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Cinq ans aux commandes du cabinet de conseil de la Caisse des Dépôts : interview bilan du DG

À quelques mois de son départ, Romain Lucazeau revient – pour Consultor – sur les transformations qu’il a menées à la SCET. Quels contrastes entre son expérience dans des cabinets privés et le pilotage d’un acteur public de conseil ?

Lydie Lacroix
14 Nov. 2025 à 12:00
Cinq ans aux commandes du cabinet de conseil de la Caisse des Dépôts : interview bilan du DG
© Banque des Territoires

Durant plus de 15 ans, Romain Lucazeau a évolué dans le conseil en stratégie, d’abord chez Monitor puis chez Roland Berger, jusqu’à en devenir associé en 2020. Et puis, un an plus tard, il a eu envie « de passer de l’autre côté du miroir», lui qui s’était spécialisé dans le conseil aux acteurs publics. Mu par le désir de comprendre pourquoi, « une fois que les consultants ont mis sur PowerPoint les recettes pour réussir une transformation, cela reste compliqué dans la réalité»

À cet égard, le futur ex-DG a été « servi». Cela alors même que la SCET est un acteur intermédiaire entre le public et le privé.

Dans un contexte de transformation dans la sphère publique, où l’on pilote des effectifs « différents de ceux des cabinets de conseil» et où l’on se frotte aux syndicats. Romain Lucazeau a appris « ce qu’est le management». Réalisant « qu’entre la mission ou la reco idéale et son exécution, il y a beaucoup d’énergie à dépenser»

Comment définir la SCET aujourd’hui, dans le paysage du conseil ?

2301 Romain LUCAZEAURomain Lucazeau : Le Groupe SCET est quasiment le seul acteur de conseil à capitaux publics sur le marché français. Nous intervenons principalement auprès des collectivités locales, de leurs satellites – les sociétés d’économie mixte – et des bailleurs sociaux.

Nos grandes expertises relèvent de l’urbanisme, de l’ingénierie territoriale et du conseil opérationnel à l’aménagement. Nous sommes en concurrence directe avec les cabinets de conseil privés qui travaillent pour les collectivités locales.

Pour ma part, depuis bientôt cinq ans, j’ai œuvré à déployer le modèle opérationnel d’un cabinet de conseil, qui n’existait pas à mon arrivée. Le groupe fonctionnait alors comme une entité de mutualisation d’expertises, constitué d’un « archipel » de sociétés très autonomes, qui ne collaboraient pas. Nous avons donc mis en place une équipe marketing, un ERP, des processus de pilotage financier, des processus et des outils RH, une démarche d’amélioration continue, etc. L’objectif était de structurer la SCET comme un « vrai » acteur de conseil.

Aujourd’hui, un jeune consultant qui nous rejoint vit dans son quotidien une expérience similaire à celle d’un cabinet privé, avec une seule différence : la SCET étant un acteur public qui se consacre aux territoires, le jeune en question aura plus de chances d’aller mener une mission dans la Creuse ou en Guyane française !

Quelle place occupe le conseil en stratégie dans vos activités ?

Nous avons créé une petite capacité de conseil en stratégie et prospective, Bureau T. Elle n’a pas vocation à se développer de façon massive : il s’agit de quelques personnes sur un effectif global d’environ 300.

Mais il est important pour nous de disposer de cet outil, car les collectivités locales peuvent avoir besoin d’être accompagnées sur des sujets à très haut niveau de complexes. Un exemple de mission : travailler sur un exercice de prospective systémique à long terme pour une région.

Globalement, le marché du conseil en stratégie au secteur public a connu une baisse très significative, notamment après « l’affaire McKinsey ». Le haut du marché, centré sur l’État, a donc subi une forte contraction, mais il repart doucement, et ma conviction est qu’il va retrouver des couleurs après 2027.

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Du côté des collectivités locales, les volumes n’ont pas beaucoup varié, mais le mode d’achat a changé. Le poids des centrales d’achat a augmenté au détriment des appels d’offres, ce qui rend le marché moins « transparent ».

On observe aussi une hybridation progressive des expertises : les collectivités recherchent désormais des acteurs capables d’offrir un conseil plus généraliste, proche de ce qu’attendent les clients privés. Ce marché est devenu plus mature. 

