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SIA, success-story du conseil français : Matthieu Courtecuisse l’Américain

Un apport initial de 9 000 euros pour un cabinet désormais valorisé à plus d’un milliard. Intuition, travail acharné, cumul de Miles : retour sur une grande aventure fondée principalement sur la croissance organique.

Lydie Lacroix
23 Mai. 2025 à 05:00
SIA, success-story du conseil français : Matthieu Courtecuisse l’Américain
Matthieu Courtecuisse (D.R.)

En 1999, Sia Conseil voit le jour sous l’impulsion de Matthieu Courtecuisse et de deux jeunes diplômés de CentraleSupélec. Lui a fait l’ENSAE. Il vient de passer 3 ans à la Banque mondiale et de regagner Paris.

26 ans plus tard, Matthieu Courtecuisse est l’unique pilote d’un cabinet qui a vu Blackstone – numéro 1 mondial des gestionnaires d’actifs alternatifs, 1 200 milliards de dollars sous gestion en 2024 –, intégrer son capital via une participation minoritaire qui valorise Sia au-delà du milliard d’euros.  

Une carte prestige et business. «Blackstone a accès à presque tous les dirigeants aux États-Unis. Le fonds, qui est très proche de toute la Big Tech, est un accélérateur de discussions avec nos partenaires technologiques.» Il faut savoir «que les GAFAM ont peu de considération pour les marques de cabinets de conseil en stratégie, car ils ont en interne une puissance analytique et stratégique supérieure». D’où l’intérêt de s’adosser à la marque Blackstone, qui rayonne dans le monde entier. Pour Sia, c’est aussi un atout «au Royaume-Uni, au Moyen-Orient ou encore au Japon».

Débit accéléré, mots simples, propos cash (que nous n’avons pas tout à fait retranscrits tels quels) : Matthieu Courtecuisse va droit au but et joue tout autant de pragmatisme que d’intuition.

«L’entreprise d’une vie»

C’est ainsi que Matthieu Courtecuisse qualifie son cabinet. «Au bout de 2 ans, je savais que ce serait mon projet professionnel exclusif.»

Et s’il n’aime pas «parler de lui», il se montre volubile pour évoquer le développement du « projet » en question. Les fondations du cabinet notamment, posées par 3 personnes de 25 ans «n’ayant jamais travaillé dans le conseil».

Pas d’expérience en cabinet de son côté, mais 3 ans de projets auprès de la Banque mondiale – au sein de l’IFC, le fonds de PE dédié aux pays émergents. «J’avais contribué au déploiement d’Infodev, qui finançait de l’infrastructure pour développer de l’Internet, du digital et faire des sauts technologiques dans ces pays.» Sa transition vers le conseil, d’abord en freelance, s’est faite à la demande «de ministres des pays africains» où il était intervenu.

Vient la création de Sia Conseil, son nom initial. Les trois cofondateurs exploitent leurs contacts. Le cabinet fédère rapidement une vingtaine de consultants, «dans une logique opportuniste». Volatilité des contrats oblige – l’un des gouvernements qu’ils conseillent est renversé par un coup d’État –, ils doivent renforcer leur portefeuille clients. «Mais nous étions des nouveaux venus dans ce métier.»

Ils ont alors «l’intuition» de se développer sur des marchés où il n’existe pas de prime à l’antériorité : «La déréglementation du secteur des utilities, avec une dimension de transition énergétique et, dans le secteur bancaire, la surrèglementation sur le capital des banques.» Sia Conseil conçoit des offres dédiées de conseil organisationnel qui assurent son développement durant 10 ans.

Différentes practices sectorielles s’ajoutent, en France puis en Europe. Et, bientôt, une dimension de transformation digitale. Sia ne serait pas Sia sans le virage pris «en 2011-2012, vers ce que l’on n’appelait pas encore l’IA, mais la data».

En 2012 toujours, Sia Conseil s’élance vers les États-Unis, devenant Sia Partners.

