Achats de conseil de l’État : le stage qui gêne
Thierry Lambert, le délégué interministériel à la transformation publique (DITP) qui chaperonne le principal marché de conseil de l’Etat, était entendu jeudi 2 décembre par la commission d’enquête du Sénat. Le contrat de son fils avec McKinsey, supposé témoigner de l’exemplarité de la déontologie de la DITP, est surprenant.
- Oliver Wyman et Roland Berger, « élus » du copieux marché du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer
- Anah : nouveau (gros) marché de conseil en vue pour rénover sa stratégie
- Les hôpitaux se regroupent pour acheter 60 M€ de conseil
- Etat et conseil : le gouvernement sort du bois
- Secteur public : exit McKinsey, welcome Oliver Wyman
- 150 M€ pour 10 cabinets de conseil en stratégie : l’État lance sa consultation
- Le nouveau marché de conseil de l’État se fait attendre
- Missions pour les Big Pharma et la FDA : aucune contre-indication selon McKinsey
L’audition de Thierry Lambert devant la commission d’enquête du Sénat était l’occasion pour la DITP d’expliquer le mode de fonctionnement du principal marché-cadre de conseil auquel ont actuellement recours les ministères français.
Il y fut abondamment interrogé sur les règles en place à la DITP pour éviter tout conflit d’intérêt. En effet, la DITP compte d’anciens consultant recrutés en tant que contractuels pour acheter du conseil pour le compte de l’Etat, et inversement, il arrive que des contractuels actifs à la DITP partent travailler pour des cabinets de conseil. Tous ces liens sont scrupuleusement encadrés, a rappelé Thierry Lambert (relire notre article).
Et d’évoquer le cas de son fils. Thierry Lambert a confié que son fils avait lui-même effectué un stage chez McKinsey pendant sa scolarité, un stage « pour lequel je ne suis absolument pas intervenu, il le doit à ses seuls mérites. Comme à l’issue de ce stage, il a eu une proposition d’embauche pour septembre 2022, je me suis immédiatement déporté. Je n’ai plus aucun contact avec McKinsey en lien avec le marché-cadre qui nous lie actuellement. Évidemment, je me déporterai en faveur de mon adjoint pour le prochain marché si McKinsey se présente à une des offres de l’appel d’offres [le prochain marché-cadre qui est en préparation et sera publié au printemps ─ ndlr], je serai bien entendu exclu de l’analyse, de la négociation et des décisions sur McKinsey ».
Un exemple censé témoigner du caractère irréprochable de la DITP et sur lequel Thierry Lambert est revenu à nouveau au cours de son audition.
« C’est un conflit théorique parce que mon fils va être recruté en septembre 2022 – et peut-être qu’il ne va pas répondre à l’offre. Mais dès lors qu’il y a un risque qu’on puisse considérer qu’il a eu cet emploi parce que j’allais donner un marché à McKinsey. Je pense que c’est extrêmement important qu’on ne puisse pas se poser la question. Je l’ai dit à mes équipes, je l’ai dit au secrétaire général du gouvernement, je l’ai dit à la ministre. »
Cette situation témoigne aussi de la très bonne implantation de McKinsey à la sortie des grandes écoles françaises (le fils de Thierry Lambert est scolarisé à l’École des Ponts) et au sein des élites publiques et privées.
Ce n’est d’ailleurs pas du tout le premier cas de « fils de » chez McKinsey : Victor Fabius, le fils de l’ancien premier ministre et actuel membre du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, est associé du bureau parisien de la firme ; les enfants de l’ancien patron de Renault, Carlos Ghosn, y ont travaillé (ainsi qu’au BCG,) tout comme Delphine Arnault et Frédéric Arnault, l’un des fils de Bernard Arnault.
D’ailleurs devant les étudiants de Polytechnique en 2017 (voir la vidéo à 10’35’’), Bernard Arnault confiait avoir lui-même fait un stage au sein de la firme. Où, racontait-il, il avait croisé un certain Laurent Fabius.
