Wavestone, success-story du conseil français : Pascal Imbert, la joie de l’ambition
Un cabinet coté en bourse, un ADN frenchy devenu européen, le goût des défis : bienvenue chez Wavestone. Le cabinet est piloté depuis 35 ans par son cofondateur Pascal Imbert, stratège, pragmatique et jovial, volontiers facétieux.
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En 2000, 10 ans après sa création, « le cabinet comptait un peu moins de 100 consultants. D’autres, nés après [lui], avaient eu une croissance supérieure », se remémore Pascal Imbert avec un brin de malice.
Vingt-cinq ans plus tard, Wavestone regroupe 6 000 collaborateurs répartis dans 17 pays, pour un chiffre d’affaires flirtant avec le milliard d’euros. Sa valorisation boursière est estimée à 1,4 milliard d’euros à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Comment l’actuel PDG, grande figure du conseil conjuguant longévité et singularité, a-t-il fait de Wavestone un acteur de portée internationale ?
1990 : et Solucom fut
La genèse du cabinet passe par un cocktail, et des retrouvailles. Celles de Pascal Imbert, ancien élève de l’X et de Télécom Paris, avec son patron chez France Télécom, Michel Dancoisne. Le jeune ingé, très attiré par « les réseaux et télécoms – l’IA de l’époque », y avait débuté quelques années plus tôt dans la R&D. Tous deux ont alors « très envie de créer une boîte ».
Ils vont piloter Solucom conjointement durant 12 ans. Avec humilité : celui qui est seul à la barre depuis 2002 évoque plus facilement les échecs que les réussites. D’ailleurs, les deux complices – qui continuent à se vouvoyer – s’accusent mutuellement d’être à l’origine de ce nom « moche » – Solucom – qui témoigne « de leur sens aigu du marketing », dixit Pascal Imbert.
Peu importe. Le pitch de Solucom imprime auprès des grands groupes. « Le domaine des réseaux et télécoms connaît des ruptures sans précédent : le début d’Internet, le lancement des GSM, la déréglementation. Tout change, et nous allons vous aider à tirer parti de cette nouvelle donne. » Ils ne sont pas les seuls à avoir identifié le créneau…
Malgré la guerre du Golfe et la crise économique qu’elle occasionne, très vite Solucom marque des points. « Au bout de quelques mois, Elf représentait 75 % de notre chiffre d’affaires – ce qu’il ne faut jamais faire quand on démarre une boîte ! s’exclame Pascal Imbert. Mais l’occasion était trop belle… »
D’autres portes s’ouvrent. Solucom reste positionné sur ce marché, avec « la sécurité réseaux » également.
Le quitte ou double de l’introduction en Bourse
Solucom fête ses 10 ans en réalisant « 10 millions de chiffre d’affaires ». Bien que le cabinet dispose « d’un joli portefeuille clients », une partie de ses concurrents se sont développés plus vite que lui sur ce marché foisonnant. Les deux cofondateurs redoutent d’avoir du mal à garder leurs talents. Phase d’introspection. La vente est une option, une autre serait d’accélérer. « Nous avons choisi la seconde, beaucoup plus amusante », confie Pascal Imbert, lui qui aime « se fixer des défis et passer à l’étape d’après ».
À cette période, les cabinets de conseil ne se rapprochent pas encore des fonds de private equity. Surfant sur la trend des boîtes techno cotées en Bourse, Solucom se lance. Cela en fait l’un des rares cabinets cotés de l’histoire du conseil. Il entame une trajectoire de croissance significative – organique et externe.
« Notre vision, qui va perdurer durant 15 ans, est alors de prendre une position forte sur notre marché domestique, raconte Pascal Imbert. Nous élargissons notre proposition de valeur pour devenir un cabinet de conseil en systèmes d’information, avant d’ajouter la brique du conseil en management centré sur des métiers clés : les services financiers, le transport, l’énergie », via des acquisitions.
Une conviction : la transformation est le « bon » terrain de jeu
« Ce qui nous amuse – le terme revient –, c’est d’intervenir sur de grands projets de transformation, explique-t-il. Pour avoir une position forte chez nos grands clients, ce marché est bien proportionné. »
Et pourtant, le cabinet a souvent flirté avec l’idée « d’acquérir de petits cabinets français de conseil en stratégie. Mais nous aurions été confrontés à des marques beaucoup plus fortes – McKinsey, Bain, BCG, Roland Berger – et condamnés à évoluer vers le mid market ».
Cela n’empêche pas Pascal Imbert d’avoir ses propres recettes en matière de plans strat. Les siens mêlent « rationalité et envie ». Une envie qui doit être partagée. Il pose régulièrement à ses collaborateurs la question suivante : « Que seriez-vous (super) fiers d’avoir réalisé dans 3 ou 4 ans ? ».
De la parole aux actes : chez (le futur) Wavestone les valeurs s’incarnent
Souvent affichées, plus rarement incarnées : le cabinet se distingue-t-il vraiment de ses confrères se bornant à les exposer ?
