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Conseil aéronautique : la grande reprise ?

Un carnet de commandes record chez Airbus, des besoins de défense encore accrus en 2025 : les achats de conseil du secteur vont-ils suivre automatiquement ?

Lydie Lacroix
04 Sep. 2025 à 14:00
Conseil aéronautique : la grande reprise ?
© Viktor/Adobe Stock

Sachant qu’en 2024, les avionneurs et équipementiers avaient gelé leurs dépenses non essentielles au profit d’urgences industrielles – la stabilisation des cadences et la sécurisation de la supply chain en tête. Dans ce contexte, Airbus avait engagé un plan de réduction des coûts et d’amélioration de la productivité, le projet Lead ! prévoyant une baisse de 80 % des contrats attribués à des prestataires, consultants externes ou coachs.

Où en est-on aujourd’hui, côté conseil ? Le point avec Arnaud Bodji, responsable mondial du secteur Aérospatial & Défense d’Arthur D. Little, Sébastien Chaussoy, partner, cofondateur et président de Cylad, et Marie Decroix, également associée chez Cylad.

Moins de missions de conseil, mais des missions à plus forts enjeux

Tel est le constat de Marie Decroix, pour Cylad. Ce « recentrage » aurait été opéré dès le début de la période de vaches maigres. Selon l’associée, une « focalisation » des demandes de conseil avait en effet eu lieu « sur des sujets très dimensionnants, à fort enjeu et valeur ajoutée ».

Un recentrage à mettre en lien avec « une professionnalisation des achats de conseil induisant une plus grande sélectivité, au-delà de la seule conjoncture économique », fait observer Sébastien Chaussoy. L’évolution favorable actuelle porterait sur une réouverture « à davantage de sujets de premier ordre ».

Post-Covid, il y avait eu « énormément de problèmes à régler, ce qui avait conduit à une augmentation importante des demandes de support de type consulting ». Pour Marie Decroix, « on revient à une situation maîtrisée, après des coupes sévères ».

Dans le détail : un dégel « modéré » chez Airbus

« Airbus mène beaucoup moins de projets qu’il y a 2 ou 3 ans, en raison notamment du projet Lead ! », témoigne Arnaud Bodji d’Arthur D. Little. Les différentes directions ont dû réduire drastiquement leurs dépenses discrétionnaires, dont les missions de conseil en stratégie font partie.

Au-delà « des réflexions stratégiques usuelles de développement et de M&A », deux sujets concentrent un peu plus l’attention. Il s’agit « de continuer à supporter les programmes, notamment l’intégration de Spirit Aerosystems [sous-traitant aéronautique US né du spin-off des usines de Boeing à Wichita, en difficulté et dont une partie des activités devraient être reprises par Boeing, Airbus récupérant les usines qui travaillent pour ses programmes, ndlr] ». Un autre pan concerne l’aide à apporter « à la structuration de la supply chain » – soient des sujets très opérationnels.

D’autres réflexions relèvent de l’entité Defense & Space d’Airbus, « à l’instar du projet Bromo » – une initiative exploratoire portée conjointement par Airbus, Thales et Leonardo pour créer un géant européen du satellite capable de rivaliser avec Starlink notamment.

Des achats de conseil plus toniques dans le reste de l’écosystème

En France, le marché du conseil en stratégie dans l’aéronautique civile est largement dominé par Airbus, Safran et, dans une moindre mesure, Thales. Dassault reste un consommateur limité, tandis que d’autres acteurs – MBDA, Naval Group – sont surtout actifs sur le militaire ou le naval. Par ailleurs, dans un contexte de montée en cadence industrielle, on trouve « un certain nombre d’acteurs de plus petite taille – pour de la remise à niveau, de la recovery de performance», précise Sébastien Chaussoy de Cylad.

« Sur la dimension civile, les sujets de court terme sont la réduction des coûts, poursuit Arnaud Bodji. Post-support ou ramp-up, comment parvenir à stabiliser l’écosystème et à générer une meilleure rentabilité, sans “taper” sur les fournisseurs ? »

Du côté de la défense, il s’agit d’identifier « les maillons de la chaîne qui seront impactés par l’augmentation des cadences attendues » – qu’il s’agisse de la production de missiles, de munitions ou de systèmes d’armes, dans un contexte marqué par le soutien à l’Ukraine et l’accélération de la production par de grands industriels.

En parallèle, dans le spatial plus précisément dans le domaine des lanceurs, la réflexion porte davantage sur « l’évolution des business models », face à des acteurs US tels que SpaceX, Relativity Space ou Rocket Lab, ou de nouveaux entrants européens, comme Isar Aerospace ou Rocket Factory Augsburg (RFA), au fonctionnement proche de celui des start-ups.

Quant aux fonds d’investissement, ils s’intéresseraient désormais « davantage à l’aérospatial-défense ». Cylad contribue ainsi à un « méga deal » en cours… Selon Arnaud Bodji d’ADL, les actifs visés relèvent le plus souvent « du monde de la mécanique – usinage, chaudronnerie – et de celui de l’électronique, du MRO [maintenance, réparation et révision, ndlr] ». Ce dynamisme est soutenu par les fonds défense, dont Bpifrance, et s’inscrit dans une consolidation déjà à l’œuvre précédemment : prises de participation (Latécoère), rapprochements industriels (Daher) ou intégrations par les donneurs d’ordres (Aubert & Duval, repris par Airbus, Safran et Tikehau Capital, rachat d’activités de Collins par Safran).

