« Les sujets de conseil en stratégie les plus intéressants sont désormais gérés en interne » – Xavier Auburtin, AMC, ministère des Armées
Après des années d’externalisation massive du conseil, le ministère des Armées a décidé de se doter d’une capacité souveraine dédiée : l’Agence ministérielle de conseil (AMC). Structuration, bilan à un peu plus d’un an : Consultor fait le point.
Si cette entité porte le nom « d’agence » – par souci « de lisibilité dans l’environnement des métiers du conseil » –, elle n’en a pas la qualification juridique. Son équipe est logée au sein de la Délégation à la transformation et à la performance ministérielles (DTPM) du ministère.
Officiellement initiée en avril 2024 et mise en place l’été suivant, l’AMC est devenue « l’unique point d’entrée des sujets de conseil au sein du ministère », explique Xavier Auburtin, ancien associé (de longue date) d’Accenture qui en a pris la tête.
La mission de l’Agence, notamment : renforcer le suivi et le contrôle des dépenses de conseil externe.
Photo « sur le vif » de l’Agence et de son équipe
Composée de 34 consultants (équivalents temps plein), principalement civils, l’AMC regroupe d’anciens consultants du privé, des fonctionnaires et des personnels militaires. Basée initialement sur des ressources existantes « partiellement restructurées », elle a depuis sa création intégré 9 nouveaux collaborateurs. Et d’autres recrutements seraient prévus, à savoir « 4 ou 5 consultants, assez rapidement. Nous ouvrons de nouveaux postes et devons également remplacer un peu de turnovers ».
Les profils « stratégie et organisation » recherchés – sur des grades de consultants seniors, managers et senior managers – sont « de haut niveau, diplômés de l’INSEAD, de l’ESCP ou de l’X », entre autres. Certaines candidatures récentes « arrivent de Kearney ou du BCG. Nous chassons dans les mêmes sphères que les cabinets privés », assure Xavier Auburtin.
Hors périmètre du ministère des Armées, une autre « agence » (qui n’en a pas la qualification juridique non plus) a été lancée à la même période par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) : l’Agence de conseil interne de l’État.
Une entité qui affiche des ambitions comparables, moyennant des effectifs supérieurs : 75 agents étaient visés à fin 2024. In fine, le site de la DITP mentionne actuellement « 55 spécialistes du conseil en transformation, en organisation et en excellence opérationnelle ». En son sein, les profils passés par les cabinets privés de conseil en stratégie restent limités.
Les deux structures se rejoignent toutefois dans leur volonté d’internaliser les compétences de conseil. Ceci en capitalisant sur les méthodes des grands cabinets, tout en réduisant la dépendance à leur égard.
Un premier bilan d’activités
En un an, de juin 2024 à juin 2025, les équipes de l’AMC ont mené 53 missions, ce qui représente 4 126 jours-hommes. Seules 10 % d’entre elles ont été conduites en mode hybride avec des consultants externes. « Nous sommes capables de travailler tout seuls, ou de laisser des consultants externes travailler directement avec les bénéficiaires – après avoir contrôlé tout le cycle – ou encore de travailler en mode hybride avec des consultants externes. On est alors dans un modèle où les missions sont pilotées par l’AMC : soit nous embarquons des consultants de notre équipe, soit nous sous-traitons une partie des chantiers ou activités à des cabinets de conseil externes. »
Selon Xavier Auburtin toutefois, « plus les sujets sont stratégiques, moins ils peuvent être sous-traités à l’externe. À certains endroits, un traitement hybride ne fonctionne pas ».
L’Agence ministérielle de conseil comprend trois pôles : stratégie et organisation, innovation managériale et accompagnement du changement, design de service et innovation d’usages.
Conseiller la Défense de l’intérieur
Parmi les grands chantiers menés : la création du Commissariat au numérique de défense, pour lequel l’AMC a accompagné « la fusion de trois entités du ministère des Armées, tout en élaborant le plan stratégique ». Elle a aussi conseillé le Service historique de la défense – un service d’archives et d’histoire – « dans la définition de ses ambitions à 3 ans et de sa feuille de route de transformation ».
Côté conseil en organisation/conseil opérationnel, l’équipe a contribué au développement « de la nouvelle politique armée-jeunesse » et a aidé à la définition « de modèles opérationnels cibles de fonctions support ». Sachant que le conseil en stratégie et organisation représente « 37 % de l’activité globale de l’AMC ».
L’Agence intervient sur des sujets de conseil « classiques – RH, numérique, organisation – mais aussi, désormais, sur des missions liées au champ opérationnel des armées. Notre valeur ajoutée se trouve là », souligne encore Xavier Auburtin.
L’AMC, moteur de transformation ou simple contrepoids au conseil externe ?
