pas hésité à faire appel à EY, « dans un rôle de project office qui a vraiment apporté quelque chose ».

Président de la revue en ligne Polytechnique Insights depuis février dernier, Bruno Angles n’a pas dit son dernier mot « conseil en stratégie ». Il se voit bien à terme dans un rôle de senior advisor… Quant au cabinet dans lequel il aimerait intervenir, il se laisse le temps…

McKinsey
Barbara Merle
11 Jui. 2025 à 05:00
tuyau

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commentaires (1)

Regard amusé
12 Jui 2025 à 09:29
Bruno Angles incarne un archétype bien français : celui du haut fonctionnaire passé par tous les cercles du pouvoir – administration, cabinets ministériels, grands groupes, conseil en stratégie – sans jamais qu’on ne questionne réellement la valeur produite. L’article célèbre un parcours aux titres prestigieux, mais élude les résultats concrets de ses actions. Tout y est : X-Ponts, McKinsey, la DDE, AG2R… mais rien sur l’impact mesurable ou l’innovation réelle. La carrière est racontée comme une série de rôles brillants plutôt qu’une construction de long terme. L’autosatisfaction biographique l’emporte sur toute exigence d’évaluation. Cette mise en récit illustre une élite qui confond trajectoire sociale et performance, dans une logique de prestige circulaire. Au fond, plus qu’un homme, c’est tout un système qui s’exprime ici : celui d’un pouvoir sans compte à rendre.

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services financiers

Adeline
services financiers
Bruno Angles, McKinsey, AG2R La Mondiale, conseil en stratégie, services financiers, industrie, fonction publique, Mercer Delta, Marsh McLennan
14599
McKinsey
2025-06-10 20:19:35
1
Non
De McKinsey à AG2R, la trajectoire de Bruno Angles
Fonction publique/entreprises publiques, directions de grands groupes corporate, monde du conseil : Bruno Angles a souhaité vivre plusieurs vies.
L’ancien partner de McKinsey, qui y a passé 8 ans à partir de 1996, plus tard senior partner chez Mercer Delta (filiale de Marsh McLennan devenue Oliver Wyman), a essentiellement accompagné des clients de l’industrie et des services financiers comme consultant. Il a aussi dirigé plusieurs grands groupes, tels que Credit Suisse, Macquarie ou AG2R La Mondiale.
Et il n’a pas manqué de fonctions opérationnelles dans sa vie, œuvrant notamment comme DG des Autoroutes et du Tunnel du Mont-Blanc de 1994 à 1996.
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