Compétitivité : l'autre état d'urgence de la France (1/2)
Dans # Accélérer ! La compétitivité, moteur de la prospérité, Consult’in France établit un diagnostic des freins limitant les performances des entreprises, préconise des solutions et publie quatre-vingts graphiques que le futur Président de la République devra absolument connaître.
1 – Un constat mitigé, quelques « mentions » et une mauvaise surprise
Après la parution de Compétitivité AAA en 2011 et le réel écho rencontré par l’ouvrage, Consult’in France renouvelle l’exercice à l’occasion de la campagne présidentielle : face au déficit de culture de l’entreprise prévalant au sein de la classe politique – comme dans la société – l’objectif de # Accélérer est d’influer sur les décisions économiques à venir.
À ce titre, qui de plus légitime que les consultants qui plongent chaque jour au cœur des sociétés pour les aider à gagner en compétitivité ?
Si certaines propositions s’inscrivent dans le prolongement de mesures existantes, l’enjeu est de comprendre les obstacles auxquels sont confrontés les acteurs de l’économie pour y apporter des solutions concrètes et permettre de vaincre les diverses « résistances » à la transformation du pays – à travers une méthode.
La France va-t-elle enfin « bouger » ?
Décryptage avec Rémi Legrand, président de Consult’in France, associé, membre du comex de Eurogroup Consulting et Olivier Marchal, coauteur de l’ouvrage, vice-président de Consult’in France et président de Bain France, qui réaffirment leur confiance dans le potentiel de croissance de notre pays.
~ Pour réaliser cet ouvrage, l’association professionnelle des métiers du conseil en stratégie & management a interrogé, via l’IFOP, 280 dirigeants et membres des comex de grands groupes, d’ETI, de PME et de start-up, 180 associés et « principals » de cabinets et 400 étudiants de grandes écoles ou d’universités.
# Accélérer ! (1) ayant également une vocation pédagogique, ses auteurs ont cherché à « rendre accessibles des phénomènes complexes », dans un format original et avec quelques illustrations humoristiques, indique Olivier Marchal.
Le « bon alignement des astres », des chiffres encourageants, mais une compétitivité endogène qui végète
Selon le classement mondial de la compétitivité du Forum économique mondial, la France est passée en 2016 de la 22e à la 21e place sur 138 pays étudiés, réalisant de bonnes performances en matière de capacité à innover (8e), mais de très mauvais résultats en fiscalité favorable aux investissements (124e), entre autres.
La perception des chefs d’entreprise français est également en demi-teintes, celle des dirigeants de PME/ETI notamment, comme l’indique le schéma ci-dessous.

Pour Consult’in France, les « récentes embellies » doivent s’apprécier au regard d’un contexte exceptionnellement favorable de baisse de la facture énergétique, de faiblesse des taux d’intérêt et de dépréciation de l’euro.
Alors que certains indicateurs sont au vert (niveau d’investissement et taux de productivité du travail – PIB produit par heure travaillée ; compétitivité hors coûts des entreprises), le manque de compétitivité industrielle de la France est pourtant manifeste : ainsi, en novembre 2016, le déficit de la balance commerciale sur les douze derniers mois atteint 50,1 Md€, en augmentation par rapport aux 45,2 Md€ de 2015 (un déficit en diminution régulière toutefois depuis 2011 – source : https://lekiosque.finances.gouv.fr/).