Pour le directeur de l’AMC, les consultants de l’Agence « doivent être aussi “bons” que des consultants externes à l’état de l’art, tout en maîtrisant les spécificités du monde de la défense et de la fonction publique. »
Cette hybridation se reflète dans la stratégie d’achat de conseil externe, repensée sous la houlette de l’AMC. L’accord-cadre bientôt en vigueur – dont les résultats seront connus fin novembre – rationalise les prestations et réduit fortement les montants alloués. « Nous avons divisé l’enveloppe globale par 3 ou 4 pour tenir compte de l’injonction gouvernementale de réduction du recours au conseil externe et, aussi, de la prise en charge croissante des missions par notre Agence. »
Dans le détail, toute demande de prestation externe passe désormais par l’arbitrage de l’AMC, qui évalue la capacité interne à réaliser la mission, le plan de charge et la soutenabilité budgétaire.
Et l’Agence n’est pas le seul outil dont le ministère des Armées s’est doté pour encadrer son recours au conseil externe. « Cela s’inscrit dans la continuité d’une démarche initiée dès 2019 par la mise en place d’un comité spécialisé de validation des achats de conseil », tient à préciser Xavier Auburtin.
Selon le Jaune budgétaire adossé au Projet de loi de finances 2026, un comité d’orientation stratégique – qui définit et articule les priorités d’intervention de l’AMC –, valide « tout besoin de prestation externe supérieur à 500 000 € », tandis qu’une application de datavisualisation, QlikSense, permet de suivre en temps réel les consommations de crédits.
Objectif : éviter les doublons, assurer le transfert de compétences et garantir la « souveraineté » des analyses et des choix.
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Voici un appel d’ordre des plus stratégiques attendu depuis des mois. Le ministère des Armées lance aujourd’hui un nouvel appel d’offres (AO) pour la « réalisation de prestations de conseil au profit des organismes et services du ministère des Armées et de ses établissements publics ». Cet accord-cadre, divisé en 4 lots (dont 2 pour du conseil en stratégie), « alloti à bons de commande et à marchés subséquents… en partie sans remise en concurrence et en partie avec remise en concurrence », est estimé à 17 millions d’euros (M€), et débutera au 1er janvier 2026 pour prendre fin en décembre 2029.
En perspective, on peut noter qu’en 2024 – une année durant laquelle l’Agence ministérielle de conseil a été active 7 mois et qui relevait du précédent accord-cadre –, les « autorisations d’engagement » relatives au conseil externe ont augmenté de 33 % par rapport à 2023, atteignant un peu plus de 24 millions d’euros (AE nettes). Un montant qui reste « en deçà du plafond de 25,1 millions d’euros qui avait été fixé au ministère par Bercy », indique Xavier Auburtin.
Au sein de cette grosse enveloppe, le conseil en stratégie et organisation a bénéficié d’un peu plus de 6,8 millions d’euros. « Des commandes pluriannuelles ont été passées en début d’année 2024, avant une baisse constante au cours de l’année, effet de la création de l’AMC. »
Mais l’essentiel des dépenses – 15,3 millions d’euros – est du ressort des études techniques et du conseil métier, « inhérentes aux efforts d’équipements engagés dans le cadre de loi de programmation militaire ». Ce serait « notamment dans ce cadre » que Deloitte Conseil a décroché la plus grosse commande du ministère des Armées – d’un montant dépassant les 4,4 millions d’euros.
Pour Accenture, qui a bénéficié de la deuxième plus grosse commande à près de 1,7 million, on ignore quel a été le périmètre couvert (ces informations « nécessitant une diffusion restreinte incompatible avec leur publication dans ce rapport », lit-on dans le Jaune budgétaire).
La croissance de l’AMC sera calibrée en fonction des besoins
À court terme, l’Agence vise un volume annuel d’environ 5 000 jours-hommes. Sa croissance se fera progressivement, en concertation avec le comité d’orientation stratégique. « Notre modèle actuel tient la route, et nous ajusterons notre taille au fil des besoins », précise le directeur de l’AMC, qui est membre de l’Association française du conseil interne (AFCI).
Quant aux raisons ayant conduit Xavier Auburtin à rejoindre l’Agence ministérielle de conseil pour la piloter, après 18 ans passés chez Accenture, elles relèvent « du goût de l’aventure entrepreneuriale. Bien qu’il puisse sembler contre-intuitif de créer et développer une entité de conseil au sein d’un ministère, c’est passionnant ».
Chez Accenture, depuis environ 10 ans, le ministère des Armées était le client quasi exclusif de Xavier Auburtin. Or, selon lui, « les sujets de conseil en stratégie et organisation les plus intéressants sont désormais gérés en interne ».
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