Quant au rapport de la Cour des comptes pointant des dépenses de conseil externe « insuffisamment motivées» – bien qu’elles restent marginales dans leurs budgets (autour de 1,5 %) – cela illustre la nécessité de mieux articuler les expertises publiques existantes et de mutualiser les ressources entre territoires, ce à quoi s’attelle constamment le Groupe SCET.

Lors du dernier appel d’offres de la Banque des Territoires concernant son département Digital, le groupe a été retenu sur le lot « Études territoriales». Logique, mais cela reste un tout petit « bout» de ce marché de conseil

Nous travaillons régulièrement avec la Banque des Territoires et la Caisse des Dépôts, dès lors qu’il s’agit de sujets qui concernent… les territoires. Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas leur agence de conseil interne ! Nous n’intervenons pas sur leurs besoins, sur des enjeux de transformation, d’organisation ou de performance, car il serait délicat pour nous de le faire à l’égard de notre actionnaire.   

En revanche, nous participons de façon proactive au déploiement de démarches d’ingénierie territoriale, par lesquelles un acteur public national (CDC, ANCT, ANRU…) finance du conseil au bénéfice de collectivités.

Par ailleurs, comme n’importe quel cabinet, nous répondons à des appels d’offres, nous concluons des marchés de gré à gré, et nous sommes titulaires de lots de centrales d’achat. Mais nous restons un acteur d’intérêt général. À ce titre, nous travaillons souvent là où les autres vont moins, comme en Guyane, à Mayotte ou à La Réunion notamment, sur des schémas d’aménagement régional. 

Vous ne piloterez pas le « grand pôle de conseil d’intérêt général» issu du rapprochement de la SCET et d’Habitat & Territoires Conseil (HTC) – si ce dernier se concrétise. Dans quel état d’esprit abordez-vous votre départ ?  

« The job is done. » Je ressens une grande fierté d’avoir piloté la modernisation de fond en comble d’une vieille dame fondée en 1955 et qui constitue à nouveau une référence en matière d’accompagnement à la transformation des territoires.

En 2026, la SCET sera à l’équilibre du point de vue financier. Cela a pris du temps, car nous avons dû ajuster notre structure de coûts et accompagner certains départs. Nous avons aidé plusieurs profils seniors à rejoindre l’économie mixte – avec laquelle nous entretenons des liens très forts – car il s’agissait d’experts ou de managers plutôt que de consultants.

Malgré cette amélioration économique, nous restons un acteur fragile… D’où l’intérêt d’atteindre une taille critique, pour absorber plus facilement les coûts de structure. C’est ce que nous visons dans le cadre du rapprochement en cours avec HTC [le groupe conseil de l’Union Sociale pour l’Habitat, ndlr], qui en est au stade des négociations exclusives entre actionnaires. Nous formerions ainsi ce que nous avons appelé « un grand pôle de conseil d’intérêt général ».  

L’autre enjeu de ce rapprochement serait d’équilibrer notre clientèle entre collectivités locales et bailleurs sociaux, car, les années d’élections, les collectivités locales dépensent moins. En 2025, nous nous sommes plutôt bien débrouillés, mais, en 2026, nous nous attendons à ce que ce soit un peu plus compliqué.

Je souhaite donc aux équipes du Groupe SCET que ce rapprochement aboutisse. À titre personnel, ce serait une grande satisfaction d’avoir mené la société à bon port. Et le temps est venu pour moi de mettre le cap vers des horizons plus aventureux. 

Roland Berger
Lydie Lacroix
14 Nov. 2025 à 12:00
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secteur public

Adeline
secteur public
Romain Lucazeau, DG, SCET, cabinet de conseil public, transformation, Caisse des Dépôts, Banque des Territoires, collectivités locales, ingénierie
15027
Roland Berger
2025-11-14 14:02:41
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Non
Transformer un acteur public : bilan de 5 ans à la tête de la SCE
Près de 5 ans pour faire du Groupe SCET (Caisse des Dépôts) un véritable cabinet de conseil : son DG, Romain Lucazeau, ex-associé chez Roland Berger, revient sur cette transformation, à quelques mois de son départ.