Si la croissance annuelle s’est légèrement tassée en 2016 selon l’Insee à 1,1 %, le taux de chômage aurait, lui, baissé de 3 % sur l’ensemble de l’année 2016 – une première depuis 2007 (source : Pôle emploi).
Néanmoins, comme le rappellent les acteurs du conseil, le pays a besoin « d’une inversion beaucoup plus radicale de la courbe » : la création nette d’emplois nécessite un taux de croissance supérieur à 1,5 %.
« La compétitivité c’est le règne, non pas de l’arbitraire, mais de l’arbitrage »
La formule est du journaliste François Lenglet (2), qui souligne dans sa préface que les dirigeants français se sont trop longtemps appuyés sur la dévaluation du franc et le recours à la dette publique pour contrer le manque de compétitivité du pays, deux leviers devenus caducs.
Depuis cinq ans, un changement de cap a toutefois été amorcé, reconnaît Olivier Marchal, « du choc de simplification au CICE ou à la loi El Khomri ». Mais l’Allemagne par exemple a su transcender sa compétitivité plus tôt que notre pays via une série « d’arbitrages » radicaux (marché de l’emploi, fiscalité des entreprises, rénovation du dialogue social).
Résultat : alors qu’en 2000, « la France avait une position plus solide que l’Allemagne sur la plupart des indicateurs macro-économiques », la balance du commerce extérieur allemande affiche en 2015 un excédent de 248 Md€.
Le chômage y a baissé d’environ 20 % (au profit notamment de l’industrie et des chômeurs de longue durée), le travail à temps partiel augmentant plus lentement que dans les autres pays européens (+ 1,4 point de 2007 à 2014) (3).
« La compétitivité est une notion relative et non absolue. »
Le moteur des entreprises s’enraye : pourquoi ?
Rappelons que les quatre millions d’entreprises hexagonales (4) sont les vecteurs essentiels de la création de richesses (valeur ajoutée produite égale à 67,2 % du PIB) et d’emplois (65,2 % de la population active), les principales contributrices de la protection sociale et de l’action publique (financement direct de 41 % du secteur public et social), mais aussi de puissants facteurs d’intégration et de cohésion sociale (74 % des Français les considèrent comme « un lieu d’épanouissement personnel »).
Mais courent-elles réellement avec des semelles de plomb ?
Premier constat, mis en exergue par Rémi Legrand : il existe « une forte convergence de diagnostic entre les trois populations sondées, même si les ordres de priorité peuvent différer ».
La rigidité du marché du travail et de l’emploi, les contraintes réglementaires et la fiscalité massive pesant sur les entreprises (41 % du total des prélèvements obligatoires) apparaissent comme les trois freins principaux.
Cela se traduit notamment par une peur d’embaucher, partagée par 70 % des entreprises françaises en situation de le faire (source : Enquête Contrat de travail du MEDEF, avril 2015).
Certains effets sont indirects : alors que 71 % des DRH considèrent la gestion des talents comme critique pour la performance de leur entreprise, un DRH sur deux y consacre moins de 10 % de son temps, trop absorbé par les tâches administratives (source : ANDRH).

Autre constat, inattendu : la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Pour 46 % des dirigeants de PME/ETI, il s’agit du premier obstacle rencontré sur le marché du travail.
Si les compétences concernées sont souvent « récentes » et le déficit plus accentué en régions (développeurs, architectes de systèmes…) – ce qui souligne la nécessité « d’un système de formation plus réactif », indique Rémi Legrand –, les ingénieurs figurent dans le top 10 du taux de difficultés de recrutement par métier (source : Pôle emploi, 2016).
La formation bénéficie en priorité aux diplômés, aux moins de 50 ans et aux salariés des grandes entreprises, les chômeurs n’étant que 14 % à y accéder et les jeunes, 24 % !
Enfin, alors que la France a vu naître 525 000 entreprises en 2015 (dont 43 % d’auto-entreprises), le manque d’aide au financement (35 %) et de conseil sur la stratégie et le développement (16 %) entravent le développement des jeunes pousses (5).
« Solution » n° 1 : rénover/fluidifier le marché de l’emploi
Pour réparer un marché du travail « fondamentalement cassé », avec un taux de chômage toujours très élevé, extrêmement coûteux pour la société sur le plan financier, sanitaire et humain (9,5 %, soit le 7e taux le plus élevé de l’UE – estimations : Eurostat, novembre 2016), Consult’in France propose trois types de réformes structurelles et sort sa boîte à outils…
À suivre : Redonner du souffle aux entreprises en s’appuyant sur l’expérience des acteurs du conseil
1 – # Accélérer ! La compétitivité, moteur de la prospérité. Par Consult’in France (auteurs : Olivier Marchal – Bain & Company ; Daniel Baroin – Carewan ; Romain Baumont – Ayming. Préface de François Lenglet. Éditions Eyrolles. 224 pages, 16 €. Parution : 3 janvier 2017.
2 – Chargé des questions économiques dans L’Émission politique sur France 2, François Lenglet anime l’émission L’angle Eco sur la chaîne publique et réalise une chronique matinale sur RTL, Lenglet-Co. Son dernier ouvrage, Tant pis ! Nos enfants paieront, est paru en 2016 chez Albin Michel.
3 – Source : Institut allemand pour la recherche économique.
4 – 99,9 % des entreprises sont des TPE/PME et des micro-entreprises, 0,1 % des ETI (5 200 environ) et des grands groupes (242). En 2014, 80 % des entreprises opèrent dans le secteur des services, 13,5 % dans la construction et 6,6 % dans l’industrie.
5 – Source : Opinion Way, « Les créateurs d’entreprises », Raise/Bain. Étude menée en 2015.
Lydie Turkfeld pour Consultor.fr
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