20 millions de Miles glanés en 10 ans

Comment bâtir une entreprise, dans le domaine du conseil, «susceptible d’intégrer le top 15, voire le top 10 mondial» ? Pour Matthieu Courtecuisse, la réponse passe par une présence – et une reconnaissance – sur le sol US.

Le CEO-cofondateur de Sia dispose d’un atout : il a démarré sa carrière sur place. À l’inverse, de nombreux patrons de cabinets de conseil français «ne maîtrisent pas toujours la dimension culturelle, qui va au-delà d’être bilingue, ce qui reste parfois un défi». Pendant près de 10 ans, Matthieu Courtecuisse se dédouble. Il enchaîne vols internationaux et domestiques, sillonne les États-Unis tout en gérant le groupe et la France en direct. Outre cette implication totale, il faut avoir «un peu de chance pour trouver les bons clients», reconnaît-il.

Focus initial sur les services financiers, Sia adopte une approche par cercles concentriques : «les banques françaises, européennes, canadiennes et, enfin, américaines». Actuellement, ces dernières constituent l’essentiel de ses revenus dans ce secteur. «Au total, Sia réalise 200 millions de dollars de CA aux États-Unis, et ses clients français représentent 2 % du total. Il est impossible de survivre aux US avec la seule clientèle française.»

Outre les services financiers, dès 2019, Sia investit le secteur de la tech, malgré les postures «anti-consultants» de Jeff Bezos ou Elon Musk. Mais Matthieu Courtecuisse mise sur l’essor de ces organisations, intuitant que l’extrême complexité des géants de la tech «en fera les premiers consommateurs de conseil». Actuellement, Google sert «3 milliards de clients, mobilise 200000 contractors et fait face à 600 régulateurs, soit 10 fois plus qu’une grande banque». Matthieu Courtecuisse a vu juste : Sia fait partie des cabinets sollicités, notamment sur la partie réglementaire. Le secteur de la tech représente 40 % de ses revenus aux US, devant les SF.

Un 3e secteur se révèle porteur, celui des Life Sciences, 15 % de son CA réalisé auprès de 100 clients. Malgré les pressions de l’administration Trump, Matthieu Courtecuisse estime que le cabinet «a la capacité de faire le dos rond jusqu’aux midterms». Sachant qu’une partie des projets sur lesquels travaille Sia – «les vaccins thérapeutiques contre les cancers de la peau, par exemple» - avait déjà été financée par l’administration Biden.

Et parce que son modèle est avant tout fait de croissance organique, deux nouvelles verticales ont été lancées : les biens de consommation, et les utilities qui développent «une activité complémentaire pour fournir les data centers». Des data centers au cœur des appétits capitalistiques actuels : Blackstone y a déjà investi 80 milliards de dollars… Matthieu Courtecuisse fait ici le pari que les énergéticiens vont faire appel au conseil, et à Sia en particulier.

Un ancrage américain réussi et des relais de croissance externe

Du côté des effectifs, le cabinet y emploie 200 personnes dès 2018, plusieurs acquisitions lui permettant ensuite d’atteindre les 750. Aujourd’hui, Sia réalise plus de 40 millions de dollars de chiffre d’affaires auprès de l’un de ses clients américains. «Dans le secteur du conseil, même McKinsey ou le BCG y parviennent rarement.»

Au niveau local comme mondial, la croissance de Sia a été assurée de façon organique durant plus de 15 ans. Le cabinet a ensuite procédé par acquisitions, plus de 20 désormais, «toujours très ciblées». Représentant «moins de 20 % du revenu total », elles se sont révélées décisives «pour ouvrir l’Australie par exemple, ou sécuriser la trajectoire de Sia aux US». Et pour se doter de nouvelles briques d’expertises : c’est le cas de la plus récente, le cabinet de conseil en strat’ britannique The Upside, axé sur la stratégie de marques. Sia se veut cabinet de conseil en transformation, sous tous ses aspects.

