le media indépendant du
conseil en stratégie

icone burger fermee

rechercher sur le site

icone recherche
Featured

ChatGPT Shopping : la rupture annoncée décryptée par les consultants

Au-delà des cas d’usage de l’IA déjà déployés dans le retail, la révolution du shopping sur ChatGPT pourrait transformer l’écosystème en profondeur. Analyse avec Arthur D. Little et Eleven Strategy.

Bertrand Sérieyx
04 Déc. 2025 à 14:00
ChatGPT Shopping : la rupture annoncée décryptée par les consultants
©alones/Adobe Stock

Pour le client lambda, le contact avec l’IA dans le commerce s’est longtemps limité à des échanges frustrants avec des chatbots ou des robots téléphoniques. La révolution tant attendue de la relation client tarde à se matérialiser. L’IA a pourtant bel et bien commencé à transformer une partie des acteurs du retail de l’intérieur, tout en préparant une mutation encore plus fondamentale, celle des courses assistées par LLM (Large Language Models, la technologie IA derrière les assistants conversationnels comme ChatGPT). 

L’IA change déjà le retail à bas bruit

En matière d’IA, « comme souvent, on retient surtout les échecs marquants et médiatisés», commente Morand Studer, Managing Partner et fondateur d’Eleven Strategy. Pourtant, à force de perfectionnement, certaines technologies finissent par franchir un seuil qualitatif. « Les anciens chatbots sont remplacés petit à petit par des solutions IA de plus en plus poussées. Que ce soit en ligne ou en vocal, les interfaces fonctionnent de mieux en mieux sans que l’on s’en rende forcément compte.» Idem pour les robots qui parlent : pour David Benichou, Partner chez Arthur D. Little, « jusqu’à il y a 6 mois/1 an, les interfaces vocales IA étaient très peu satisfaisantes. Tout va très vite. Les progrès en matière d’interaction client sont extraordinaires. Dans le cas des opérateurs télécoms, les clients ne parlent déjà plus à un humain dans la moitié des interactions, et ils ne s’en aperçoivent pas nécessairement. Nous ne sommes plus au stade expérimental, mais déjà dans un déploiement à grande échelle».

Autre progrès palpable pour le grand public : la personnalisation de l’offre. « Nous assistons au développement d’outils de recommandation produits destinés soit directement au client – comme le moteur de conseils cadeaux du site Fnac – soit au service client. La génération de recommandations à partir d’informations recueillies en langage naturel représente une brique technologique de base des LLM aujourd’hui. Si cela est déjà déployé chez quelques “front runners”, c’est encore loin d’être généralisé.»

« Ce qui fonctionne déjà vraiment bien, estime Morand Studer, c’est tout ce qui relève de l’assistance aux vendeurs, le modèle “human in the loop”», par opposition aux situations où l’utilisateur n’interagit qu’avec un assistant IA. « Que ce soit dans le luxe ou dans les engins de chantier, l’IA est capable de lire des documents techniques et d’en extraire les données pertinentes pour proposer une offre bien argumentée au vendeur.»

Selon Samy Katz, Principal chez Arthur D. Little, « Les recommandations personnelles et l’automation des interactions clients sont des cas d’usage privilégiés par les retailers», mais ce sont loin d’être les seuls. L’étude réalisée par le cabinet auprès de Procos, la fédération du commerce spécialisé, identifie 5 grandes catégories (opérations, marketing, ventes, service client, fonctions transverses) et une dizaine de cas d’usage privilégiés par les professionnels. Les utilisateurs de ces solutions s’y retrouvent-ils dans leurs investissements ? « Il n’y a pas encore véritablement de résultats chiffrés disponibles, nuance Samy Katz, mais les entreprises les plus utilisatrices sont très majoritairement satisfaites», et ce d’autant plus que le déploiement des outils est avancé.

à lire aussi

Le shopping assisté par IA, une promesse qui tarde à se réaliser

Parmi ces différents use cases, on ne peut s’empêcher de remarquer un grand absent : le shopping conversationnel. Pour David Benichou, pourtant, « nous voyons déjà arriver sur le marché la prochaine révolution, celle du commerce digital via le LLM. ChatGPT a déjà annoncé un ChatGPT Shopping. Le LLM va devenir de plus en plus prescripteur, et les entreprises vont devoir rapidement développer des compétences et investir dans le GEO», c’est-à-dire le Generative Engine Optimization, équivalent du SEO en environnement LLM. « Dans la prochaine étape, chacun pourra se créer un mini-agent IA qui fera les courses à sa place. Cela va aller très vite, comme souvent avec la technologie ; cela peut intervenir tout aussi bien dans un délai de 6, 12 ou 18 mois». Une évaluation en ligne avec celle de Morand Studer, pour qui « l’horizon de temps est de l’ordre d’un an ou deux pour avoir accès au panier connecté par IA, en France».

En lisant certaines déclarations, on pourrait croire pourtant que le shopping assisté par IA est déjà parmi nous. Des sites de commerce en ligne utilisent déjà de l’IA conversationnelle dans leur interface. C’est le cas de labellevie.com, opérateur de courses en ligne actif en Île-de-France, dont le co-CEO Paul Lê vantait récemment sur LinkedIn l’efficacité de la commande par IA. Mais il s’agit là uniquement d’une simplification de la relation à un distributeur en particulier, en permettant de faire des commandes en langage naturel sur le site de celui-ci.

La promesse du shopping par IA est autre. « L’idée est que le client fasse sa liste de course dans ChatGPT, qui va constituer le panier en comparant les prix des différentes enseignes, explique Morand Studer. Mais il y a encore des points importants à régler : qui gère le paiement ? Comment se fait l’interface entre les différents acteurs ?»