à lire aussi
Jeudi 2 décembre, la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil dans les politiques publiques démarrait ses travaux. Elle se donne pour objectif de faire la lumière sur un sujet devenu grand public après que plusieurs cabinets de conseil sont intervenus auprès du gouvernement dans le cadre de la gestion de la pandémie.
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaire (0)
Soyez le premier à réagir à cette information
France
- 10/05/24
Sur le marché de l’emploi, la pratique de ces candidats à une embauche, déjà recrutés ou sur le point de l’être, qui du jour au lendemain ne donnent plus aucune nouvelle, est désormais bien identifiée. Le « ghosting » a été amplement documenté dans tous les secteurs de l’économie… au point de toucher à présent des microcosmes tels que le conseil en stratégie ? Ponctuellement, oui, disent à Consultor plusieurs partners et recruteurs. Dans un cercle aussi fermé, les risques réputationnels ne semblent pas effrayer certains candidats.
- 07/05/24
Simulacre, tel est le titre du 2e roman publié par l’alumni de Kéa, François-Régis de Guenyveau. L’ex-consultant de 35 ans, qui a passé près de 8 ans chez Kéa (jusqu’à fin 2022), se voit éditer une nouvelle fois par une maison de la place, Fayard (le premier a été publié chez Albin Michel). Une prouesse pour le jeune auteur inconnu d’un milieu littéraire très fermé.
- 26/04/24
Il avait quitté Circle Strategy en septembre dernier, annonçant alors des projets dans le domaine artistique, et plus particulièrement musical. C’est chose faite. Augustin Van Rijckevorsel, dit Gus, l’un des cofondateurs (en 2019) et ex-président du cabinet, a sorti il y a quelques jours son premier single, « Rester petit », en tant qu’auteur-interprète.
- 23/04/24
Nouveaux locaux pour les équipes du cabinet eleven, créé en 2008 et positionné à la croisée des chemins entre le conseil en stratégie, le digital, la data science et l’IA, qui a tout récemment quitté la place Victor-Hugo pour s’installer sur l’avenue Pierre-Ier-de-Serbie.
- 22/04/24
« Les cabinets de conseil en pleine incertitude » pour Les Échos, « des vagues de licenciement et des embauches gelées » pour Le Figaro, « un avenir plus cyclique pour les consultants » selon le Financial Times… Que se passe-t-il vraiment dans le monde du conseil en stratégie ? Immersion, via plusieurs cabinets, dans des terres dont on ne peut dire pour l’instant qu’elles soient « brûlées ».
- 19/04/24
C’est un partner de près de 13 ans de cabinet qui a quitté McKinsey. Ilan Rozenkopf est spécialisé dans les secteurs de l’aviation commerciale, de la défense et de l’espace. « Je concentre mon travail sur la transformation du business model dans un contexte de rupture de marché et technologique », écrit-il sur son profil LinkedIn.
- 15/04/24
Elle fait office de bras droit du CEO et de chef d’orchestre managérial. La fonction de chief of staff a débarqué en France il y a une quelques années seulement dans le monde de la tech et se développe à vitesse grand V. Un poste taillé sur mesure pour les profils de consultants en stratégie. Six d’entre eux nous font découvrir ce métier couteau suisse qui s’avère aussi un intéressant poste tremplin pour les alumni du conseil.
- 15/04/24
Après l’arrivée/la promotion de 9 partners en 2023 chez Strategy&, 2 autres associés ont quitté récemment l’entité stratégie de PwC : le partner François Aubry, arrivé en 2022 (qui a rejoint Roland Berger), et le partner Guillaume Charly, depuis 2020 au sein du cabinet (qui ne communique pas pour l’instant sur sa nouvelle destination).
- 12/04/24
La senior partner Clare Chatfield, entrée chez L.E.K. en 1990, à la tête de la practice Énergie et Environnement depuis 2000, a quitté le cabinet après près de 35 ans de carrière.