L’argument « benchmark » des consultants
Les cabinets sont fréquemment mandatés pour établir des comparatifs internationaux ou des comparatifs sectoriels par des clients bien conscients des risques de perte de confidentialité auxquels ils s’exposent. Des données obtenues par le Sénat confirment cette tendance.
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Les exemples de missions de cabinets de conseil en stratégie visant à établir des comparatifs – les benchmarks en bon français – sont légion : McKinsey sur les stratégies de vaccination mises en œuvre à l’étranger (voir ici), Vertone sur la stratégie de distribution en ligne des marques d’hygiène-beauté (voir notre article)… Chez Renault, chaque direction du groupe ne rechigne pas non plus à des benchmarks externes, parfois pour trancher des divisions internes (là).
Benchmark tous azimuts
C’était aussi une des attentes de l’Établissement français du sang dans un appel d’offres de conseil en 2021 (relire notre article).
Un appétit des clients pour ce type de mission que les récentes données obtenues par le Sénat n’infirment pas, bien au contraire.
Le rapport du Parlement sur l’influence des cabinets de conseil privé met au jour plusieurs de ces missions de parangonnage. Roland Berger a travaillé sur les coûts de collecte des déchets au niveau européen (2021, 149 201 euros). Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, le BCG est lui intervenu sur la maturité en e-santé des pays de l’Union européenne (2021, 196 200 euros). McKinsey a bûché sur les systèmes de paiement en santé à travers le monde (2018, 670 745 euros) et les délais d’instruction des projets d’implantation industrielle en Europe, en particulier en Allemagne, Pologne et Suède (2021, 403 548 euros). EY a réalisé une analyse internationale de la fonction RH des États (2020, 150 000 euros). Quand PMP, dans le cadre du projet de refondation de la relation client de la Caisse des dépôts et consignations (relire notre article) établissait une cartographie des acteurs de l’écosystème de la protection sociale (2020, 96 000 euros).
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Usage durant les missions, destruction ou stockage en fin de projet, réutilisation dans des engagements ultérieurs : les cabinets livrent les règles auxquelles ils s’astreignent pour veiller sur les données des clients.
Des clients privés et des administrations publiques très précautionneux sur les données transmises
Des prestations très récurrentes donc, mais aussi très cadrées par les clients bien conscients des risques de perte de confidentialité que ces comparatifs peuvent poser. Les cabinets de conseil sont en effet souvent taxés d’utiliser les données acquises au fil de leurs missions pour alimenter leur base de données (relire notre article).
« Il est faux de dire que les choses fuitent quand on passe par un prestataire externe, mais les clients savent que les cabinets anonymisent certains éléments qu’ils incluent dans des benchmarks fournis à d’autres clients », indiquait à Consultor Caroline Dornstetter, une senior manager d’ENGIE Consulting et ancienne du BCG (relire ici). D’où une logique de sélection des données passées aux consultants.
Même démarche a priori des administrations publiques : un principe de minimisation tant des données elles-mêmes que des destinataires prévaut au moment de collaborer avec des cabinets de conseil, indiquait Cédric O, le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques lorsqu’il était entendu par le Sénat le 2 février 2022.
Car, sur ces comparatifs, plane une certaine incertitude quant aux données qui y sont utilisées. Un certain paradoxe, notait quant à lui le Sénat : « D’un côté, les données recueillies par les cabinets de conseil […] ne seraient pas réutilisées au profit de leurs autres clients ; de l’autre, ces mêmes cabinets proposent des benchmarks réalisés en un temps record. »
Une incertitude ou un paradoxe alimentés a fortiori par les sources différentes utilisées par les cabinets pour établir ces comparatifs : dans les versions les plus cheap, ils peuvent se limiter à compiler des articles de presse ; dans les versions les plus haut de gamme, ils peuvent émaner de données issues des services de recherche du cabinet, de données publiques recueillies par ses succursales implantées dans le monde, ou d’entretiens qualitatifs conduits par les consultants auprès d’experts (lire notre article sur les sources des consultants).
Plus de contrôle des clients à l’avenir ?
Dans le secteur public, pour couper court à cette incertitude, le Sénat préconise qu’en cas de doute, l’administration puisse saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour qu’elle procède au contrôle du cabinet de conseil, voire faire réaliser par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) un référentiel d’audit de la sécurité des systèmes d’information attendue des prestataires réalisant une mission de conseil pour l’État et ses opérateurs.
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