le media indépendant du
conseil en stratégie

icone burger fermee

rechercher sur le site

icone recherche
Featured

Échec entrepreneurial : deux alumni du conseil témoignent

Ils sont deux alumni du conseil qui rêvaient d’entreprendre. Rose Mariton, 4 ans chez McKinsey, et Paul Charon, 5 ans chez Bain & Company, ont sauté le pas respectivement début 2023 et juin 2021.

Barbara Merle
05 Mai. 2025 à 14:00
Échec entrepreneurial : deux alumni du conseil témoignent
© Photocreo Bednarek/Adobe Stock

Aujourd’hui, l’un et l’autre ont décidé de jeter l’éponge et de partager sur leur échec. « La dure réalité après 4 années d’entrepreneuriat et un redressement judiciaire », comme le reconnait Paul Charon, cofondateur de l’entreprise OMAJ, plateforme de dépôt-vente en ligne de vêtements de seconde main, créée avec Marine Daul, une autre ex-consultante, de McKinsey. « Aujourd’hui, j’ai échoué. Et je crois bien que j’en suis fière », positive Rose Mariton, cofondatrice de Coquillettes club, des jeux de société pour les 3-7 ans autour de l’éducation alimentaire, qu’elle a décidé de céder à son associée.

Retour d’expérience de ces deux alumni du conseil en stratégie face à leur échec entrepreneurial.

 

Consultor : Qu’est-ce qui a motivé votre projet entrepreneurial ?

025 be2fad9648 LTE c26dc pour itv croisée Face à léchecRose Mariton : C’était l’envie d’être dans l’action, de proposer une solution concrète à un problème de société énorme, de santé, écologique et sociétal. Un an après le lancement, j’avais acquis la conviction que s’il y avait un réel besoin de société sur l’éducation alimentaire pour les enfants, et ses enjeux de santé, écologiques, il n’y avait pas de marché et le sujet était peu adressé. Les chiffres sont là.

LOOKFORWARD 3162 pour itv croisée Face à léchec resizéPaul Charon : OMAJ répond à des besoins clairement identifiés auprès des clients de seconde main qui ne trouvent pas chaussure à leur pied sur Vinted, qui est Le Bon Coin dédié aux vêtements. Et cela a très bien fonctionné auprès des vendeurs, des vendeuses en très grande majorité. En revanche, cela a été beaucoup plus compliqué côté acheteuses, nous avions un problème de différenciation, d’acquisition acheteuses, et de prix plus élevés.

à lire aussi

08_09_2021_illustration_OMAJ

Paul Charon, 29 ans, un ancien Bainie, et Marine Daul, 30 ans, ex-McKinsey, tous deux issus de la promo 2014 de Centrale Paris , ont lancé en début d’été OMAJ, un dépôt-vente en ligne de vêtements d’occasion.

Qu’est-ce qui vous a manqué ?

Paul Charon : Les fondamentaux devenaient de plus en plus compliqués dans un marché ultra compétitif avec des prix tirés vers le bas. L’ultrafast-fashion, qui propose des vêtements neufs à très bas prix, a aussi changé la perception du vêtement. Nous savions que cela allait être dur, mais pas à ce point. Et nous avions des coûts élevés, notamment les coûts d’acquisition clients et la pub, nécessaire à une boite BtoC, qui ont fait mal à notre modèle financier. Et nous devions nous battre contre à la fois l’écosystème du neuf, les distributeurs multi-marques, la seconde main… Dans ce contexte, les chances de réussir étaient assez faibles.

Rose Mariton : Notre concept original et innovant s’est confronté à la réalité. Tout le monde trouvait cette idée géniale, parents, profs, monde de l’éducation et de la santé, politiques, financeurs. Mais c’est un budget par mois et cela nécessite également du temps. Je n’ai pas trouvé la bonne façon de le cracker. Et puis, il y a le temps et l’argent que l’on y met. J’avais le sentiment que, lorsqu’on teste un produit durant un an et que ça ne décolle pas, c’est la preuve qu’il n’y a pas de besoin de marché. Pour certaines entreprises, cela prend du temps, mais il y a un marché énorme derrière, et donc tout l’enjeu est de trouver la bonne façon de cracker le marché, et ça peut valoir le coup d’y passer du temps. Notre marché étant plus petit, ce n’était pas mon cas, je n’avais pas le monde à conquérir. Quant aux financeurs, le fait que je sois une femme first time founder compliquait la donne.

Qu’auriez-vous pu faire différemment ?

Rose Mariton : Nous aurions pu changer de braquet, par exemple en changeant la tranche d’âge cible, modifier notre com‘, passer par les écoles. Si l’on avait eu accès à un autre financement, plus important, on voit bien que c’est un grand facteur de succès lorsque des business angels ou une start-up studio suivent le projet. Et nous n’avons pas été très frugales, avec trop de dépenses dans l’accompagnement, alors que nous aurions pu avoir un enjeu de créer une marque avec des moyens limités.

