Conseil en stratégie aux PME-ETI : « Small is beautiful » ?
Les PME et les ETI créent la moitié des richesses générées par les entreprises françaises. Mais elles ne représentent qu’une petite fraction du conseil en stratégie. Quels sont leurs besoins en la matière ? Et où trouvent-elles l’accompagnement dont elles ont besoin ?
Les PME et les ETI créent la moitié des richesses générées par les entreprises françaises. Mais elles ne représentent qu’une petite fraction du conseil en stratégie. Quels sont leurs besoins en la matière ? Et où trouvent-elles l’accompagnement dont elles ont besoin ?
PME et ETI vivent dans le même monde chaotique et imprévisible que les grandes entreprises. Elles ont tout autant besoin de connaître leur environnement pour s’orienter et définir leur direction. Mais la stratégie a un coût. Elle requiert de l’information de haute qualité, difficile à extraire, et de longues heures de travail d’expert. Comment rendre de telles prestations accessibles aux moindres budgets des PME-ETI ? Nous avons posé ces questions et d’autres à Vincent Beaucourt, directeur général du cabinet Katalyse, un cabinet de conseil en stratégie positionné sur ce marché depuis sa création en 1990.
Tous les chemins mènent aux PME-ETI
« Small is beautiful too », aime à dire Vincent Beaucourt. « Beautiful », mais aussi nombreuses. Selon l’Insee (chiffres pour 2021, les plus récents disponibles), si l’on ne tient pas compte des quelque 4,3 millions de microentreprises, il y a en France de l’ordre de 159 000 PME, 6 600 ETI, et moins de 300 grandes entreprises. Certes, ces dernières représentent près de 1 salarié français du privé sur 3. Mais PME et ETI en emploient 54 %, et produisent 48 % de la valeur ajoutée. L’enjeu économique et social est considérable.
Du point de vue du conseil, les PME-ETI sont un marché en soi, et une simple recherche sur Google livre une longue liste de noms de cabinets positionnés sur le conseil aux PME, PME et autres ETI. Mais ces entreprises peuvent également être approchées indirectement, via leurs parties prenantes. C’est ainsi qu’à côté de l’approche directe, Katalyse distingue d’autres « univers de clientèle », qui représentent autant de canaux par lesquels ces entreprises peuvent recevoir du conseil en stratégie – ou en être l’objet.
• Un premier canal est celui des « fonds d’investissement spécialisés dans les small et mid caps, qui vont financer nos recommandations stratégiques auprès des PME-ETI dans lesquelles ils envisagent d’investir, explique Vincent Beaucourt. Pour nous, ces fonds jouent à la fois un rôle de prescripteurs et de clients ». Le fait de recourir à un investisseur de ce type, pour une PME-ETI, permet donc d’accéder à du conseil en stratégie qu’elle ne pourrait sans doute pas s’offrir seule.
• 2e voie d’accès : les collectivités. Par leur intermédiaire, un cabinet comme Katalyse peut se retrouver à « faire du conseil en marketing aux startups d’un incubateur, éclairer le déploiement ou la requalification d’un parc d’activités économiques, aider un territoire à attirer des PME innovantes ou à développer une filière économique (par exemple la filière Bois ou encore l’industrie 4.0 ». À chaque fois, les PME sont donc bénéficiaires directes, comme dans le cas de l’incubateur, ou indirectes, lorsque le conseil vient créer ou optimiser un écosystème d’accueil favorable aux petites et moyennes structures.
• La 3e voie s’apparente à la 2e: ce sont les fédérations professionnelles et les organismes qui gravitent autour, tels que « les pôles de compétitivité, les associations professionnelles, les opérateurs de compétences (Opco), leurs observatoires ou leurs branches elles-mêmes ». Là encore, les PME-ETI sont des cibles indirectes, lorsque la mission du cabinet consiste à faire de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences pour un secteur ; mais elles peuvent aussi se retrouver directement en contact avec un consultant en stratégie, lorsqu’un Opco, par exemple, contracte avec un cabinet pour qu’il accompagne ses adhérents. C’est ainsi que Katalyse a pu se retrouver à effectuer « des missions flash pour les PME adhérentes de l’Opcommerce ».