L’avenir des cabinets passe par l’upskilling des partners

Si Matthieu Courtecuisse a présidé Syntec Conseil de 2018 à 2023, sa vision du secteur relève sans doute, en grande partie, d’un mode de raisonnement très personnel.  

Selon lui, tous les cabinets de conseil n’ont pas encore pleinement saisi «l’ambition transformatrice associée à l’adoption des technologies». Des propos qu’il n’aurait pas imaginé tenir il y a 25 ans, lui qui pensait «ne jamais conclure de partenariat technologique». Son cabinet, comme tous les « grands » du conseil, en a noué plusieurs, notamment avec Nvidia. Sia a aussi développé sa propre entité de data/IA/GenAI/computer vision, Heka, qui emploie 400 personnes, soit «15 % de [ses] effectifset 50 % de [ses] sujets ».

Quid de l’impact de l’IA au sens large, précisément ?

Matthieu Courtecuisse anticipe «la disparition de certaines missions de PMO, et l’automatisation de prestations dans le change management». Idem sur le customer insight ou le pricing, pour lesquels il devient compliqué «de ne pas être outillé».

Cela affecte le recrutement. Une vigilance accrue sur «le bagage mathématique, analytique, logique» est nécessaire. Sachant que le recours aux consultants juniors risque de diminuer – quand le nombre d’ingénieurs IA/consultants devrait, à l’inverse, croître.

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Et les profils seniors ? Sur le marché du conseil, « une bonne partie des partners sont dépassés, car les impacts au niveau des relations clients, des sujets à traiter, etc., sont massifs. » Pour eux, l’upskilling relève de l’urgence.

Quant aux cabinets eux-mêmes, les plus fragilisés sont ceux qui n’ont pas intégré la disruption assez tôt, et ceux qui n’ont pas les moyens d’investir, même s’ils ont « l’intention stratégique ». D’ailleurs, selon Matthieu Courtecuisse, on observe actuellement « un flux énorme de cabinets de conseil à vendre ».

La prochaine étape pour Sia : intégrer « le club Davos »

L’objectif de Matthieu Courtecuisse est donc de figurer dans le top 15, voire 10, du secteur. Cela correspond aux cabinets susceptibles d’être « knowledge partners », autrement dit, capables de « sponsoriser Davos, ce qui coûte de 2 à 2,5 millions d’euros ». Ou, depuis 2017, de sponsoriser le FII (Future Investment Initiative) lancé par l’Arabie saoudite, « pour 1,5 million ».

La douzaine de cabinets appartenant à ce ou ces « clubs » réalisent, a minima, 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Moyennant cette configuration, un cabinet est en mesure « de cadrer tous les événements qui peuplent l’agenda du CEO à l’échelle mondiale ».

Matthieu Courtecuisse compte plus que jamais se fier à « Sia » – la personnification de l’intuition dans la mythologie égyptienne.

Lydie Lacroix
23 Mai. 2025 à 05:00
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Adeline
Monde
Sia, Matthieu Courtecuisse, cabinet de conseil, croissance organique, Blackstone, valorisation, implantation, États-Unis, transformation digitale
14541
2025-05-23 09:17:52
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Sia, l’entreprise d’une vie pour Matthieu Courtecuisse
De 9 000 € à plus d’un milliard de valorisation : le fondateur de Sia, Matthieu Courtecuisse, a été guidé par l’intuition et le sens des transformations à venir.
Sans expérience en cabinet, Matthieu Courtecuisse cofonde Sia en 1999 avec deux anciens de CentraleSupélec. Misant sur des activités ne nécessitant pas « d’antériorité », il s’intéresse très tôt à ce qu’on nomme alors la data, désormais l’IA.
Il implante son cabinet à la force du poignet aux US, et réussit, tout en se fondant sur une croissance organique adossée à des acquisitions très ciblées.
26 ans après sa création, l’entrée de Blackstone au capital de Sia valide sa trajectoire.
Prochaine étape : intégrer « le top 15, voire le top 10 mondial » du secteur du conseil.
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