Paul Charon : Avoir une lecture du marché plus réaliste. Nous avons eu du mal à anticiper les effets de la domination de Vinted, qui a tiré tous les prix vers le bas. En 2021, nous avons vécu l’effervescence de la seconde main, avec l’arrivée d’une deuxième vague d’acteurs proposant des services différents. Malheureusement, la plupart de ces modèles n’ont pas survécu. Nous aurions pu aussi revoir notre stratégie de croissance et de financement : notre modèle de marketplace était structurellement déficitaire jusqu’à une certaine taille, nous rendant dépendants d’un écosystème de financement qui ne nous a pas suivis dans la durée. Le marché s’est retourné en 2022-2023 – difficile à anticiper pour le coup, mais notre capacité à réagir était trop limitée.

En quoi cet échec vous apparait-il d’ores et déjà positif ?

Paul Charon : Ce n’est pas fini et donc difficile de faire le bilan. Dans un mois, nous passons devant le tribunal pour savoir s’il accepte une offre de reprise ou si nous arrivons à une liquidation judiciaire avec vente des actifs. Mais cette expérience m’a totalement transformée, avec 4 ans d’apprentissage très accéléré, de lancer un business à impact de zéro, touchant à tous les sujets, et beaucoup de rencontres, de contacts, et la certitude de bosser dans un secteur à impact ad vitam.

Rose Mariton : C’est très puissant de se découvrir soi-même. Je me suis retrouvée aux manettes dans un projet où l’on doit décider de tout. On acquiert très vite des compétences d’entrepreneuse, alors que je ne viens pas de ce monde-là, et on voit vite ce sur quoi on est fort et moins fort. Cela m’a confronté à ma relation à l’échec, aux réussites, à la façon dont j’ai envie d’en parler.

Comment vivez-vous ce que vous appelez vous-même un échec ?

Rose Mariton : C’est un échec, il est très important de le dire, mais c’est un échec positif. Et je suis fière d’avoir échoué. J’ai appris tellement de choses. Je me sens beaucoup plus armée qu’il y a 3 ans. J’ai cocréé un produit génial qui existe aujourd’hui chez plusieurs centaines de familles. Ai-je eu un impact positif sur le monde ? C’est une question plus difficile pour moi.

Paul Charon : C’est objectivement un échec, mais je le vis relativement bien (et j’imagine que cela ira en s’améliorant avec le temps), car il y a beaucoup de choses que nous avons accomplies en équipe dont je suis très fier. J’aurais aimé aller beaucoup plus loin, évidemment, mais il y a eu tellement d’apprentissages, d’émotions, de rencontres… C’est forcément positif sur le plan personnel.

Quels conseils pourriez-vous donner à vos anciens collègues consultants, futurs entrepreneurs ?

Rose Mariton : Tester très vite le concept même si ça vous parait nul, avec le moins de moyens possible, et surtout savoir vraiment ce que l’on teste. Ne pas sous-évaluer les compétences techniques que l’on n’a pas, car soit on doit les externaliser et ça coûte de l’argent, soit on apprend, et cela nécessite du temps. À mes anciens collègues, je dirais de ne pas hésiter à s’appuyer sur l’énorme réseau que l’on a, des consultants, des anciens devenus entrepreneurs.

Paul Charon : Il y en a une ribambelle, ce qui a marché et ce qui nous a manqué. Mais c’est surtout bien s’entourer avec des advisors, des gens qui ont vécu une expérience similaire, y compris les échecs. Il ne faut pas craindre de remettre en question les fondamentaux du business à temps, avant qu’il ne soit trop tard, ne pas s’illusionner avec des chiffres irréalisables. Faire en sorte de se libérer le plus tôt possible des financements extérieurs, car, quand le vent tourne, les boites proches de la rentabilité ont infiniment plus de chances de s’en sortir.

Quelles sont vos perspectives business ?

Paul Charon : J’ai mis toute mon énergie et une partie significative de mes économies dans cette boite, je dois recharger les batteries. J’ai envie de remonter une boite à moyen ou long terme, mais je dois faire une transition. Je suis en exploration, mais je ne cherche pas un CDI. Je vais certainement faire une période de consultant freelance auprès de boites à impact. Nous nous posons aussi la question avec mon associée de monter un petit cabinet de conseil pour les PME et les start-ups.

Rose Mariton : Cette expérience m’a montré ce qui me plaisait : traiter les sujets stratégiques avec un angle créatif et une communication authentique. J’ai également besoin d’avoir un modèle de fonctionnement autonome, avec l’envie de dégager du temps de façon flexible pour d’autres projets. Je pense que je vais être consultante freelance axée sur les projets entrepreneuriaux pour avoir de la flexibilité et du relationnel.

 

Bios express

Rose Mariton, ESSEC 2016, a été consultante chez McKinsey entre 2016 et 2019, puis chief of staff et responsable agrisolaire de Neoen, producteur indépendant français d’énergie exclusivement renouvelable, jusqu’en 2023. Elle a été sélectionnée parmi les Women 40 de Forbes France en 2024.