• Une dernière porte d’entrée est la grande entreprise. Celle-ci « va solliciter nos services non pas pour sa propre stratégie, mais par exemple pour optimiser son panel de fournisseurs (qui intègre des PME-ETI) ou conseiller un de leurs sites de production assimilable à une PME. Nous pouvons aussi intervenir pour aider une grande entreprise en restructuration, soumise le cas échéant à l’obligation de revitalisation. Certaines de ces actions de revitalisation sont en effet dédiées aux PME ».
Qui conseille les PME-ETI ?
Ces divers canaux – en particulier les fonds d’investissement – contribuent à expliquer comment les grosses PME et les ETI peuvent accéder, via d’autres financeurs et donneurs d’ordres qu’elles-mêmes, aux prestations de grands et moyens cabinets de conseil en stratégie généralistes.
Mais si Katalyse jouit d’une ancienneté et d’une longévité enviable sur ce secteur de marché, il n’est pas le seul à le cibler. Selon Vincent Beaucourt, cependant, il s’agit « souvent de cabinets ou des consultants indépendants spécialisés dans des secteurs très précis ». Rien n’interdit pour autant à une grosse PME ou une ETI de se tourner vers les grands cabinets, dont les noms rassurent. Mais le budget sera vite un problème.
Des organismes institutionnels s’occupent aussi de conseil au tissu de PME, soit directement, soit indirectement. « Certains acteurs, comme les chambres de commerce ou BPI France, peuvent être à la fois des concurrents – en proposant des prestations de conseil auprès des PME – et des partenaires – en nous mettant en relation avec des dirigeants de PME-ETI. BPI France habilite certains consultants dans le cadre des programmes Accélérateurs PME, mais il s’agit de missions extrêmement normées et calibrées, avec des prix de journée imposés et très faibles. »
Plutôt que d’engager des dépenses lourdes, les PME vont parfois chercher dans leur entourage immédiat, et faire par exemple confiance à leur expert-comptable. L’avantage est qu’il connaît bien l’entreprise. Mais pour Vincent Beaucourt, « un expert-comptable adoptera un angle très chiffré à partir des données dont il dispose… déjà. Il aura tendance à chercher les clés sous le réverbère, là où une vraie prestation de conseil consiste précisément à éclairer au-delà ».
La vraie difficulté, cependant, quand on cherche à vendre des prestations de conseil aux PME-ETI, c’est la réticence à s’engager. « Notre principal concurrent, c’est la non-commande ! Qu’il s’agisse d’une non-formulation du besoin, en amont, ou de la décision de ne rien faire après des mois de réflexion. » C’est l’une des grandes difficultés de ce marché, pour Vincent Beaucourt. « Le conseil en stratégie pour ce segment de marché relève un peu du sacerdoce. Les PME-ETI ne formalisent pas nécessairement leurs projets stratégiques. Quand elles le font, elles ne le font pas nécessairement avec l’appui d’un conseil, et si elles le font, la stratégie d’une entreprise, par nature, ne se redéfinit pas tous les ans. Et l’effort commercial est ainsi considérable : nous pouvons passer des mois à chercher à convaincre une direction, parfois en vain. » Ainsi, de cette entreprise industrielle « qui voyait son chiffre d’affaires stagner, et qui souhaitait mettre en lumière ses relais de croissance. C’est une ETI qui n’a jamais recouru au conseil en stratégie ; il a fallu 7 mois pour convaincre chacun des membres de son codir ».
