A contre-courant : Démarrer le conseil à 30 ans

Dotés d’une expérience professionnelle réussie de plusieurs années dans d’autres domaines, Sylvain et Benjamin ont choisi de se réorienter vers le conseil en stratégie : ils nous expliquent pourquoi.


D’un côté, des consultants talentueux lancés dans le conseil dès la sortie des grandes écoles, désireux d’aller explorer d’autres horizons vers 30 ans.

De l’autre, d’ex-brillants jeunes diplômés, engagés dans des parcours au sein de grands groupes ou d’autres types de firmes, voire dans l’entrepreneuriat, en partie frustrés professionnellement pour diverses raisons.

29 Juil. 2016 à 16:18
A contre-courant : Démarrer le conseil à 30 ans

Et un passage d’un monde à l’autre qui, s’il est très emprunté du conseil à l’entreprise, l’est infiniment moins dans le sens contraire.

Pour nous aider à mieux comprendre les raisons de leur audace et encourager ceux qui « s’ennuient » à éventuellement franchir le cap, Benjamin et Sylvain (1) reviennent sur les détails de leurs parcours et bifurcations.

Au premier abord, rien ne semble prédestiner nos deux intervenants à choisir un jour le conseil en stratégie : après une école d’ingénieurs, Benjamin obtient un doctorat en physique tandis que Sylvain est diplômé de l’Ecole Polytechnique.

Têtes bien faites et débuts prometteurs

Toutefois, leurs premiers choix de carrière ne s’inscrivent pas dans la droite ligne de leurs cursus respectifs. Benjamin quitte la recherche, prépare un MBA et crée une start-up avec deux associés « dans le domaine du conseil en innovation ».

Ayant fait beaucoup de mathématiques appliquées, Sylvain devrait logiquement s’orienter vers la finance : il préfère la géologie. S’ensuivent cinq années comme géophysicien au sein d’un grand groupe leader mondial de l’énergie, dans une équipe « faisant de l’exploration ». Il y noue de vraies amitiés, travaille sur des sujets passionnants pendant plusieurs mois, voire un an ou deux. Mais, « une fois que les sujets quittaient ma zone d’expertise, je n’avais plus de nouvelles », indique-t-il.

Autre aspect frustrant, le fait de devoir rester dans le même domaine durant une dizaine d’années pour pouvoir évoluer, alors qu’il souhaite avoir « une visibilité plus grande de ce qui se passe au niveau business dans un grand groupe ».

« Problématiques complexes, fort impact et travail en équipe »

Avec leur start-up et alors que le projet entrepreneurial est rentable, Benjamin et ses associés réalisent qu’ils sont en avance par rapport à la maturité du marché : « beaucoup d’efforts pour peu de récompenses » – des divergences apparaissent quant à la voie à suivre.

Nos interlocuteurs s’interrogent alors sur l’avenir. Or Benjamin a compris qu’il existe « un fil rouge dans [son] parcours : l’envie d’apprendre et d’entreprendre". Pour continuer à se former « avec des gens plus expérimentés , résoudre des problématiques complexes en ayant un fort impact et effectuer ce travail en équipe », le conseil en stratégie semble presque couler de source.

Pour Sylvain, qui souhaite un jour revenir dans le secteur de l’énergie « avec une expérience des problématiques de l’entreprise autres que techniques », le conseil constitue une bonne voie.

Deux étapes essentielles : les rencontres et la préparation

Une fois parvenu à cette conclusion, comment s’assurer de sa pertinence et se préparer au mieux ?

N’ayant pas d’amis proches dans le domaine, Benjamin renoue contact avec d’anciens camarades de classes prépas et utilise LinkedIn pour rencontrer d’autres consultants. Avec eux, il « partage [son] parcours et [ses] envies pour voir si le conseil en stratégie constitue une bonne option ». « Il ne faut surtout pas hésiter à formuler un maximum de questions dont certaines, très directes, du type “Combien de fois par semaine dînes-tu avec ton amie ?” », poursuit Sylvain.

Quant aux indispensables études de cas, elles nécessitent d’y consacrer du temps, le luxe de nos deux interlocuteurs étant d’en avoir disposé facilement (cessation volontaire d’activité pour le premier ; emploi offrant l’opportunité de s’organiser librement pour l'autre). L’idéal est de pouvoir y travailler « à plusieurs », à l’instar des jeunes diplômés. Et il convient de ne se lancer qu’une fois véritablement « prêt », les convocations pouvant être extrêmement rapides.

Au total pour Sylvain, six mois se sont écoulés entre « le moment où [il s’est] posé la question et les premiers entretiens, puis encore quasiment six mois pour avoir une offre intéressante et démissionner ». Il a passé des entretiens dans cinq cabinets de taille variée.

Comment choisir le « bon » cabinet ?

Pour Benjamin, le cabinet doit avoir « un vrai positionnement de conseil en stratégie induisant des missions assez courtes, six semaines en moyenne : en deux ou trois ans, on aura un apprentissage fulgurant ».

Sylvain se fie au contact humain : « Durant les entretiens, les gens les plus intéressants et les plus agréables appartenaient à mon cabinet actuel. Cela m’a donné envie de travailler avec eux ».

Nos deux interlocuteurs optent pour un cabinet de petite taille. Issu du monde de la recherche, puis CEO d’une start-up, Benjamin ne se voit pas évoluer « dans un cabinet de 300 personnes où [il] ne sera qu’un pion au milieu d’une énorme machine ». Il désire néanmoins que le cabinet comprenne des partners, des managers, etc.