Sur ce dernier sujet, début octobre, « OpenAI a fait de grandes annonces au sujet d’apps intégrées à ChatGPT. Mais pour l’essentiel, il ne s’agit pas d’applications transactionnelles. Vous pouvez par exemple obtenir des recommandations de restaurants ou faire une playlist», mais pas encore faire vos courses. Il s’agit de « SDK Apps », que l’on appelle directement par leur nom depuis la barre de prompt (par exemple, « Spotify, fais-moi une playlist sur tel ou tel thème » ouvrira Spotify et exécutera la tâche). On comprend que ce type d’interfaçage pourra faciliter ultérieurement le shopping en ligne.

Un défi stratégique plus que technologique

Les solutions techniques – protocoles MCP permettant aux LLM d’accéder à des outils extérieurs, et bientôt ACP (Agentic Commerce Protocol) et AP2 (Agent Payments Protocol) pour gérer les paiements et les échanges – commencent à se mettre en place. Aux États-Unis, la fintech Stripe a déjà codéveloppé avec OpenAI une technologie, Instant Checkout, qui permet d’acheter auprès de certains commerçants directement dans la fenêtre de conversation de ChatGPT. D’abord disponible aux États-Unis, cette fonctionnalité pourrait s’étendre rapidement. Walmart, Target, Shopify, Etsy se sont déjà positionnés.

Mais l’écosystème n’est pas encore tout à fait mûr, si l’on en croit les partners interrogés. C’est vrai du côté des clients, rappelle Sammy Katz (Arthur D. Little) : « En Chine, le consommateur est très enclin à ce type d’innovations et d’usages. En France, il y a davantage de résistances. Les jeunes générations “mobile natives”, davantage connectées, pourraient changer la donne.» Outre-Atlantique, en tout cas, le consommateur est mûr : selon une étude du BCG, 81 % des Américains seraient déjà prêts à utiliser l’IA agentique pour effectuer leurs achats, et 40 % feraient confiance à des agents IA autonomes dans le même objectif.

Les retailers eux-mêmes sont encore en réflexion. « Nous sommes de plus en plus sollicités sur ces sujets-là, affirme Morand Studer (Eleven Strategy). Beaucoup d’entreprises du secteur sont prêtes à investir. La GEO est déjà là. L’intégration, via les protocoles MCP, voire ACP et AP2, relève désormais davantage d’une réflexion stratégique que d’un problème technique. On retrouve un peu les mêmes questionnements qu’il y a quelques années face à l’essor d’Amazon ou de Booking. Beaucoup d’entreprises se demandent s’il vaut mieux en être ou pas. La réponse n’est pas évidente : il y a une crainte réelle de perdre la relation avec le consommateur. Si je suis une enseigne de la grande distribution, je n’aurai plus la main sur la recommandation, je ne pourrai plus pousser des produits, je perdrai le contrôle du client.»

S’ils décident de se lancer dans l’aventure, les distributeurs devront-ils choisir leur LLM ? « Les protocoles d’optimisation sont à peu près les mêmes, le MCP tend à homogénéiser l’ensemble de l’environnement. La question ne va pas être “sur quel cheval dois-je miser ?”, mais plutôt “dois-je y aller ou pas ?» D’autant que, même si ChatGPT a une longueur d’avance, il « n’est pas le Google des LLM. Le marché est un peu plus équilibré que celui des moteurs de recherche. Parallèlement, aujourd’hui, les navigateurs agentiques comme Comet viennent challenger la suprématie de Google. Ils peuvent résumer une vidéo, mais aussi préparer vos vacances», et demain sans doute faire vos courses. 

Quel serait le modèle économique ? « Pour le moment, les LLM se rémunèrent par abonnement. Mais à l’avenir, il sera possible de faire payer de la mise en avant de produit, ou encore de fonctionner comme un comparateur, en demandant un pourcentage des transactions.» La piste d’une commission prélevée sur les achats réalisés directement dans ChatGPT était privilégiée par OpenAI, affirmait le Financial Times en juillet dernier.

Le shopping assisté par IA semble donc imminent d’un point de vue technique, mais le secteur hésite encore au seuil de l’inconnu. Et bien des points restent à préciser. D’autant que beaucoup d’organisations du retail en sont encore à s’interroger sur l’IA en général : « Souvent, analyse David Benichou, les entreprises ne sont pas structurées pour aborder le sujet, ne savent pas par où prendre le problème, et n’ont pas les compétences en interne. Au-delà de l’IA elle-même, il y a la question de savoir comment on organise humainement ce défi, comment on hiérarchise les priorités, comment on priorise les différents cas d’usage.»

Arthur D. Little (ADL) eleven David Benichou Morand Studer
Bertrand Sérieyx
04 Déc. 2025 à 14:00
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaire (0)

Soyez le premier à réagir à cette information

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
9 - 1 =

distribution

Adeline
distribution
IA retail, shopping conversationnel, ChatGPT Shopping, LLM, Generative Engine Optimization, Arthur D. Little, Eleven Strategy, e-commerce, protocoles
15077
Arthur D. Little (ADL) eleven
David Benichou Morand Studer
2025-12-04 13:59:33
0
Non
Retail : bientôt, la révolution du shopping sur ChatGPT ?
L’IA change déjà le retail à bas bruit, mais la vraie rupture reste à venir : le shopping conversationnel sur ChatGPT. Analyse avec des partners des cabinets Arthur D. Little et eleven.
à la une / articles / ChatGPT Shopping : la rupture annoncée décryptée par les consultants