Un exemple significatif. En 2021, Wavestone a remboursé l’intégralité des aides versées aux entreprises par l’État dans le cadre du dispositif d’activité partielle.
« Collectivement, nous voulons que notre cabinet soit une entreprise citoyenne », insiste son cofondateur. Il se souvient de « l’incroyable fierté » de ses collaborateurs, les actionnaires n’ayant par ailleurs « pas viré le PDG ».
Aucun autre cabinet n’a, a priori, effectué ce type de remboursement.
Autre exemple de valeurs vécues, la présence – encore et toujours – de compagnons de route des débuts. Bien sûr, il est plus facile « de fidéliser les gens dans une entreprise en croissance sur le long terme : les collaborateurs ont vu le cabinet grandir et ont pu faire sans cesse des choses différentes, comme dans un voyage ». Le chemin mène pourtant à des salaires de partners moins élevés que dans d’autres firmes de conseil… Quel est le secret ?
Longtemps, les valeurs ont été « très peu exprimées chez Wavestone, car nous les pensions naturelles, transmises aux jeunes que nous recrutons ». Mais, en 2009, indique Pascal Imbert, « enivrés par notre succès, nous avons acquis deux ou trois cabinets organisés autour de gourous, pas du tout collectifs. » Selon lui, cela ne correspond pas du tout « au mode de fonctionnement de Wavestone, très aplati ». Pascal Imbert a retenu la leçon, musclant la fonction RH après ces épisodes. Que sont ces valeurs ? « Un collectif, de la proximité, un espace de liberté et un esprit entrepreneurial, un comportement dont on peut être fier ».
Toujours plus haut… grâce à des acquisitions « transformantes »
Retour en 2015. Le cabinet absorbe les activités européennes de Kurt Salmon, ce qui lui donne un premier élan vers l’international. « Et nous nous débarrassons, enfin, du nom Solucom ! » s’exclame Pascal Imbert qui semble encore savourer ce moment.
Wavestone, nouvelle identité à connotation anglo-saxonne, fait écho aux besoins de déploiement du cabinet hors de son marché domestique. « Nous accompagnions de nombreuses multinationales qui risquaient de nous faire passer au second plan. » En parallèle, les Big Four ou BearingPoint avaient bougé vers la tech et les systèmes d’information. « Wavestone perdait, en partie, sa spécificité “techno” sur le marché du conseil. »
La croissance sur d’autres marchés devient donc prioritaire, au Royaume-Uni, puis aux États-Unis. Toutefois, en misant sur ces deux pays, « au bout d’une dizaine d’années, Wavestone réalisait 20 % seulement de son activité hors de France ».
En 2023, c’est une nouvelle acquisition qui change la donne. Une union consommée début 2024 avec le cabinet allemand Q_Perior, déjà partenaire de Wavestone, les actionnaires allemands rejoignant le groupe de contrôle du cabinet en compagnie de Michel Dancoisne et Pascal Imbert.
Depuis ce mariage, Wavestone réalise 50 % de son chiffre d’affaires hors de France – et « davantage dans les années qui viennent », anticipe son cofondateur. Pour les clients européens, les enjeux de souveraineté (re)devenus prégnants constituent « un argument de vente ».
Les attentes du marché français ont par ailleurs évolué, rejoignant ce qui se faisait déjà à l’étranger. « Wavestone reste centré sur le sujet du conseil, mais, quand il a l’opportunité d’aller dans l’implémentation à un bon niveau de valeur ajoutée, il le fait. L’apport de Q_Perior est un atout. »
Vers le milliard d’euros de chiffre d’affaires
En 2023, Pascal Imbert annonce cet objectif ambitieux – qu’il vise pour la clôture de l’exercice fiscal 2024. « Je n’aurais jamais dû dire ça ! Ça nous a porté la scoumoune », sourit-il.
Wavestone a atteint près de 944 millions, alors que le marché s’est durci. « La phase actuelle de ralentissement est assez exceptionnelle, car très progressive et prolongée ». Mais « la dette de projets de transformation » qu’il diagnostique chez ses clients le convainc d’un rebond prochain.
Quid de la phase d’après, précisément, pour Pascal Imbert ?
En juillet 2026, il passera officiellement la main : l’ancien CEO de Q_Perior, Karsten Höppner, deviendra DG aux côtés de Benoît Darde, DG délégué. « Je l’avais annoncé dès 2021 pour donner un horizon à Wavestone. J’ai 67 ans et la crainte d’une vente de l’entreprise devenait palpable. »
Pascal Imbert quittera donc ses fonctions exécutives pour devenir président du conseil d’administration, dans un rôle renforcé durant la période de transition afin de garantir le bon déroulement du plan de succession.
Cela n’en reste pas moins « un crève-cœur » pour lui. « J’aimerais beaucoup faire une acquisition structurante aux US… » Mais il tient à passer la main « dans de bonnes conditions ». La pérennité du projet Wavestone avant tout.
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