Venant d’un grand groupe, Sylvain préfère pour sa part un endroit où « l’initiative personnelle sera valorisée », les procédures étant moins nombreuses. Enfin, l’un comme l’autre se renseignent avec précision sur les secteurs industriels dans lesquels le cabinet intervient.

Du rêve à la réalité : premières impressions…

Dès leur arrivée, ils se sentent « attendus » et sont très bien accueillis. Immédiatement « mis dans le bain », ils sont staffés au bout de quelques jours seulement ! Le niveau d’exigence est extrêmement élevé. Quelques mois plus tard, trois éléments leur semblent majoritairement gratifiants : véritablement écoutées, leurs recommandations seront suivies d’effets ; 100 % de leur temps est dédié à des tâches à haute valeur ajoutée ; les missions variées s’enchaînent.

Le travail en équipe plaît particulièrement à Benjamin : « Quel plaisir de passer sa journée avec des gens intelligents, en interne et en externe ! Les plus expérimentés nous apportent énormément sur leurs connaissances sectorielles ». « C’est un métier enthousiasmant : travailler sur des problématiques et pour des clients différents, identifier celles-ci comme étant à la source des décisions d’une entreprise, permet de “grandir rapidement” », ajoute Sylvain.

… et éléments problématiques

Le rythme de travail très soutenu – soixante heures par semaine en moyenne – et les horaires prolongés – fin de journée classique vers 20 h-20 h 30 constituent l’une des difficultés majeures. Benjamin précise : « À 30 ans, on est souvent “installé”, avec une compagne ou un compagnon. Cela demande une véritable organisation et des concessions de la part de l’entourage ». Un rythme ultra-tendu qu’il ne faut pas voir « comme une souffrance », ce travail s’effectuant presque toujours en équipe, mais qui constitue le « maximum tenable sur plus de quelques mois ».

Faisant bénéficier leurs cabinets respectifs de leur expérience antérieure, les deux « nouveaux consultants » sentent qu’il leur « manque des briques de base ». La mise à niveau « techno » est toutefois rapide pour Benjamin, habitué aux projets incluant programmation et bases de données.

Les autres points d’achoppement sont l’extrême rapidité requise dans l’exécution, ou le fait d’être managé par des plus jeunes – ce dernier aspect ne gênant ni l’un ni l’autre. Sylvain reconnaît pourtant avoir vécu une période de doute : ne maîtrisant pas certains outils essentiels du conseil comme « récupérer de l’information et élaborer une présentation PowerPoint intéressante et structurée, faisant ressortir pour le client les aspects qui vont lui apporter de la valeur », il se retrouve, à 30 ans, « dans une position relativement junior »… Un bref flottement qui ne l’empêche pas de devenir consultant senior peu après.

« Une équipe de choc qui phosphore pour trouver des solutions »

Maintenant qu’ils l’expérimentent de l’intérieur, qu’inspire à nos deux interlocuteurs le fait d’avoir intégré des structures de conseil ?

Benjamin évoque l’aspect émotionnel, assez développé dans le conseil contrairement aux apparences : « Quand on vit des moments d’extrême tension au sein de l’équipe, que l’on va voir le client et qu’il est très satisfait, ce que l’on ressent est très fort. C’est un métier très engageant ». Avoir rejoint un cabinet engendre chez lui un grand sentiment de fierté vis-à-vis du travail qui y est produit, mais aussi de ses chefs et des « petits jeunes [qu’il manage], hyper motivés et enthousiastes ».

De son côté, Sylvain parle « d’une équipe de choc [4-5 personnes maximum par mission dans la structure où il travaille] qui phosphore pour trouver des solutions – avec tout ce qu’induit ce genre de formation réduite : c’est difficile, on se serre les coudes, on rigole bien et l’on a de bons souvenirs après coup ! » Dans son cabinet, la compétition est d’ailleurs remplacée par l’émulation – question de taille sans doute : l’absence de quotas pour accéder au grade supérieur modifie profondément la nature des relations entre les équipes.

Profession conseil : « ici et maintenant », voire plus si affinités ?

Après une phase d’adaptation réussie, Benjamin et Sylvain ont trouvé leur rythme de croisière... Leurs objectifs à court terme sont identiques : « continuer à apprendre pour devenir encore plus efficace » (Benjamin) ; « être un bon senior consultant pour devenir un bon manager » (Sylvain).

Pour chacun, il s’agit d’une étape. « Le jour où [sa] courbe d’apprentissage s’aplatira un peu », le premier songera peut-être à partir vers d’autres horizons - l’industrie ou de nouveau l’entrepreneuriat. Quant au second, il fixe l’échéance à « deux ans plutôt que cinq » : malgré la formidable opportunité « d’évolution, d’apprentissage et de développement humain » que ce métier représente et l’enthousiasme qu’il génère, il est tellement « prenant » qu’il ne se conjugue pas à long terme avec le schéma de vie privée qu’il envisage.

~ Pour conclure cette évocation, Sylvain et Benjamin insistent sur un élément essentiel : se lancer dans le conseil à 30 ans, c’est possible !

Lydie Turkfeld, pour Consultor.fr

 

(1) – Les prénoms ont été modifiés à la demande des deux consultants.


29 Juil. 2016 à 16:18
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commentaires (1)

Deborah
03 Nov 2016 à 17:18
et se lancer à + de 40 ans quand on a occupé des positions de manager/chef de service?

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