L’étude de marché vue par les PME-ETI : une enquête de terrain
Comment se passe une étude de marché pour une PME ? « Souvent, il s’agit de marchés de niche, sur lesquels aucune donnée n’est disponible. Des chiffres existent à l’échelle macro, mais pas à un niveau de granularité suffisant. Nous avons élaboré le projet stratégique à 5 ans d’Hésus, une entreprise de l’économie circulaire dans le secteur du BTP, dont le métier consiste à “trouver une seconde vie” aux terres excavées sur un chantier pour servir de remblai sur un autre. Un domaine dans lequel vous ne trouverez pas de données sur Internet ! » Comment s’y prend-on pour « créer » la donnée manquante ? « Il faut aller chercher l’information sur le terrain, en organisant des entretiens qualitatifs avec des acteurs du domaine concerné, entreprises, clients, fournisseurs. Nous devons créer les données, établir les ordres de grandeur, dresser le panorama concret du marché. Pour cela, il faut convaincre des interlocuteurs très occupés de nous accorder du temps, ce qui s’avère de plus en plus difficile… mais résolument utile. »
Une tâche ardue, mais intellectuellement stimulante pour un jeune consultant, affirme Vincent Beaucourt. « C’est un travail de détective, pour lequel il faut être pugnace et patient, et que ni Internet ni l’intelligence artificielle ne peuvent remplacer. » L’enjeu, pour une PME-ETI, est souvent vital : il s’agit de se décider à investir, ou non, dans un nouveau marché, avec peu de droit à l’erreur. « Cela requiert, de la part des consultants, une combinaison de confiance en soi et d’humilité – nécessaire pour s’adresser à des dirigeants. »
Apporter ce type d’expertise de haut niveau à des petites structures aux moyens limités relève souvent de la quadrature du cercle. « Ce sont des entreprises qui ne disposent pas de sommes importantes à consacrer au conseil. Il s’agit de missions qui vont de 30 000 à 130 000 €, et il y a des missions “flash” en dessous de ces montants. » Inévitablement, cela se traduit par « des prix de journée nettement moins élevés que ceux pratiqués par les grands cabinets. Nos consultants les plus expérimentés facturent moins que les prix moyens des grands cabinets de conseil en stratégie. Si nous pratiquions les tarifs des grands, nous ne pourrions même pas entrouvrir les portes de nos clients ».
Le marché du conseil en stratégie aux PME-ETI obéit donc à un modèle économique et professionnel bien spécifique, impliquant souvent des rémunérations moindres pour les consultants. Pour ces derniers, l’attrait résidera davantage dans l’intérêt intellectuel des missions et dans le sentiment de contribuer à un enjeu économique majeur : aider au développement du tissu des PME françaises.
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commentaires (1)
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France
- 11/11/24
Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.
- 08/11/24
Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.
- 15/10/24
Début octobre, deux nouveaux partners ont disparu de la liste des associés de la Firme : Guillaume de Ranieri, poids lourd du cabinet où il évoluait depuis 24 ans, et Xavier Cimino, positionné sur une activité stratégique.
- 07/10/24
Doté d’un parcours dédié presque exclusivement au conseil (BCG, Kearney, Accenture - entre autres), Mathieu Jamot rejoint le bureau parisien de Roland Berger.
- 03/10/24
Depuis avril 2024, les arrivées se succèdent : après Jean-Charles Ferreri (senior partner) et Sébastien d’Arco (partner), Thierry Quesnel vient en effet renforcer les forces vives, « pure strat » et expérimentées, d’eleven.
- 02/10/24
Minoritaires sont les cabinets de conseil en stratégie à avoir fait le choix de s’implanter au cœur des régions françaises. McKinsey, depuis les années 2000, Kéa depuis bientôt 10 ans, Simon-Kucher, Eight Advisory, et le dernier en date, Advention… Leur premier choix, Lyon. En quoi une vitrine provinciale est-elle un atout ? La réponse avec les associés Sébastien Verrot et Luc Anfray de Simon-Kucher, respectivement à Lyon et Bordeaux, Raphaël Mignard d’Eight Advisory Lyon, Guillaume Bouvier de Kéa Lyon, et Alban Neveux CEO d’Advention, cabinet qui ouvre son premier bureau régional à Lyon.