Plan de relance italien : le recours à McKinsey ne passe pas
La décision du nouveau gouvernement dirigé par Mario Draghi de faire appel au cabinet McKinsey pour l’aider avec le plan européen de relance agite la nouvelle coalition. Un contrat minimal de 25 000 euros, qui aurait dû être pro bono, mais pour lequel le gouvernement a souhaité couvrir au moins les frais des consultants, qui suscite une polémique maximale.
Dans le détail, a annoncé le ministère des Finances ce week-end, le cabinet américain doit conseiller et aider le ministère des Finances dans la rédaction du plan italien pour les 209 milliards d’euros attribués par l’Europe – sur les 750 sur lesquels les dirigeants de l’Union s’étaient mis d’accord le 21 juillet 2020 – pour surmonter la crise. Le cabinet interviendra concrètement sur les projets d’allocations des fonds européens dans l’économie italienne établis jusqu’à présent, aider à leur amélioration d’ici la remise d’un plan officiel italien de relance à la Commission européenne en avril. Le rôle du cabinet consistera également à comparer ce plan avec ceux des autres pays européens.
La gouvernance de cette aide demeurera de la responsabilité du ministère ainsi que d’autres autorités, a poursuivi le ministère des Finances.
Mario Draghi, ex-patron de la Banque centrale européenne, a été nommé président du Conseil des ministres italien le 13 février et son gouvernement compte parmi ses ministres un ancien de McKinsey (relire notre article). Le nouveau chef du gouvernement a jusqu’à fin avril pour soumettre à la Commission européenne le plan de l’Italie.
Ce recours à McKinsey, dévoilé dès vendredi par la Radio Popolare puis samedi par le quotidien La Repubblica, provoque en tout cas un malaise au sein de la majorité au pouvoir et dans la classe politique au sens large. « Nous devons faire appel aux meilleurs du pays (…) et ne pas déléguer des tâches essentielles à des outsiders issus du secteur privé », a expliqué l’ancien ministre Giuseppe Provenzano du parti démocrate, cité par Bloomberg.
« Si le schéma a changé, cela doit être communiqué et expliqué au parlement », a ajouté pour sa part le sénateur Antonio Misiani du parti démocrate. Cet ancien ministre des Finances adjoint sous le précédent gouvernement de Giuseppe Conte faisait allusion à la promesse donnée par Mario Draghi que le ministre des Finances ainsi que les détenteurs de maroquins ministériels seraient responsables de ce plan. « Nous demandons de la transparence », a pour sa part évoqué Francesco Silvestri du mouvement Cinq Étoiles, la plus importante force au Parlement italien et au sein de la coalition.
Cette levée de boucliers politique intervient alors qu’en début d’année la précédente coalition gouvernementale de Giuseppe Conte se querellait ouvertement sur la future gestion de la manne européenne à venir. Une méfiance redoublée par le récent précédent français où le recours à McKinsey pour accompagner le gouvernement français dans la gestion de la pandémie a suscité des semaines de tollé dans l’opinion (relire notre article).
Crédit photo : vue de Rome, Unsplash, Caleb Miller
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaires (1)
citer
signaler
secteur public
- 18/04/24
Selon le rapport du Bureau du vérificateur général du Canada, la majorité des contrats fédéraux attribués à McKinsey par le gouvernement canadien depuis 2021 l’ont été sans appel d’offres.
- 05/04/24
La Régie autonome des transports parisiens vient de lancer le 2 avril un appel d’offres concernant des prestations de conseil en stratégie et en RSE, un accord-cadre de 2 lots à marchés subséquents, allotis, multi-attributaires pour chacun des lots, sans montant minimum et au maximum une enveloppe de 7,825 millions d’euros, dont 7 M€ pour le seul lot stratégie. Une mission notifiée pour une durée pour le moins précise de 654 jours.
- 04/04/24
Accusé de trop utiliser les cabinets de conseils privés, l’État fait le choix de s’émanciper de ces derniers. Leur remplacement par l’agence de conseil interne de l’État, mais aussi les inspecteurs généraux et les cellules internes aux ministères, s’accélère. Une nouvelle ère s’amorce ?
- 02/04/24
Agnès Audier devient présidente (non exécutive) du Conseil d’administration du Groupe SCET — Services Conseil Expertises et Territoires, filiale de la Caisse des Dépôts.
- 20/03/24
Une nouvelle mission relative aux services publics de l’emploi en Europe pour Roland Berger : le ministre flamand de l’Emploi, Jo Brouns, a demandé au bureau belge de se pencher sur le fonctionnement du VDAB, l’Office régional flamand de l’emploi.
- 04/03/24
Quelques mois après avoir demandé au cabinet de conseil de l’aider à faire le ménage dans la politique chaotique de délivrance des permis de construire, le maire démocrate Kirk Watson, réélu en janvier 2023 (il l’avait déjà été entre 1997 et 2001) avait de nouveau sollicité McKinsey. Cette mission, qui dès l’annonce de son coût et du cabinet retenus avait fait grand bruit, est finalement abandonnée faute de consensus entre les différentes administrations concernées.
- 29/02/24
Aux États-Unis, McKinsey est une nouvelle fois sur la sellette. Les républicains demandent d’exclure la firme des contrats fédéraux, en raison de son rôle – supposé – dans un groupe de réflexion ayant œuvré auprès des autorités chinoises. McKinsey dément catégoriquement. Une affaire qui se déroule à 9 mois de l’élection présidentielle américaine.
- 12/02/24
Périmètre réduit, rapport annuel changé d’objet, limitation des pouvoirs d’intervention de la Haute autorité à la transparence de la vie publique… Plusieurs amendements apportés à la proposition de loi provoquée par « l’affaire McKinsey » et issue de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques ont suscité l’ire des parlementaires de l’opposition. Elle n’en continue pas moins à beaucoup inquiéter dans le secteur du conseil.
- 23/01/24
Accompagner au changement et aider à la mise en œuvre d’une nouvelle organisation : tels seront les contours de la future mission (d’une valeur maximum de 210 000 euros HT) pour le cabinet de conseil en stratégie qui sera choisi par le Muséum National d’Histoire naturelle. Le MNHN, avec son Jardin des Plantes, est un musée français emblématique fondé en 1793, sous la double tutelle des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Environnement.