Paul Charon, CentraleSupélec 2014, a passé 6 ans chez Bain où il a été promu manager en 2019. Cette même année, il rejoint la société Corum l’Épargne, d’abord comme responsable du développement international, puis responsable digital et marketing, puis à la tête du développement BtoC. Il est membre depuis 2021 de la communauté marketing engagée Marketing Flow, et membre fondateur de la Fédération de la mode circulaire (en 2022).

Bain & Company McKinsey
Barbara Merle
05 Mai. 2025 à 14:00
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaire (0)

Soyez le premier à réagir à cette information

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
6 - 3 =

L'après-conseil

  • Vendée Globe : un nouveau cap pour le consultant devenu navigateur

    Après cinq années chez McKinsey, Nicolas d’Estais, 33 ans, avait décidé en 2021 de concrétiser son rêve d’enfant : devenir navigateur et participer aux mythiques courses au large au long cours. Et ce, depuis ses 6 ans devant les images du Vendée Globe 1996, puis celles d’Ellen MacArthur, 2e du Vendée Globe 2000-2001 à seulement 24 ans.

  • Quand des consultants se lancent dans la production de films

    Émile Flobert, qui a récemment quitté Roland Berger après 4 années, lance sa société de production ciné, Pelagos Films.

  • Après-conseil : deux trentenaires lancent un bar insolite autour du tir à la carabine

    Ce sont deux alumni du conseil en stratégie qui lancent un concept original. Jonas Henry, 32 ans, 4 ans chez EY-Parthenon entre 2017 et 2021, David Musset, 36 ans, consultant chez Oliver Wyman de 2010 à 2013, et Éric Huynh, 37 ans, un spécialiste du secteur retail, vont ouvrir dès le 1er avril, Pan, un « social bar », dans le 10e arrondissement de Paris.

  • Bertrand Pointeau : 33 ans chez Bain

    Bertrand Pointeau est un vrai Bainie, sans nul doute. Quelque 33 années de Bain & Company à son actif. Une référence en services B2B-B2C. Loin des sirènes des autres cabinets et des grandes entreprises qui l’ont régulièrement chassé. Sa nouvelle mission à temps plein depuis 2023, la pédagogie, en qualité de prof en stratégie titulaire à HEC.

  • Deux anciens d’Advancy développent un groupe de restaurants espagnols

    Ce sont deux anciens consultants d’Advancy de 31 ans, Adrien Delrue manager et Théodore Ballu, senior consultant jusqu’en 2022, qui ont décidé de changer radicalement de parcours pro.

  • La consultante de Roland Berger Paris devenue stand-uppeuse à Oslo

    Celles et ceux qui l’ont croisée durant ses années Roland Berger ont pu apprécier sa capacité à faire parler les données stratégiques. Désormais installée en Norvège, Cécile Moroni a choisi le stand-up pour exprimer une autre facette d’elle-même – et s’amuser des différences culturelles.

  • Philippe Peters, le partner passé par Bain, le BCG et McKinsey

    Cela faisait 24 ans que Philippe Peters naviguait au gré des vents favorables sur les mers internationales du conseil en stratégie, et ce, au sein de quatre firmes, Bain, BCG, EY, McKinsey, en Europe et en Asie. Transitoirement consultant indépendant, le partner ès Énergie et Industrie consacre son temps libre à une autre passion, comme bénévole cette fois : il dirige le club de volleyeuses « Les Mariannes 92 » de Levallois Paris Saint-Cloud, menacé de disparition en 2019, qu’il a sauvé en investissant sur ses deniers personnels, et dont l’équipe est championne de France 2024 de Ligue A féminine, l’élite du volley-ball féminin professionnel. Parcours atypique d’un consultant sportif qui sait saisir les opportunités au bond.

  • Après Mawenzi, l’ex-associé recherche une PME lyonnaise à reprendre

    Guillaume Blondon, l’un des cofondateurs de Mawenzi Partners en 2010, a mis fin à son métier de consultant et d’associé de cabinet de conseil en stratégie.

  • L’esprit guinguette pour l’ancien consultant d’EY-Parthenon

    Paul Gobilliard, jeune consultant d’EY-Parthenon de 27 ans, a récemment démissionné pour se lancer avec son frère Baptiste dans un projet ambitieux de restauration qu’ils ont concocté depuis début 2024.

Adeline
L'après-conseil
Rose Mariton, Paul Charron, Bain, McKinsey, alumni, échec, entrepreneuriat, start-up, redressement judiciaire, entrepreneuriat féminin
14495
Bain & Company McKinsey
2025-05-05 15:12:52
0
Non
Deux ex-consultants témoignent de leur échec entrepreneurial
Ils ont quitté le conseil pour se lancer dans l’entrepreneuriat : deux alumni font un retour d’expérience sur leur échec.
Redressement judiciaire, cession de projet, remise en question : l’ex-McKinsey Rose Mariton et l’ex-Bain Paul Charon témoignent des réalités de l’après-conseil - entre manque de marché, difficulté d’acquisition et/ou sous-financement.
Tous deux décryptent ce qui n’a pas fonctionné, mais aussi ce qu’ils ont appris et ce qu’ils en retirent de positif… pour la suite.
à la une / articles / Échec entrepreneurial : deux alumni du conseil témoignent