L’associé d’Arthur D. Little évalue la part que représente l’aviation civile, avec le poids prépondérant d’Airbus, « à 50 %, celui de la défense à 30 % et le M&A au sens large – pré-deal, post-deal – à 20 % ». Dans la défense, des acteurs tels que Naval Group ou MBDA « ne dépensent pas des millions d’euros par projet ». Marie Decroix corrobore. « Aucune accélération manifeste n’est encore au rendez-vous, que l’on pense à l’aéro ou à l’ensemble du secteur défense ».

Il y a trois ans, selon Arnaud Bodji, le civil générait « environ 60 % des achats de conseil en stratégie, le M&A, 10 à 15 %, et la défense, 25 à 30 % ».

Les sujets de souveraineté et de supply chain, jackpots à missions

Comment s’assurer d’avoir « des acteurs robustes en Europe » ? Déployer « des filières souveraines sur le titanium et les métaux rares, qui sont à usage militaire et civil ». Comment « restructurer la supply chain » ? Autant de questions sur lesquelles les cabinets de conseil planchent fréquemment, en tenant compte des variations de cadences ou de stocks. D’autant plus depuis la période Covid, qui a fait émerger les enjeux de gestion du risque, de résilience de la chaîne d’approvisionnement et de souveraineté.

Quid des enjeux de décarbonation ? Bien qu’ils soient « toujours d’actualité » selon Arnaud Bodji, la souveraineté et le ramp-up sont « souvent priorisés ». Deux sujets seraient toutefois regardés, sans générer de gros volumes de demandes : « Le démantèlement et le recyclage, sous l’angle d’un marché à conquérir et structurer plutôt que sous celui de l’économie de CO2 ». Les donneurs d’ordres « travaillent sur la décarbonation en tant que telle [les compagnies aériennes comme les avionneurs doivent se préparer à l’obligation progressive d’incorporer des carburants durables (Sustainable Aviation Fuel/SAF) dans le kérosène à hauteur de 6 % en 2030 et de 70 % en 2050, ndlr], mais les consultants voient moins ce sujet ».

De son côté, Sébastien Chaussoy, qui confirme la prééminence des questions « de recyclage », insiste sur la dimension plus « appliquée » des sujets à traiter.

Le conseil interne, bénéficiaire d’une redistribution des demandes ? 

Airbus, Safran ou encore Thales disposent chacun de leur entité dédiée. Chipent-elles des missions aux cabinets de conseil privés ?

Pour Sébastien Chaussoy, « les départements de conseil interne ont souvent montré des limites ». Et il n’y aurait pas eu « d’intensification » du phénomène.

Les entités de conseil interne sont principalement mobilisées « sur du PMO et, éventuellement, sur du Lean/Six Sigma », partage Arnaud Bodji. Cela concerne « de petits projets internes nécessitant un accompagnement méthodologique ». Autre cas de figure, « lors de la phase de diagnostic, quand il s’agit de refaire une organisation ». Des sollicitations externes seraient émises par la suite en matière « de benchmark, de solutions cibles ou d’implémentation ».

Selon Arnaud Bodji toujours, les grands acteurs de l’aéro-défense souhaitent mobiliser le conseil externe « essentiellement pour le design de la solution et le côté benchmark, puis dans l’accompagnement des premiers mois – pour débugger si nécessaire ce qui a été mis en place –, avec l’interne présent dans une équipe projet dès le début de la mission ».

De nouvelles clés pour gagner des missions ?

Dans la relation client, ces derniers attendent de plus en plus des consultants – en stratégie notamment – « qu’ils mettent leurs tripes dans le projet. Les aspects pricing et success fees sont devenus importants, les clients voulant des résultats concrets ».

En parallèle, la notion d’expertise se fait encore plus différenciante pour les consultants externes. « Il faut pouvoir parler le même langage que son client, notamment sur la dimension technologique, assure Arnaud Bodji. Ceci est valable dans trois secteurs d’activités : l’aéro-défense, la pharma et le nucléaire ». Sébastien Chaussoy et Marie Decroix confirment tous deux cette « prime aux spécialistes, à la fois sectoriels et fonctionnels. Des consultants capables d’être efficaces dès le premier jour ».

Arthur D. Little (ADL) Cylad Arnaud Bodji Marie Decroix Sébastien Chaussoy
Lydie Lacroix
04 Sep. 2025 à 14:00
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aéronautique - défense

Adeline
aéronautique - défense
aéronautique civile, défense, conseil en stratégie, Airbus, supply chain, ramp-up industriel, souveraineté, M&A, Arthur D. Little, Cylad
14820
Arthur D. Little (ADL) Cylad
Arnaud Bodji Marie Decroix Sébastien Chaussoy
2025-09-04 13:53:07
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Non
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